UN CERTAIN PLUME d'Henri Michaux (résumé et analyse de l'oeuvre)
Publié le 27/10/2018
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UN CERTAIN PLUME. Recueil de récits d'Henri Michaux (1899-1984). Le premier état du texte (1930) fut augmenté de quatre chapitres inédits en 1936. Le recueil, précédé de Lointain intérieur, ensemble de poèmes composés à la même époque, parut chez Gallimard sous le titre Plume (1938).
Dans ces treize récits. Plume affronte des situations qui le mettent dans l'embarras et révèlent son inadaptation à la réalité sociale. Ces situations peuvent être banales (« Plume au res taurant ». Il ; « Plume voyage », Ill ; « Plume avait mal au doigt », VIl ; « Plume à Casablanca », X), merveilleuses (« Un homme paisible », I ; «la Vision de Plume », VI ; « l'Arrachage des têtes ». VIII ; « Plume au plafond », Xli ; « Plume et les Culs de jatte». XIII), inattendues («Dans les appartements de la reine », IV), ou fantastiques (« la Nuit des Bulgares », V). Elles confrontent un héros - en est ce encore un? - trop poli et trop courtois, trop soumis et trop vulnérable, à diver ses figures de l'autorité : police, Il, IX ; reine/roi, IV ; juge, I ; chef de train, Ill ; officier de cavalerie, VI ; docteur, VIl ; épouse, VI, VIII ; coutumes, Xli, Xlii. Victime des désirs de la reine, ou chassé du train, envoyé à la soute ou surpris les pieds au plafond, il n'est jamais libre, mais toujours pris dans le regard d'autrui : il est agi plus qu'il n'agit il « réfléchit » plus qu'il ne fait des projets.
Point de décors dans ces récits (comparer «Plume à Casablanca» et « Arrivée à Alicante » dans Face à ce qui se dérobe, 1975). Pas de portraits de personnages : simplement des types - la vieille dame, la jeune fille -, qui dictent des réactions elles-mêmes attendues. Que sait-on de Plume? Il a un doigt, une épouse évidemment acariâtre ; il voyage, pour ne rien voir et ne songer avec angoisse qu'à son départ. Du fait de ce dépouillement, et de ce jeu sur le code romanesque, les situations et leur issue plus ou moins logique prennent
«
le
pas sur le vraisemblable.
L'histoire,
dont la structure est souvent répétitive
{Il, III, IV, VIII, X) se réduit à une suite
de questions et de réponses {Il, IV), ou
une série de contraintes {III, VII) et
obéit à une nécessité d'autant plus
fatale à Plume qu'elle lui échappe, tant
elle est nouvelle ou inattendue et irré
futable.
Cette crise du récit est aussi le récit
d'une crise : celle de la fragile rationa
lité qui protège notre société.
L'étrange
jaillit dès qu'on ôte tout contexte à un
acte : pourquoi faut-il tuer les Bulga
res ? De quoi Plume est-il coupable au
restaurant ? Chacun, enfermé dans les
règlements, ses raisonnements (le chi
rurgien), ses fantaisies et ses désirs,
exige de l'autre réponse.
Par son
incapacité à répondre, ou par sa sou
mission aux autres qui provoque des
désastres, Plume est une menace.
Ce
frère de Meursault (voir ['*Étranger) , ou
de Montès (voir Vent, de Claude
Simon) révèle que toute société est
d'abord conflit d'individualités.
Grâce à son personnage, Michaux
dresse donc un réquisitoire contre
toutes les institutions et les rites
contraignants qui régissent une
société, quelle qu'elle soit.
Il sait le
faire avec humour, en amplifiant
l'allure dramatique de ses récits (V), en
jouant avec la naïveté de Plume {IV),
ou son extrême politesse (III), lui fai
sant à l'occasion avaler la couleuvre
qui rampe vers lui ( ).
Cette éternelle victime n'est
pourtant pas si innocente : Plume
porte en lui une grande violence {1,
VIII), comme tout un chacun.
La loi
recouvre malle désir : le policier se fait
le complice des femmes de Berlin (IX).
La réflexion ne peut rien contre la pul
sion qui met en place un nouvel ordre :
n'est-ce pas quand la culpabilité est la
plus évidente -le meurtre des cinq Bul
gares ; les têtes arrachées -que Plume
peut toucher au rivage de la vie ( >) ? Quand le rêve s'ins
talle, le sujet, revenu dans le sein
maternel, castre la figure paternelle
{VI) .
Une inquiétante étrangeté pénè
tre le monde vécu, l'évidence pénètre
le monde du rêve et du fantasme.
Per
verti par le désir et l'angoisse, le récit
ouvre sur le surréel.
En marge du sur
réalisme, Michaux construit ainsi son
propre monde -surréaliste..
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