TRISTAN. Roman en vers de Béroul (résumé et analyse de l'oeuvre)
Publié le 28/10/2018
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TRISTAN. Roman en vers de Béroul (seconde moitié du xiie siècle), composé vers 1180 et dont subsiste un fragment de 4 485 vers que conserve un seul manuscrit, mutilé au début et à la fin, et souvent fautif.
Le narrateur de ce fragment, Béroul, se nomme aux vers 1 268 et 1 790 en prônant la qualité de son récit. Récit que recoupe jusqu'au vers 3 027 le texte d'Eilhart d'Oberg, une adaptation en moyen haut allemand composée vers 1170-1190, seule version complète conservée pour le xiie siècle, et qui reprend ce qu'on a appelé la version << commune >>, par rapport à la version remaniée (parfois dite << courtoise >>) que propose le *Tristan de Thomas et les textes qui en dérivent (voir article suivant). La trame, sinon le détail, a dû en être élaborée dès 1150 mais il est difficile de dater strictement le texte de Béroul, qui pourrait être issu de la jonction maladroite de deux fragments.
Le premier épisode, mutilé, conte le rendez vous sous un pin, de Tristan et d'Iseut, épouse du roi Marc. Conscients de la présence de Marc, caché dans l'arbre, les amants tiennent un dis cours truqué par lequel le héros regagne un
temps la confiance du roi et peut revoir libre ment la reine. Mais, poussé par trois barons qui haïssent Tristan, et aidé par le nain Frocin(e), Marc prend en flagrant délit les amants (épisode de la fleur de farine) qu'il condamne à mort. Tris tan parvient à échapper à ses gardes (épisode du saut de Tristan), tandis qu'Iseut, malgré les lamentations du peuple de Cornouailles
«
aman
ts sur le clan des barons : Tristan met à
mort l'un d' eux, transperce un autre d'une flèche
dans l'œil -là s'anr ête net le récit -, et goûte de
no uveau dans la cha mbre de la reine aux plaisirs
de l'amour .
Le récit de Béroul fait plus ieurs allu
sions à des épisodes antérieurs de la
légende : mort du Morholt, blessure du
héros, quête d'Iseut, scène du philtre,
etc.
Lorsqu 'il s'ac hève, rien n'annonce
cep endant la suite ordinaire du récit, la
sép aration du couple, le mariage de
Tristan, la mort des amants, telle que
la conte nt Eilhart et Thomas.
Riche
d'é vénements, il se présente plutôt,
dans la partie qui subsiste, comme une
succession de séq uences narratives que
cadrent les interve ntions d'un narra
teur habile à susciter la sympathie du
public pour les amants, à orienter son
écoute de l'œuvre, à lui suggérer, sur le
mode obsédant de l'irréel, tous les pos
sibles qui pourraient entraver ou modi
fier le déroulement de l'histoire, mais
qui n'adviendront pas.
En écho, la
prouesse de Tristan, le vainqueur du
Morholt puis du redoutable >,reste elle aussi évoquée, rejetée
dans le passé.
jamais le héros
n'o btient, par exem ple, de livrer un
duel judiciaire au nom d'Iseut et de
prou ver ainsi aux yeux du monde
l'inno cence de leurs relations.
Le per
sonna ge que nous suivons s'impose
bien davantage par ses capacités sporti
ves que proprement guerrières, son
aptitude à survivre dans un milieu hos
tile, à chasser, à inventer un arc mer
veilleux, >
ou dans des chambres tachées de sang,
ne semble guère influencé par une
vision courtoise de l'amour .
Sans
ja mais condamner les amants -le
philtre alibi les prive durant trois ans
au moins de leur libre arbitre et les
rend innocents devant Dieu comme
devant le lecteur -, Béroul montre le
scandale que constitue dans la société
féodale le désir amoureux et l'impossi
bilité d'intégrer la pa ssion aux normes
du monde .
Ni les trois barons, incarna
tion toujours renaissa nte de l'ordre
social, ni l'ermite, représen tant d'un
ordre religieux plus enclin aux indis
pe nsabl es accommodements, ne peu
vent en admettre l'existenc e.
En tant
que roi et garant de l'ordre féodal
sinon de l'ordre moral, Marc lui-même,
qui balance sans cesse entre haine et
amour, entre fureur et tendresse, se
doit, se devrait d'agir et de mettre à
mort son neveu.
Il n'est guère que le
monde d'Arthur, le monde autre de la
fiction, qui puisse venir, le temps du
serment purgatoire, cautionner la pas
sion et la parer, bien fugitivement, des
couleurs courtoises.
Mais les amants
eux- mêmes, qui ne parviennent
ja mais, même après l'affaiblissement
du philtre, à se séparer, rejettent leur
amour et lui dénient toute valeur.
Au
cri d'Iseut devant l'ermite -il ne
m' aime pas, je ne l'aime pas, notre
seul lien est la boisson que nous avons
partagée -font écho, au Mal Pas, les
paroles de Tristan assimilant le désir
amoureux à l'hor rible brûlure de la
lèpre ..
»
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