VOUIVRE (la). Roman de Marcel Aymé (résumé & analyse)
Publié le 07/11/2018
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VOUIVRE (la). Roman de Marcel Aymé (1902-1967), publié à Paris chez Gallimard en 1945.
Séduisante créature issue de la tradition celti que, la Vouivre est apparue à Arsène Muselier, en Franche Comté. Qui s'emparait de son rubis inestimable succombait aux morsures des repti les. Réprouvant son impudeur, Arsène n'en admire pas moins sa plastique et cède à ses char mes. Il est aussi attiré par Juliette Mindeur. mais une hostilité ancestrale oppose leurs familles. Il envisage d'épouser Rose Voiturier, riche fille du maire radical, tout en trouvant auprès de Belette, la servante, une douceur ineffable. Le curé refuse d'admettre qu'Arsène ait pu pécher avec une créature infernale mais envisage, non sans cynisme, de tirer parti de l'affa ire pour ramener à Dieu ses ouailles trop paisibles, tandis que le maire, dévot refoulé, prétend s'opposer au cléri calisme comme à la superstition. Or, Rose est promise au fils Beuillat. Arsène suggère à celui ci de s'emparer du rubis : les reptiles tuent l'impru dent. tandis que la Vouivre se moque d'Arsène, misérable mortel. Celui ci découvre son frère Victor chez Belette : désespéré, l quitte la ferme familiale, renonce à Rose et demande Juliette en mariage. Alors que, Voiturier compris, la proces sion du curé parcourt le pays, Belette tente de s'emparer du rubis : en cherchant à la sauver, Arsène périt avec elle.
Recueilli enfant par ses grands-parents dans le Jura, Marcel Aymé développe, sous une forme allégorique, dans ce récit paysan le drame de l'initiation à une forme de l'amour sublime. En effet, Arsène Muselier incarne un héros ambigu. Tantôt arriviste au cœur sec, il se soucie d'assurer son avenir matériel en épousant Rose, une fille laide et riche qu'il n'aime pas; tantôt sensible, il noue des relations privilégiées avec Belette, pauvre et fragile. Son évolution se traduit dans son attitude vis-à-vis des femmes qui gravitent
autour de lui. Négligeant Rose pour Juliette, la femme aimée, il se sacrifie pour Belette, sans pour autant céder au désir physique. La rencontre avec la Vouivre joue le rôle d'un révélateur. Cette innocente fille de la nature, cette créature d'avant le péché, le confronte à ses propres ténèbres : même si Arsène est suffisamment désintéressé pour ne pas céder à la tentation du rubis, il forge le plan qui perd Beuillat. Bien qu'il sache, en apparence, étouffer ses scrupules, son propre crime lui remonte à la gorge lorsqu'il voit Victor avec Belette. La Vouivre introduit le doute dans son esprit réaliste mais il la trouble, lui aussi : un instant blessé par les dédains de l'immortelle, Arsène choisit l'humanité, une vie consciente de ses propres limites, et se précipite au secours de la disgraciée. Dès lors s'impose la morale de cette fable : Arsène incarne le seul personnage qui aura su faire preuve de charité dans un village en proie aux querelles de clochers. En effet, loin de catalyser les hantises ancestrales, la Vouivre sert le curé : elle donne forme aux superstitions villageoises, mais elle n'introduit pas le sentiment de la faute que le prêtre voudrait pouvoir instiller dans les esprits. Sous une forme burlesque, l'auteur s'en prend aux radicaux, les meilleurs propagateurs, selon le clergé lui-même, de la foi soupçonneuse et du rigorisme pointilleux. Ainsi, nouvelle incarnation du Ferdinand de la fument verte (1933), le maire apparaît comme un républicain en mal de religion, un radical qui n'ose se confesser de peur de susciter le sarcasme et d'encourager le cléricalisme. La satire politique se lit au travers d'une narration badine qui avalise l'intrusion de la fable dans le réel : en effet, dans le village franc-comtois, nul ne remet en doute l'existence de la créature mythique. Cette certitude, apparemment partagée par le narrateur et ses personnages, fait
«
entrer le lecteur de plain-pied dans un
monde réaliste et fabuleux : l'a uteur
laisse toujours entendre davantage
qu 'il n'exp licite.
Témoin le fossoyeur
du village qui sombre dans une folie
douce par passion pour une ivrognesse
qu'il transfigure en princesse : sa
my thomanie désigne le processus de
l'af fabulation dans un monde sevré
d'a mour..
»
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