VENTS. Poème de Saint-John Perse (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
Publié le 06/11/2018
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VENTS. Poème de Saint-John Perse, pseudonyme d'Alexis Saint-Leger Leger, dit aussi Alexis Leger (18871975), publié à Paris chez Gallimard en 1946.
Ce poème en quatre parties fut composé en 1945 à Seven Hundred Acres Island (Maine), une petite île privée au large de la côte ouest des États-Unis où le poète se retirait chaque été.
«Vents,I ». Le vent, qui est une force de mouvement, dépouille arbres et siècles de ce qui est desséché ( 1 ). Invoqué (2), il emporte le narrateur en un chant pur qui disperse les balises du passé et les corps morts (3). La bibliothèque (4) n'est qu'un abîme (5) d'où s'élance vers les rives futures un homme ivre qui marche contre le vent et chante la chute des barrières (6, 7).
«Vents, Il ». Dans sa marche vers l'Ouest, l'aventurier découvre les messages nouveaux de la terre ( 1 ) , jusqu'à arriver au seuil d'un pays inconnu (2). Au sud, où migre le désir, se dessine un paysage de golfes, de fleuves et de boues fécondes (3). Ce lieu de renaissance et d'efface ment, de démesure et d'exubérance féminine, est matière à soupçon (4) : le retour à l'Ouest marque la préférence donnée à l'ascèse (5). La transhumance reprend vers les «gîtes du futur» (6).
«Vents, III». L'aventurier suit les traces des conquérants de l'Ouest américain ( 1, 2) : les valeurs (économie, religion, sciences) sont reje tées, comme les biens matériels ; le marcheur dis sident cherche l'«étincelle » de la rupture (2). «L'Exterminateur» s'avance à la rencontre du «Monstre nouveau » (3). L'insulte et la violence sont les armes de ce chevalier qui sert la cause de l'humanité (4) : la recherche de la maturation conduit le poète au point extrême (5 6).
«Vents, IV». Les vents font silence : la femme manifeste le retour à la société ( 1 ). Faut il repartir plus loin, plus bas, au delà, pour retrouver le connu, ou mourir (2) ? Le doute est balayé par le revirement vers l'est (3). L'homme de la race reprend place parmi les hommes, leur apportant le désir de nouveauté pour les débarrasser de la sagesse passée et de l'ordre (4 5). Le vent est honneur fait aux hommes et horreur de vivre (6). Un autre arbre monte des «grandes Indes souterraines » (7).
Les vents sont les forces vives de la poésie qui s'exercent pour et contre l'humanité. Forces disruptives, elles s'attaquent aux civilisations : elles détruisent -les institutions politiques, religieuses -, elles dispersent tout ce
«
/
qui peut limiter -les bornes, les cartes
(1, 3).
Les souffles, projetés dans le
poème sur un pays qui a la taille d'un
continent et où s'est édifié le mythe de
la conquête de l'Ouest, exercent contre
les normes leur pouvoir d'anormalité.
En effet, par leur origine, ils échappent
au temps et à l'espace connus.
Liés à
l'Ouest -le futur -, les vents ne sont
présents qu'à l'instant de leur passage :
ils enseignent le devenir et le constant
renouveau de toutes valeurs, > (1, 3).
Cette géogra
phie imaginaire, greffée sur le référent
constamment impuissant du poème
(« Et tant d'avions les prirent en
chasse, sur leurs cris! >> , Il, 1), ne sert
pas un projet éthique, voire politique :
Saint-John Perse ne rejette pas les
valeurs des sociétés modernes, il les
abandonne parce qu'elles le limitent.
Car le poète recherche le principe
même de l'aventure humaine, dont le
vent devient le symbole : un principe
de destruction/construction, qui est
source de vie.
Je me dépense, donc je
suis : « Et si un homme auprès de nous
vient à manquer à son visage de
vivant, qu'on lui tienne de force la face
dans le vent ! >> (1, 6).
Pour trouver la
nouveauté, il faut briser l'écorce des
choses : « Nous cherchons, dans
l'amande et l'ovule et le noyau d'espè
ces nouvelles, au foyer de la force
l'étincelle même de son cri! >> (III, 2).
Au-delà de chaque apparence, nouvelle
découverte, réside l'objet de la quête.
Par sa longueur, par ce motif de la
quête d'un objet idéal échappant aux
sciences, aux normes, à la logique,
Vents se situe dans la lignée des poèmes
symbolistes de la fin du x1xe siècle.
Les vents poussent à l'action (I, 6;
III, 1), à la surrection et au mouvement
(se lever, se dresser, monter, marcher,
aller, passer) .
Le retour, avec des
variantes, de la formule exclamative :
«S'en aller! s'en aller ! Parole de vivant
» (I, 4, 7 ; Il, 4), traduit l'urgence
du départ comme chez Rimbaud.
La
pesanteur du présent, exprimée dans
des métaphores empruntées au registre
minéral («Un homme s'en vint rire
aux galeries de pierre des Bibliothécai
res, prêtres d'un monde minéralisé,
pétrifié, arrêté>>, I, 4), n'est désespé
rante que s'il faut revenir (IV).
Au
drame du retour s'oppose l'exaltation
du départ.
Un courage extrême anime
le héros de cette geste, qui se veut diffé
rent des pionniers de l'Ouest américain
(III, 1), guidé non par le souci de l'avoir
mais par le désir d'être.
Or, cet aventu
rier « de l'âme >> se heurte au mur du
silence : «Je t'interroge, plénitude -Et
c'est un tel mutisme ...
>> (Il, 2).
De la
tabula rasa au «mutisme>> , tel semble
le parcours suivi par le voyageur,
contraint d'assumer le devenir et son
principe, de constater le silence de
l' « inconnu>> (IV, 3), et de revenir
parmi les hommes.
Tel Ulysse ...
Vents semble bien une épopée : on y
retrouvera une invocation aux dieux -
ici, forces naturelles (I, 2) -, un narra
teur conteur (I, 2, 3, 7) qui reprend les
récits de la terre portés par les vents (I,
7), intercalés entre guillemets (prosopo
pée, IV, 5), qui reprend les discours du
poète (III, 6) ou des hommes « de la
race >> (IV, 5), et qui intègre ces discours
à un ample récit dont le héros ano
nyme, enfermé dans des fonctions -
Enchanteur, Novateur, Exterminateur
(I, 5, 6 ; III, 3) -, assume une quête ini
tiatique au bénéfice de l'humanité (III,
4) .
La rhétorique de Saint-John Perse,
par ses effets, concourt à cette tonalité
épique qu'avait notée Paul Claudel
dans la lecture qu'il fit de Vents (Un
poème de Saint -John Perse, dans Œuvres
en prose, 1949).
La personnification des
forces naturelles (les vents agissent, dis
courent ; la terre produit, ou est dispo
sée de manière à exprimer quelque
chose), les métonymies qui donnent au
monde une harmonie magique (par.
»
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