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VERCORS: Le Silence de la mer (Fiche de lecture)

Publié le 22/02/2012

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Le Silence de la mer est la première manifestation littéraire de Vercors qui, jusqu'à la guerre, exerçait avec un grand talent l'activité de dessinateur-graveur dans une tonalité essentiellement satirique (registre qu'il utilisera parfois dans les nouvelles et romans qui suivront). C'est une oeuvre jaillie du besoin d'affirmer la dignité de l'esprit bafoué par la force, donc une oeuvre engagée, au plus noble sens du terme, le premier acte de résistance intellectuelle, pratiquement la seule forme de résistance possible aux sombres jours de 1941. A cette fin, Vercors fonde avec Pierre de Lescure les Éditions de Minuit, auxquelles participent tous les écrivains qu'unit le même combat, « la Grande Bataille du Temporel contre le Spirituel » (p. 58) ; parmi eux, de très grands noms : Aragon, Éluard, Mauriac. Mais Le Silence de la mer est la première oeuvre à circuler clandestinement, celle, en somme, qui donne un sens profond à la Résistance encore embryonnaire. La préface (p. 15) au titre significatif
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« L'atmosphère dominante est caractérisée par le découragement, la lâcheté, l'opportunisme souvent déshonorant.

Lafierté de la France est abattue, et a fait place à l'apathie.

Le souci dominant et presque exclusif : ne pas tropsouffrir du froid et de la faim. Urgence de l'oeuvreDans ce contexte, Le Silence de la mer prend tout son sens, celui d'un appel à la dignité et à l'espérance et ladésignation claire de l'adversaire : non l'Allemagne en tant que peuple, mais le nazisme, ennemi de l'Esprit, négateurdes valeurs humanistes qui expriment la personnalité de la France et qui veut transformer l'homme en esclave (p.56), sur le modèle de ce que le peuple allemand est déjà devenu (p.

58). 2.

L'oeuvre : architecture, mouvements, personnages 1.

Structure généraleElle consiste essentiellement en un monologue : celui de Werner von Ebrennac, coupé par de courts passagesnarratifs.

Le récit est daté : il va de novembre 1940 à la fin de l'été suivant, le temps pour l'officier de se révélerprogressivement et pour ceux à qui il s'adresse de vivre leur évolution intérieure.

La progression du récit estdéterminée par les apparitions successives de l'officier, les unes brièvement évoquées, les autres donnant lieu audéveloppement du monologue, lui-même coupé de silences révélateurs. 2.

Le découpageSi l'on excepte la brève mise en situation (pp.

19-20), l'action connaît trois temps : a/ Du début à la p.

26L'officier en uniforme ; situation encore conventionnelle ; un occupant poli, face à des civils sur la défensive. b/ De la p.

26 à la p.

47 (la partie la plus longue) L'officier s'est dépouillé de son uniforme ; le militaire est redevenuun homme qui tente de vivre un rêve : oublier la guerre, satisfaire un désir éperdu de dialogue, désir quis'approfondit par une série de touches délicates.Face à lui, une jeune fille interdite, puis de plus en plus bouleversée, et éprouvant de plus en plus de peine à ledissimuler. c/ De la p.

47 à la p.

59Effondrement du rêve.

La réalité (c'est-à-dire la guerre) reprend ses droits.

Le rythme du récit s'accélère.

L'uniformeréapparaît.

Fureur impuissante de l'un, désespoir muet de l'autre.

Le mot « Adieu)) sera le seul échange verbal (p.59) entre la jeune fille et l'officier.

Le dialogue, en somme, se réduit au constat de son impossibilité.

Comme pourTitus et Bérénice, une fatalité extérieure impose une séparation définitive.

Un silence, cette fois inhumain, s'installepour toujours (p.

60).Cette conclusion, sobre et déchirante, va bien au-delà d'un récit de résistance et est d'une intense humanité. Les personnages Deux d'entre eux sont pratiquement muets, réagissant par leur silence aux propos de l'officier.

Manifestement, au-delà de leur personne, ils ont pour seule fonction d'être les représentants d'un pays occupé, humilié, mais n'ayantpas abdiqué sa dignité : on ne peut donc réellement trouver chez eux de la psychologie, des traits de caractère.Les notations individuelles sont vagues : l'un est un homme âgé, l'autre une jeune fille.

L'un fume sa pipe avec uneapparente placidité, tandis que l'autre feint d'être absorbée par des travaux d'aiguille.

Même inexistence departicularité physique, à une exception près concernant la jeune fille (p.

41), mais c'est pour refléter le mélange defragilité et de dureté à quoi se réduit sa personnalité.

Assis tous deux dans la pénombre (p.

21), ils sont figés dansune immobilité hiératique, la nièce est même comparée à une statue (p.

28).

Cependant, au fil du récit, apparaît unpartage des rôles.Le narrateurC'est le témoin du drame qui se joue entre les deux autres personnages ; mais ce témoin n'est ni neutre, niindifférent.

Hors de la présence de l'officier, après avoir formulé un jugement très conventionnel (p.

23), il seraitpresque enclin à céder à une sympathie apitoyée (p.

29).

Sa situation rappelle le choeur dans la tragédie grecque.

Ilcommente avec une émotion qu'exprime la seule intensité du regard la tragédie intérieure de sa nièce (p.

49), ladouleur de l'officier (p.

51). La jeune filleElle a une présence plus intense.

Il est vrai que c'est presque exclusivement à elle que l'officier s'adresse, et quedès la p.

25, c'est sur elle qu'il pose avec insistance son regard.

De ce fait, il lui impose en quelque sorte dereprésenter charnellement l'âme de la France.. »

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