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« UN THÉÂTRE DE SITUATIONS » (Sartre)

Publié le 13/10/2018

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Les Séquestrés d'Altona

 

I. Dans la maison des Gerlach, en Allemagne, en 1959. le Père, grand constructeur de navires, se sait atteint d'un cancer. Il a fait venir Werner. son fils cadet, pour lui confier l'entreprise, à condition qu'il garde la maison : Frantz, son fils aîné, passe pour mort, mais il y vit séquestré depuis 1946, sans accepter d’autre visite que celle de Leni. sa sœur incestueuse. Par deux fois, le Père l'avait soustrait à ses responsabilités; en 1941. quand Frantz. pour racheter son père, coupable d'avoir vendu à Himmler des terrains pour un camp d'extermination, avait caché un rabbin; en

 

1946. quand il avait assommé un Américain qui voulait violer sa sœur. Le Père, qui veut revoir Frantz avant de mourir, persuade Johanna, la femme de Werner. d'obtenir cette entrevue.

 

II. Johanna découvre Frantz, vêtu de son uniforme en lambeaux, enregistrant interminablement au magnétophone, pour le tribunal des siècles à venir, son témoignage à la décharge de ['Allemagne, qu'il veut croire en ruine. Elle lui apprend la maladie du Père, mais elle renonce à lui demander l'entrevue et à lui annoncer la prospérité de l'Allemagne, de peur qu'il ne se tue.

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« «Idées »,en 1973, un ensemb le d'articles et d'entretiens où, de 1944 à 19 68, Sartre esquisse les principes de sa dramaturgie.

Il a découvert l'écriture dramatique en même temps que l'Histoire et l'action collective en 1940, en captivité, où il a écrit, monté et joué avec et pour les prisonniers du sta l ag Bariona ou le Fils du tonnerre, mystère de Noël.

Professeur à l'École d'art dramatique de son ami Charles Dullin en 1942- 19 43, il tire du théât re grec classique et de l'Esthétique de Hegel sa conception d'un théâtre «austère, moral, mythique et rituel d'as­ pect »,qui corresponde« aux beso ins d'un peup le épuisé mais exigea n t» .

Re fusant le « théâtre de caractères », psychologique et réaliste, Sartre propose donc, dans les années 1944-1947, un théâtre mythique, qui transpo se les grandes questions de l'époque contemporaine pour permet tre la réflexion, où «de grandes circonstances», de s « situat ions limites » acculent les personnages à un choix vital, où les conflits de caractè r es soient remplacés par des conflits de droits.

A ce contenu moral, mais non moralisant, co nv iennent une action brève et viol ente, centrée sur un événement, une mise en scène austère, un style clair, tendu, sobre, qui garde un peu de la « pompe » antique et transforme la représentatio n en cérémonie.

Après 1950, Sartre tient compte, nua nçant ses propos, du «théâtre critique», de Jean Genet, d'An­ tonin Artaud et surtout de Bertolt Brecht, dont pourtant il ne partage pas les principes arti stiques.

C e cha ngement acco mpagne l 'évo lution de son œuvre.

De 1943 à 1948, l'activité dramatique de Sartre est inten se.

Il écrit cinq pièces et suit de près leur mise en scène : les Mouches (1943), Huis clos (1944), la Putain respectueuse et Morts sans sépulture (1946), les Mains sales (1948).

Il rédige en même temps de nom­ breux scénarios pour le cinéma : « Histoire de nègre », « l'Apprenti so rcier », « la Grande Peur », « Typhus » (1943-1944, inédits), Les jeux sont faits (1948, Nagel), «les Faux Nez» (1947, la Revue du cinéma, n° 6), L'En­ grenage (19 48, Nagel).

Ces œuvres coïnc ident, chez Sar ­ tre, avec la découverte de l'action collective, de l a res­ ponsabilité de l'écrivain, du pouvoir des mots et, dans sa philosophie, avec la problématique de la liberté en situation .

Après 1948, Sartre n'écrit plus q u'épisodique­ ment pour le théâtre .et pour le cinéma : le Diable et le Bon Dieu (1951), Nekrassov (1955), les Séquestrés d'Altona (1959), et un scé nario in jou able, Freud (1959); mais il adapte pour le théâtre Kean d'Alexandre Dumas ( 1953) et les Troyennes d'Euripide (1965), et pour le cinéma Les Sorcières de Salem, à partir d'une pièce d 'Arthur Miller (1 9 55-1957).

Les pièces de cette époque ont perdu l'austérité, la co ncision et la rigueur des précé ­ dentes : le texte est plus brillant, la mise en scène plus fastueuse.

Ma i s la finalité de l'œ uvre ne change pas : elle consiste à « for ger des mythes », à présenter des situations assez générales pour être interprétées à trave rs des situations particulières, à éloigner dans le temps et dans l'espace les probl èmes contemporains : «la fin et les moyens, la légitimité de la violence, les conséquences de l'action, les rapports de la per sonne avec la collecti­ vité, de l'entreprise individu elle avec les constantes his­ toriques».

Ainsi, dans les Mouches, le repentir qu'im­ pose Égisthe à la ville d'Argos fait allusion à l'idéologie pétainiste, et Ores te, dans cette intrigue à dou ble entente , donne aux Français une leçon de liberté et d'a ud ace.

Dans le Diable et le Bon Dieu, le personnage du militant Nasty est préte xte à souligne r l'a nalogie en tre l'Allema ­ gne de la Réforme, la guerre des Paysans, le milléna ­ risme et la situation de guerre froide en 1951.

Ce que pré sentent les Séquestrés d'Altona, c'est une condensa­ tion entre l'Allemagne au temps du naz isme et la France pe n dant la gue rre d'Algérie, également coupables d'avoir pra tiqué la torture.

Une telle polysémie ne va pas sans malentendus .

On a souvent interprété comme une profession d 'anti-humanisme la célèbre répl ique de Huis clos: «L'Enfer, c'est les autres}> (en d'autres termes : « chacu n est le destin de chacun » ).

La Putain respec­ tueuse, qui « ref)ète l'impossibilité de résoudre le pro ­ blème noir aux Etats-Unis», a eu des difficultés avec la censure de Chicago, qui y voyait une pièce anti­ américaine .

Les Ma ins sales, qui opposent l'idéal isme révolutionnaire de Hugo au réalisme de Hoederer, ont été reçues comme une « propagande hostile à l'U.R.S.S.».

au po int que Sartre en interdit la représenta­ tion sans l'accord des pa rtis communistes inté ressés.

Parc e que Goetz cesse de provoquer un Dieu absent pour aller vers les hommes, on a vu dans Le Diable et le Bon Dieu une. »

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