Traité des sensations de Condillac

« «Elle [la statue] n'est ...

que les odeurs qu'elle sent.

» (Allégorie du goût, par Daniel Seghers [XVIe siècle], musée des Beaux-Arts, Dunkerque) EXTRAITS ------ -~ En définissant l'objet de son livre, Condillac insiste sur la nécessité, pour les philosophes, de lire avec précision d'ou viennent les idées et la pensée, car on ne peut plus se contenter, comme Descartes, des idées innées Le principal objet de cet ouvrage est de faire voir comment toutes nos connais­ sances et toutes nos facultés viennent des sens, ou, pour parler plus exactement, des sensations : car, dans le vrai, les sens ne sont que cause occasion­ nelle.

Ils ne sentent pas, c'est l'âme seule qui sent à l'occasion des organes ; et c'est des sensations qui la modifient qu'elle tire toutes ses connais­ sances et toutes ses facultés.

Cette recherche peut infiniment contribuer aux progrès de l' art de raisonner; elle le peut seule développer jusque dans ses premiers principes.

En effet , nous ne découvrirons pas une manière sûre de conduire constamment nos pensées, si nous ne savons pas comment elles sont formées.

Qu 'attend-on de ces philosophes qui ont continuellement recours à un instinct qu'ils ne sauraient définir ? Dans ce passage, Condillac analyse ce qui se passerait si l'homme n'avait que l'odorat (il fait de même pour les autres sens).

Il en conclut évidemment que« la statue bornée à l'odorat ne .peut connaître que des odeurs », mais aussi que la statue, vis-à-vis d'elle même, n'est qu'une odeur.

Cela signifie que nous ne pouvons pas vraiment connaître la réalité ou que la réalité n'existe que dans nos sensations La statue bornée à l' odorat ne peut connaître que des odeurs.

- Les connaissances de notre statue bornée au sens de l'odorat ne peuvent s'étendre qu'à des odeurs.

Elle ne peut pas plus avoir les idées d'étendue, de figure ni de rien qui soit hors d'elle ou hors de ses sensations, que celles de couleur, de son, de saveur.

Ellen ' est, par rapport à elle, que les odeurs qu'elle sent.

Si nous lui présentons une rose, elle sera par rapport à nous une statue qui sent une rose : mais par rapport à elle, elle ne sera que l'odeur même de cette fleur.

Condillac résume le plan de son ouvrage Pour découvrir le progrès de toutes nos connaissances et de toutes nos facultés, il était important de démêler ce que nous devons à chaque sens, recherche qui n' avait point encore été tentée.

De là sont formées les quatre parties du Traité des sensations.

La pre­ mière, qui traite des sens qui eux-mêmes ne jugent que par des objets ext érieurs.

La seconde, du toucher ou du seul sens qui juge par lui-même des ob­ jets extérieurs.

La troisième, comment le toucher apprend aux autres sens à juger des objets extérieurs.

La quatrième, des besoins, des idées et de l'industrie d'un homme isolé qui jouit de tous ses sens.

« Si nous lui présentons une rose, elle sera par rapport à nous une statue qui sent une rose ...

» (L'Odorat, école romaine[XVIIe siècle], musée des Beaux-Arts, Nantes) NOTES DE L'ÉDITEUR Ordonné prêtre mais sans jamais avoir exercé de fonction sacerdotale , Étienne de Condillac (1715-1780) consacra toute sa vie aux idées et à la philosophie.

Il collabora à L 'Encyclopédie et connut tous les grands philosophes et écrivains de son temps : violences de son temps et distant des préoccupations politiques et sociales.

décidément enfantine pour un psychologue de l'enfance.

» R.

Lefèvre, Condillac ou la joie de vivre, Ed.

Seghers , 1966.

Rousseau et Voltaire, Diderot et d-' Alembert, Fontenelle, etc.

Contrairement à la majorité d'entre eux, il resta quelque peu à l'écart des polémiques et des « Certes , dans un domaine où les progrès vont lentement mais où les idées vont vite, la psychologie de Condillac a terriblement vieilli.

Pour un psychanalyste, elle manquera de profondeur, et si l'on peut dire, de sexe; pour un caractérologue, de variété ; p our un existentialiste, de tragique.

Elle sera décevante pour un théologien, angélique pour un psychiatre, abstraite pour un sociologue , 1 gravure de Yolpato I Roge r-Yio llet 2, 3.

4 Le Sens caché des fleurs en peinture, xvue siècle .

cliché Ville de antes.

musée des Beaux -Arts I P atrick Jean « Enfin, dans une langue simple, pure, alerte, cristalline, merveilleusement ajustée aux rigueurs de son dessein, il n'a cessé d'honorer ces valeurs inestimables, qui feraient l'honneur des hommes s'ils ne cessaient de les trahir: l'intelligence, la liberté, la tolérance et la paix ..

» R.

Lefèvre, op.

cit.

CONDILLA C 02. »