Volupté de Saint-Beuve
Publié le 06/04/2013
Extrait du document
Sainte-Beuve est. surtout connu comme critique. Ses Causeries du lundi ( 1851- 1862) et ses Nouveaux Lundis (1863-1870), réunissent des articles cjui révèlent une grande finesse psychologique. Volupté paraît en 1834. George Sand, Michelet, Chateaubriand, entre autres, expriment à Sainte-Beuve toute leur admiration.
«
Pour éviter toute
confusion, les
éditeurs précisaient
à l'époque de
Sainte-Beuve le
second titre du roman : Une vie
morale.
« ...
Aveuglé de soleil et
abreuvé de fanfares au carrousel guerroyant.
..
»
~ ------ - EXTRAITS- ------___,
Amaury livre à son jeune ami quelques
réflexions
sur l'amour
A cet âge où j'étais alors et où vous n'êtes
déjà plus, mon jeune ami, les sens
et
/'amour ne font qu'un à nos yeux ; on désire
tout ce qui flatte les sens, on croit pouvoir
aimer tout ce qu'on désire.
Je donnais aveu
glément dans /'illusion.
Le cœur, en cette
crise, est si plein de facultés sans objet et
d'une portée inconnue ;
la vie du dehors et
la nôtre sont si peu dé
brouillées
pour nous ;
un phosphore si rapide
traverse,
allume nos
regards ; de telles irra
diations s'en échappent
par étincelles, et pleu
vent alentour sur les
choses ; dès que
la voix
du désir s'élève et à
moins qu'une autre voix
souveraine
n'y coupe
court, /'être entier fris
sonne
d'un si magné
tique
mouvement- que,
sur la foi de tant d'an
nonces , on ne peut
croire que /'amour
n'est pas là chez nous,
prêt à suivre, avec son
enthousiasme intaris
sable, les perfections toujours nouvelles
dont il dispose, et /'éternité de ses
promesses.
Amaury se rappelle sa passion
J'étais sorti de mon néant, j'aimais.
Une
fumée légère de supériorité, /'orgueil d'un
cœur qui
s'était cru longtemps stérile,
m'exaltèrent durant les premiers moments
de cette découverte.
Au lieu d'être plus triste
et rêveur comme le sont d'ordinaire les
personnes ainsi atteintes,
je marquai une
gaieté bizarre.
Les bosquets me virent moins
;
je restais en compagnie et m'y
mêlais aux discussions avec un feu et un
développement inaccoutumés.
Madame de
Couaën me regardait d'un air d'étonnement :
un génie s'éveillait en moi ; car j'étais de
ceux, mon ami, dont la force tient à
la ten
dresse, et qui demandent toute inspiration
à
/'amour.
Le soir, retiré dans ma chambre,
une souffrance plus aiguë,
mais moins
désespérée
qu.' auparavant, suspendait ma
lecture et gagnait mes songes ; au réveil,
mon premier mouvement était de me sonder
/'âme pour y retrouver ma blessure :
j' au
rais trop craint d'être guéri.
A
propos de volupté
S'il est vrai que /'orgueil soit
le plus souvent
/'antagoniste
de la volupté, /'amour-propre
est encore plus /'ennemi
de /'amour.
J'appris ce
pendant que, lorsqu'on
n'est pas de force à
prendre pour auxiliaire
suprême /'Amour divin
pur et à s'y appuyer,
lorsqu'on ne considère
pas assez le corps com
me le temple de /'Esprit
Saint, et ses membres
comme les membres du
Christ, il doit être bon de
ne pas purger son amour
humain de tout respect
humain et de tout amour
propre.
Car, si /'amour
pour /'amante est trop
humble, trop contrit, trop
sacrifié, il peut.faute de
/'Amour divin, laisser les
sens abandonnés à eux-mêmes de leur côté,
et par
là il permet et il reçoit d'irréparables
souillures.
Gallimard, 1986
« Au plus obscur de
la mêlée intérieure,
trois être distincts se
détachaient toujours.
,.
NOTES DE L'ÉDITEUR précèdent, et dont Sainte-Beuve, à la fin de
sa vie, en 1869, prépara la sixième édition,
rassemblant un
" appendice contenant des
témoignages et jugements contemporains
",
extraits de lettres et d'articles de presse qui
viennent, in extremis, offrir
à la postérité un
copieux argument d'autorité.
Le vieux cri
tique, amer et malade, dont la carrière avait
éclairé la tradition littéraire et porté sur les
écrivains contemporains des jugements sou
vent rigoureux, se soumet alors, mais
en se
chargeant lui-même de la compilation, au
regard d'autrui.
( ...
) Sainte-Beuve,
en 1834,
est entre deux
« Il y a, dit la légende, deux Sainte-Beuve,
le critique et l'autre.
Proust, dans des pages
qu 'on a rassemblées sous le titre abrupt de
Contre Sainte-Beuve, a critiqué le critique.
L'autre reste
à découvrir .
C'est d'abord un
poète, dont le lien se dénoue peu
à peu avec
le cercle hugolien et l'école romantique, de
Joseph Delorme (1829) et des Consolations
(1830) aux Pensées d'août (1837).
C'est
aussi l'auteur d'un roman, Volupté, publié
en 1834, écrit dans les trois années qui
1 Lauros-Giraudon 2, 3, 4, 5 lithographies de M.
Clouzot/ éd.
Imprimerie Nationale, Paris, 1984
âges, et son Amaury, venu trop tôt pour être
si schopenhauerien, vient aussi trop tard
pour réincarner René ou glorifier le légiti
misme.
Il est de la lignée de Dominique
et de des Esseintes, celle du romantisme
réactif.
Écrit au début de la monarchie de
Juillet,
Volupté est encore préromantique
et déjà postromantique.
Le sentiment le
ramène
en arrière ; la lucidité le porte en
avant.
» André Guyaux, préface à Volupté,
collection Folio, Gallimard, 1986.
SAINTE-BEUVE 02.
»
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