VOLTAIRE: Candide ou l'Optimisme (Fiche de lecture)
Publié le 22/11/2010
Extrait du document
Après le tremblement de terre qui avait détruit les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n'avaient pas trouvé un moyen plus efficace pour prévenir une ruine totale que de donner au peuple un bel auto-da-fé ; il était décidé par l'université de Coïmbre que le spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu, en grande cérémonie, est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler.
«
constituante fait transférer ses cendres au Panthéon où il repose désormais...
à côté de Rousseau.
1.
«TOUT EST POUR LE MIEUX DANS LE MEILLEUR DES MONDES»
Douze ans après Zadig, Voltaire reprend le thème de la Providence dans un nouveau conte : Candide ou l'Optimisme.
Les années ont passé et le philosophe, éprouvé par une série de désastres contemporains (le tremblement de terre de Lisbonne, la guerre de Sept ans) est de moins en moins enclin à croire en la Providencedivine.
Sa pensée a évolué vers un pessimisme noir qu'il transfigure dans la drôlerie irrésistible de son récit: Candideest un jeune homme, bâtard,
élevé en Westphalie dans le château du baron de Thunder-Ten-Tronckh, par un précepteur, Pangloss, dontl'enseignement se résume à une seule maxime :
«Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles».
Pour avoir courtisé Cunégonde, la fille du baron, Candide est chassé du château.
S'ensuit alors pour lui unenchaînement de mésaventures épouvantables qui le conduisent successivement au milieu des guerres, à Lisbonneoù il réchappe miraculeusement du tremblement de terre et subit les foudres de l'Inquisition, en Amérique enfin où,après avoir découvert le royaume imaginaire d'Eldorado, terre de prospérité et de bonheur, ses malheurs sepoursuivent...
Trente chapitres plus tard, Candide qui aura retrouvé Cunégonde, vieillie et défigurée, ainsi quePangloss et quelques autres compères, vivra enfin en paix dans une petite métairie où il apprend à «cultiver sonjardin».
Avec Candide, Voltaire réplique à Rousseau et à sa Lettre sur la Providence', mais surtout aux tenants de la doctrine optimiste du philosophe Leibniz.
Ceux-ci prétendaient en effet que Dieu, à défaut de créer un monde parfait— qui aurait été un monde divin — avait créé le monde le meilleur possible, et que la petite quantité de mal et demalheurs qui s'y trouvaient était nécessaire à l'harmonie générale, et qu'ils étaient toujours compensés par du bienet des bonheurs infiniment plus grands.
Cette théorie permettait de concilier l'existence du mal et la croyance en labonté divine.
En guise de réponse, Voltaire va donc accumuler les horreurs et les catastrophes, qui fournissent le meilleur desréquisitoires.
À travers l'histoire de Candide, nous rencontrons le mal incarné sous toutes ses formes : catastrophesnaturelles, guerre, fanatisme religieux, méchanceté humaine (Voltaire n'épargne pas davantage que dans Zadig ses cibles habituelles), etc.
Ce n'est pas dans la spéculation métaphysique qu'il va chercher ses arguments, mais dansles faits, auxquels, selon lui, ne peuvent résister les doctrines abstraites.
2.
«IL FAUT CULTIVER NOTRE JARDIN»
Candide traverse le conte accompagné d'un autre personnage : le précepteur Pangloss, incarnation caricaturale del'optimiste.
Voltaire s'attaque .à travers lui à tous les doctrinaires qui font acte de foi sans se référer à la réalité :
«Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmologo-nigologie.
Il prouvait admirablement qu'il n'y a pointd'effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était leplus beau des châteaux, et madame la baronne la meilleure des baronnes possibles.»
(Ch.
I)
Voltaire parodie ainsi les systèmes idéologiques en se livrant à des démonstrations qui prennent les effets pour lescauses :
«Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes ; aussi avons- nous des lunettes.
Les jambessont visiblement instituées pour être chaussées, et ou relèvent ostensiblement du plus pur illogisme : nous avonsdes chausses [...]»
«Monsieur le baron était un des plus puissants seigneurs de la Vestphalie, car son château avait une porte et desfenêtres.
Madame la baronne qui pesait environ trois cent cinquante livres, s'attirait par là une très grandeconsidération...»
(Ch.
I)
Pour Voltaire, la voie de la connaissance, c'est l'empirisme.
C'est à l'épreuve des faits que Candide parviendra enfin,au terme d'un parcours qui peut s'apparenter à un itinéraire initiatique, à regarder la vérité en face.
Cette véritéconsiste à composer empiriquement avec le monde tel qu'il tourne.
Le pessimisme de Candide, le refus de toutedoctrine qui s'en dégage sont tempérés par l'établissement d'une morale pratique qui incite les hommes à œuvrerpour le bien commun.
C'est le sens de la formule «Il faut cultiver son jardin».
Loin de signifier un repli égoïste sur soi, elle renvoie à unengagement social et humain, selon les compétences et les talents de chacun.
Apparaît ici en filigrane la propreexpérience de Voltaire, chez qui la sagesse et l'expérience ont transformé le jeune mondain en apôtre de Ferney..
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