VOLTAIRE: LETTRES PHILOSOPHIQUES - analyse et résumé
Publié le 20/10/2018
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Les intentions de Voltaire. — 1° La philosophie expérimentale. — Quand Voltaire partit pour l'Angleterre, il était connu pour être un homme de lettres impertinent, mais n'était qu’un homme de lettres, un poète, auteur de tragédies qu’on jugeait fort belles, mais qui n’étaient pas philosophiques. Lorsqu'il en revient et qu'il se décide à publier ses impressions de voyage, il les intitule Lettres philosophiques. C'est que l’Angleterre lui a donné de son métier de « bel esprit » une idée toute différente.
Il a découvert en Angleterre une raison qui sert à autre chose qu’à peindre les fureurs de Phèdre ou les sottises des précieuses ridicules. En France, Saint-Ëvremond, Bayle et quelques autres s'étaient déjà avisés de raisonner non plus sur l’amour ou le goût, mais sur les croyance et les gouvernements. Ils avaient dû le faire avec prudence. Voltaire croit, au contraire, que les Anglais pensent librement et que la raison humaine « est née dans ce siècle en Angleterre ». Ce sont, en effet, de Anglais, Bacon, Newton, qui ont fondé la « philosophie expérimentale ». Ce sont eux qui nous ont appris ce qu’e t la « force de la vérité ». Ils n'ont plus dit comme les théologien : \"Voici la vérité, car elle est dans les Livres saints, et vous devez les croire\" ni comme les philosophes scolastiques : «Nous avons raison, parce que nos syllogismes sont corrects ; » ni même comme Descartes : «C'est une conséquence de mon système. » Ils se sont contentés d'observer et d'expérimenter. Ils n’ont invoqué ni l'autorité, ni la logique, ni même le bon sens. Ils ont regardé avec précision les faits. Ce sont les faits et l’observation qui ont révélé la circulation du sang et la pesanteur de l’air. Bacon est un grand philosophe, parce qu'il est non un grand raisonneur, mais le « père de la philosophie expérimentale ».
Locke a fait pour l’âme ce que Bacon et Newton ont fait pour les sciences. « Tant de raisonneurs ayant fait le roman de l’âme, un sage est venu qui en a fait modestement l’histoire. Locke a développé à l’homme la raison humaine comme un excellent anatomiste explique les ressorts du corps humain. » II ne s’est pas proposé d’expliquer la nature de l’âme, ni sa destinée, qui sont inexplicables. II a simplement montré comment la pensée rudimentaire d’un petit enfant devenait la pensée adroite d'un adulte, comment se forment la mémoire, l’attention, le jugement. Lui non plus n’a pas raisonné, il a observé.
2° La tolérance et la liberté de pensée. — Cette physique et cette psychologie expérimentales nous semblent fort inoffensives. Mais Voltaire se souvient qu’on a défendu à Galilée de prouver expérimentalement le mouvement de la terre ; il croit que Bacon, Newton, Locke auraient sans doute été emprisonnés en France, brûlés ailleurs. Leur philosophie n’est pas seulement la preuve qu’il y a des vérités expérimentales ; elle nous porte à croire qu'il n'y a pas d’autres vérités. Or la religion et l'autorité politique ne s'appuient pas sur l'observation et l'expérience, mais sur la foi et sur la force. Elles nous obligent à croire sans preuve et à obéir bon gré mal gré. Si bien que faire l’éloge de Bacon, Newton, Locke, c'est pour Voltaire, et à l'époque de Voltaire, faire la critique des théologiens, du fanatisme et du despotisme. Voltaire aurait pu laisser au lecteur le soin de tirer ces conséquences. Mais il a fait l’expérience de l'intolérance. C’est elle qui l’a exilé en Angleterre, loin des salons aimables de Paris. Les Lettres philosophiques seront donc constamment, par boutades, insinuations, parenthèses, la raillerie du fanatisme, l’éloge de la tolérance, l’appel à la liberté de pensée. « Un Anglais, comme homme libre, va au ciel par le chemin qui lui plait, » non par celui que lui imposent la Sor-bonne et le Parlement. « S’il n’y avait en Angleterre qu’une religion [comme en France], le despotisme serait à craindre ; s'il y en avait deux [comme en France au xviie siècle], elles se couperaient la gorge ; mais il y en a trente, et elles vivent en paix, heureuses, » tandis qu'on ne l'est point en France. « On n’a jamais connu chez les Romains la tolie horrible des guerres de religion ; cette abomination était réservée à des dévots prêcheurs d’humilité et de patience,
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