VOYAGE AUTOUR DE MA CHAMBRE Xavier de Maistre

 Mais il ne se laisse pas aller à ces divagations dans le but de se tirer d’embarras et de ne point parler du voyage. C’est alors que l’œuvre se charge d’une grâce nouvelle, née de péripéties amoureuses : Mme de Hautcastel pare de sa séduction ces très minces pages, car son portrait est dans la chambre. Tout aussitôt l’écrivain va de découverte en découverte : une gravure qui représente le jeune Werther, une autre qui lui rappelle un ami mort, lui permettent de s’enfermer dans la mélancolie. Ainsi, d’étape en étape, de Maistre se tient toujours prêt à un prompt départ ; jusqu’à ce qu’il comprenne, dans un ultime trait de plume, que le pays enchanteur de l’imagination ne lui a été donné que parce qu’il se trouvait contraint à l’immobilité, et qu’il peut à son gré fuir le monde des contingences.

★ A cette œuvre fait suite, VExpédition nocturne autour de ma chambre, d’une facture moins grêle, mais aussi moins séduisante. Xavier de Maistre commença de l’écrire à Prague en 1799, l’acheva à Saint-Pétersbourg et la publia à Paris en 1825. Il y reprend le même vagabondage spirituel, où il faut voir, en quelque sorte, des Mémoires. Il se remémore principalement certaine nuit passée à Turin, alors qu’il venait d’offrir ses services au maréchal Souvarov, qui préparait une expédition contre la France ; et de s’abandonner à sa rêverie. Dans sa mauvaise petite chambre d’officier, chaque objet lui rappelle quelque événement de sa vie, la vue de la colline de Superga le conduit à une méditation sur la nature. Mais ici de Maistre perd l’équilibre et manque de se rompre le cou : le toit est ébranlé et des oiseaux qui dormaient s’échappent de sous les tuiles. Aussitôt une femme atteinte de migraine, prie son mari de faire cesser ce vacarme ; elle croit qu’on vient d’organiser un bal. L’auteur déclame au messager un morceau digne d’Ossian, et s’entend dire qu’il est fou. Après des considérations sur l’aérostatique, science dont de Maistre était féru, et quelques constatations sur ses meurtrissures, l’auteur va se mettre au lit. Mais le vent ouvre la fenêtre, et le voici tenu éveillé par le froid ; il reprend alors le fil de ses raisonnements. Une douce romance berce sa rêverie : c’est une belle inconnue qui chante à son balcon, et lui adresse la parole. Mais une voix forte et virile ordonne à la belle de rentrer. Xavier de Maistre reste pétrifié. Peu après, le clocher de Saint-Philippe sonne les douze coups de minuit ; il est temps de dormir. Cette œuvre, pleine d’une urbanité teinte de tristesse et de candeur, est, à vrai dire, parfaitement étrangère au monde ironique de Sterne dont elle se réclame cependant.

VOYAGE AUTOUR DE MA CHAMBRE. Œuvre que Xavier de Maistre (1763-1852) publia sans nom d’auteur (seulement sous