VOYAGE EN Amérique, par Chateaubriand
Publié le 23/05/2019
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VOYAGE EN Amérique, par Chateaubriand. Récit du voyage que fit l'auteur en 1791, à la recherche aussi bien de l'homme de la nature que du « miracle » de la révolution américaine. Le manuscrit fut abandonné, pour la plus grande part, à Londres, quand l'auteur revint de l'émigration. Retrouvé sous la Restauration, il servit à établir les tomes VI et VII des Œuvres complètes, éditées par
Ladvocat (1826). On y suit le voyageur à travers l'Atlantique, puis de Baltimore et de Philadelphie au Niagara. Il nous conduit sur les lacs du Canada, nous fait descendre l'Ohio, nous décrit « quelques sites de la Floride », puis s'étend sur les usages, la flore, la faune de ce pays. Il semble établi que Chateaubriand n'a pu accomplir le périple qu'il indique. Il est certainement allé jusqu'au Niagara. Il a fait, pour compléter sa connaissance de l'Amérique — et la preuve en est que, souvent, Chateaubriand se trompe, ayant trop rapidement consulté sa documentation : il situe à gauche ce que ses devanciers situaient à droite, sur les rives du Mississippi —, de nombreux emprunts à des voyageurs ou naturalistes, tels que le P. de Charlevoix, W. Bartram, Carver, Beltrami.
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Le Voyage en Amérique
et les Natchez
Révélés par J'édition des Œuvres complètes de 1826,
le Voyage en Amérique et les Ncachez faisaient partie du
fameux manuscrit de plus de 2 000 pages, l'« original
primitif>>, oublié dans une malle londonienne.
«exhumé>> une quinzaine d'années plus tard et «res
tauré>> dans sa forme et son contenu après avoir été
partiellement exploité dans l'Essai, dans Je Génie et dans
les Martyrs de 1809.
Pour restituer à cet «original>> sa
fraîcheur, il faudrait se livrer à une véritable archéologie
textuelle et intertextuelle.
Censurées ou « bri co lé es >> , les
versions définitives des deux ouvrages laissent néan
moins suffisamment percer Je sens de ce qu'aura été pour
Chateaubriand la leçon américaine.
Le jeune homme qui embarque Je 8 avril 1791 à bord
du Saint-Pierre a un alibi : découvrir au nord-ouest un
nouveau passage interocéanique; un souvenir : celui du
bon sauvage cher à Montaigne et Rousseau; une espé
rance : rapporter de son exploration Je cadre d'un futur
« roman canadien >>.
Si la lecture critique du Voyage de
1826 trahit la faiblesse de l'alibi et le naufrage du souve
nir, celle des Natchez confirme l'émergence, en Améri
que, de l'écriture romanesque de l'auteur de René.
Henri
Guillemin a trop démontré les «mensonges >> de la rela
tion de l'itinéraire américain pour qu'il suffise de rappe
ler que la vérité de Chateaubriand voyageur est rarement
452 .
.
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une vérité de fait mais plutôt une vérité de « contamina
tion>> entre le monde des réalités et celui des livres (en
J'occurrence, ceux de Charlevoix, Prévost et Carver)
dont il ne se sépare jamais.
Plus important est l'autre
« mensonge » démasqué et médité dans le Voyage : celui
d'un Nouveau Monde dont les structures sociales, com
merciales, comme J'idéologie, démentent les images
d'une philosophie européenne qui avait fondé, dans cet
ailleurs naturel et sauvage, toute une mythologie du
salut.
Or, Chateaubriand constate, dans les réserves
indiennes approchées, qu'il ne reste des sauvages que Je
souvenir ou la dégénérescence.
L'utopie des gouverne
ments « dans l'état de nature >> , des civilisations de l'ori
gine, de J'art et de la pensée sauvages, est laminée par la
découverte d'une société mercantile de colons qui, loin
d'intégrer les vertus des tribus indigènes, leur a transmis
ses tares et le s entraîne dans un fatal processus d'inter
destruction.
«Le bel Indien des forêts, écrit M.
Regard,
s'est transformé en un mendiant déguenillé à la porte
d'un comptoir! >>
A bien des égards, la fiction littéraire des Natchez ne
dit pas autre chose que la relation quasi ethnographique
du Voyage.
Arrivé, comme Musset, «trop tard dans un
monde trop vieux >>, Chateaubriand, qui rêvait depuis
1789 d'« une épopée de l'homme dans la nature>> pour
laq uel le , va, en réalité, écrii e
l'épopée massive et brouillonne de l'homme toujours et
encore en marge de l'histoire.
René, «le frère d' Amé
lie>>, émigré puis banni, impuissant à aimer mais
condamné à faire Je malheur de ceux qu'il approche, est
déjà l'énigmatique héros de cette saga indienne de la
déchéance.
L'amour passion et l'érotisme merveilleux
y dégénèrent en crimes ou en monstruosités; le fragile
équilibre sauvage/Européen s'effondre dans une san
g la n te boucherie où Je machiavélisme individuel Je dis
pute aux turpitudes collectives.
La lettre de René à sa
femme Céluta, le massacre franco-indien et l'assassinat
du héros rendent exactement compte de la nature précisé
ment du texte des Natchez.
Commencé dans
sa première partie sur le mode du merveilleux, alternant
les allégories chrétiennes et les affectations du style
indien, Je livre dérive dans la seconde, au fil d'une intri
gue foisonnante, du descriptif vers Je narratif, des
conventions poétiques vers une fiction aussi intimement
délirante qu'historiquement fondée.
Dualité d'une écri
ture romanesque en quête d'elle-même qui n'échappera
pas au commentateur des Mémoires :« Mes deux natures
sont confondues dans ce bizarre ouvrage, particulière
ment dans J'original primit if.
On y trouve des incidents
politiques et des intrigues de romans; mais à travers la
narration, on entend partout une voix qui chante et qui
semb le venir d'une région inconnue>>.
Acala puis Rent!,
arrachés, pour partie du moins, à ce texte originel puis
intégrés à l'édifice normalisé du Génie, vont déployer
ces «intrigues>> avortées et orchestrer sur le mode
majeur cette« voix » aussi ambiguë qu'essentielle ..
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