VOYAGE IMAGINAIRE de Cyrano de Bergerac (résumé)
Publié le 12/11/2018
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VOYAGE IMAGINAIRE. Dans les États et Empires de la Lune (1657) de Cyrano de Bergerac, un petit Espagnol à « l’esprit joli », que les Sélénites gardent parmi leurs singes, confie au narrateur qu’il prit le chemin des airs, porté par des oiseaux, parce « qu’il n’avait pu trouver un seul pays où l’imagination même fût en liberté ». Tel est, en effet, le désir profond qui gouverne la genèse, le devenir et les thèmes du voyage imaginaire : un mouvement d’évasion et de création où l’écriture retombe parfois dans les pesanteurs et les servitudes d’une réalité qu’elle prétend fuir, critiquer ou réformer.
Du mythe à la science-fiction
Les mythes sont prodigues en voyages au pays du mystère : Gilgamesh part vers l’Orient à la recherche de la plante d’immortalité; Hercule parcourt un espace semé de monstres; Thésée pousse un « raid » aux Enfers; Jason monte une expédition au jardin des Hespérides... L’épopée, fille infidèle du mythe qu’elle articule avec l’histoire, utilise le thème comme épisode de la « carrière » héroïque (Ulysse, sur la « mer inféconde », évite les pièges des magiciennes, des sirènes et la trompeuse douceur des Lotophages). Bientôt, quand triomphe un rationalisme soucieux de vérité et d’explication, les voyageurs — crédules ou mystificateurs — importent les prodiges regrettés : Ctésias (Description de l'Inde, fin du ve siècle av. J.-C.), Jean de Mandeville (relation d’un voyage à Jérusalem et en Chine, xive siècle) multiplient les chimères et les merveilles. Parallèlement, l’utopie fixe l’imaginaire en constructions vraisemblables et argumentées, modèles ou contre-modèles (chez Platon, T État idéal de la République s’oppose à l’Atlantide, perdue de vices).
«
la
plante d'immortalité; Hercule parcourt un espace semé
de monstres; Thésée pousse un «raid >> aux Enfers; Jason
monte une expédition au jardin des Hespérides ...
L'épo
pée, fille infidèle du mythe qu'elle articule avec 1' his
toire, utilise Je thème comme épisode de la « carrière »
héroïque (Ulysse, sur la « mer inféconde >>, évite les piè
ges des magiciennes, des sirènes et la trompeuse douceur
des Lotophages).
Bientôt, quand triomphe un rationa
lisme soucieux de vérité et d'explication, les voyageurs
- crédules ou mystificateurs -importent les prodiges
regrettés : Ctésias (Description de l'Inde, fin du v• siècle
av.
J.-C.), Jean de Mandeville (relation d'un voyage à
Jérusalem et en Chine, x1v• siècle) multiplient les chimè
res et les merveilles.
Parallèlement, l'utopie fixe l'ima
ginaire en constructions vraisemblables et argum,en
tées, modèles ou contre-modèles (chez Platon, J'Etat
idéal de la République s'oppose à 1' Atlantide, perdue de
vices).
Le voyage extraordinaire -qui apparaît dès l' Anti
quité avec l'Histoire vraie de Lucien (n• siècle apr.
J.-C.)
et s'épanouit, en tant que genre, au xvm• siècle -est un
conte ou un roman qui parodie à la fois les prétentions
des voyageurs à 1' exactitude, et celles du récit fictif à
J'illusion référentielle; il vraisemblabilise les archétypes
symboliques sur lesquels il se façonne, détruit le totalita
risme sacré elu mythe et J'absolutisme ratiocinant de
J'utopie.
Aussi est-il difficile de le définir et de le clas
ser : jeu culturel complexe, il utilise des formes plus
simples (mythe, épopée, récit de voyage, utopie ...
) pour
en extraire dérisoire, pathétique, bizarreries, curiosités
comme « signifiants» d'un nouveau système de signifi
cation dépourvu de toute naïveté.
[Voir MYTHE ET LITTÉ·
RATURE, UTOPIE).
Quelques règles du genre peuvent néanmoins s'énon
cer : le déploiement d'un espace imaginaire, tangent à
celui de l'expérience commune, soumis à des lois diver
ses, mais respectant Je caractère « ordinaire » de J' obser
vateur; ce contraste permet un regard qui représente
notre étonnement dans J'inconnu (sinon la narration vire
au conte de fées, où tout est possible mais où rien n'en
traîne la croyance) : l'extraordinaire doit être contemplé
et reflété par un esprit pénétré des normes du vraisembla
ble, mais qui n'hésite pas à croire ce qu'il voit (ce qui
distingue le voyage imaginaire du fantastique, lequel
joue sur cette hésitation [voir FANTASTIQUE]).
La bipola
rité structurelle se prolonge en multiplicité spatiale : la
mobilité du voyageur confère à celui-ci un regard dyna
mique sur les lieux parcourus (sinon régnerait le statisme
de l'utopie).
Les effets de réel, prolifération d'informa
tions et de descriptions, limitent la stylisation de l'espace
et empêchent 1' aventure de se transformer en apologue,
en allégorie ou en fable, aux symbolismes évidents (ce
que n'évitent pas les contes de Voltaire, tel Micromé
gas).
A ces élaborations de l'étendue correspondent les
manipulations du temps : on part vers des mondes
anciens et préservés (Rétif de La Bretonne, la Décou
verte australe, 1781 ), vers des univers parallèles, utopi
ques ou uchroniques, vers une civilisation future, avec
les prouesses d'hypertechnicité où se plaît la science
fiction (ondes, robots, domestication d'énergies qui mul
tiplient les pouvoirs de J'esprit, mutation des espèces,
maîtrise de l'espace-temps ...
).
Dans cette mise en scène
de 1' ailleurs spatio-temporel, certains auteurs adoptent
une tactique «douce>> : comme Jules Veme ils situent
leur fiction dans l'immédiate mouvance des possibilités
scientifiques et du vraisemblable technologique de leur
époque; ils affaiblissent l'hiatus entre le réel et J' imagi
naire.
D'autres, avec brutalité, introduisent le lecteur, au
fil d'un voyage de fantaisie, dans la sphère du mer
veilleux; ils sacrifient l'adhésion de la croyance, pour
libérer l'imaginaire (comme Rabelais ou Cyrano de Ber
gerac).
Polytopie
et politique
Le voyage imaginaire relativise l'espace et le temps :
évasion hors du réel, s'il témoigne d'une insatisfaction à
J'égard du hic et nunc, il refuse les sécurités du dogme
religieux, l'heureuse immobilité des paradis utopiques et
veut garder, même dans la fiction, le droit à critiquer le
donné sociopolitique que fuit l'écriture, et les mondes
qu'elle construit.
La« polytopie »,juxtaposition parfois
grinçante de coutumes opposées, de civilisations fondées
sur des bases incompatibles (que chacune croit vraies et
absolues), constitue, pour Je voyageur et ses lecteurs,
une sceptique leçon de politique comparée.
Ainsi le
genre n'est pas un badinage anodin qui prolonge en rêve
rie les étonnements que suscite 1 'infinie variété des cho
ses.
La fantaisie sert de passeport à la satire, soit que la
censure oblige la parole politique au détour de l'allusion,
soit que la dramatisation de la quête optimise l'efficacité
des idées en établissant une communication infra
consciente, affective, grâce au.
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