TRAITÉ DES SENSATIONS, Condillac (résumé & analyse)
Publié le 03/10/2018
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Condillac consacre ce traité à montrer comment non seulement la totalité des fonctions de l’esprit, mais aussi l’assurance de l’existence du monde extérieur peuvent être déduites des seules sensations. Celles-ci y sont étudiées dans leur spécificité, puis elles sont mises en relation afin de découvrir comment notre esprit prend conscience de l’existence du monde extérieur.
Pour ce faire, Condillac bâtit la fiction d’une statue qui, en s’animant, découvrirait peu à peu le monde. En reconstituant, d’une manière contrôlée, la mise en contact de l’esprit et du monde, cette fiction lui permet de recréer artificiellement la genèse de l’esprit à partir de la sensation. L’auteur prend comme point de départ l’odorat et l’attitude de la statue pendant qu’elle respire l’odeur d’une rose. Toute l’activité de l’esprit étant résumée dans l’acte de sentir, la conscience s’identifie à cette odeur de rose.
A partir de cet exemple, Condillac va s’attacher à montrer comment ces trois fonctions de la personnalité que sont l’entendement, l’affectivité et l’action se développent simultanément en agissant les unes sur les autres. L'entendement renferme les facultés de l’attention, de la mémoire et du jugement, ainsi que la conscience de la durée. La sphère de Y affectivité comprendra le sentiment de l’intérêt, la faculté d’éprouver du plaisir ou de la peine, le désir d’où naissent les passions. Ainsi les facultés de l’entendement dirigées vers 1 \"action seront, par exemple, la volonté qui naît du concours de l’intérêt que nous avons à faire une chose (sphère de l’affectivité) et du pouvoir que nous avons de la réaliser (sphère de l’activité). De même, si la statue passe d’une odeur plaisante à une odeur déplaisante (sphère de l’affectivité), elle éprouve de l’étonnement, et ceci stimule son jugement (sphère de l’entendement).
Après avoir montré comment le fonctionnement de l’esprit peut se développer à partir du seul odorat, Condillac va s’attacher à montrer comment le contenu de l’esprit — les idées — en dérive également. C’est ainsi que l’idée de durée est engendrée par la sensation de la succession des états qui affectent la statue, comme, par exemple, le passage d’un état agréable à un état désagréable. De la distinction de ces états naîtra l’idée de nombre. Chacun des autres sens — la vue, l’ouïe, le goût — aurait la possibilité d’engendrer la pensée à partir de la sensation afférente, mais Condillac décrit principalement l’enrichissement de l’esprit par le concours de ces sens ou synesthésie. Ainsi
une odeur peut rappeler un son et contribuer au développement de la mémoire.
Ce qu’il y a de nouveau dans cet écrit, c’est que ce n’est plus par la vue que nous découvrons l’espace du monde extérieur: en effet, celle-ci ne livre pas à la statue le sentiment que le monde lui est extérieur, mais lui permet uniquement de le percevoir comme une surface colorée. Il faut l’apparition du toucher pour que la statue conçoive la notion étendue et prenne conscience de l’existence du monde extérieur. En effet, en portant sa main sur son propre corps, elle découvre leur extériorité réciproque mais aussi leur appartenance à une même unité corporelle et, ce faisant, elle découvre cette propriété des corps qu’est l’étendue. Ensuite, à la sensation de son corps dans l’espace, elle ajoutera le sentiment de la réalité du monde extérieur en éprouvant, par le toucher, la résistance des autres corps. Condillac parvient ainsi à ne pas introduire de rupture dans la genèse de l’esprit, entre ce qui provient du toucher et ce qui provient des autres sens, en s’attachant à montrer l’interaction de tous les sens. En effet, en éduquant les autres sens, le toucher permet à l’esprit d’identifier ce qu’il ressent — par exemple, l’odeur de la rose — à une qualité
de ce corps extérieur, et ce parce que la
statue, en touchant la rose, en la rapprochant plus ou moins de son nez, unit l’odeur de la rose à cette fleur qui lui est extérieure. Il en sera de même pour l’ouïe, le goût et la vue, puisque c’est le toucher qui enseignera à l’œil la distance, la figure, la grandeur et le mouvement des corps.
Ainsi armée, la statue peut affronter le monde et y développer ses connaissances qui seront pratiques — car calquées sur nos besoins — avant de devenir théoriques, avec l’apparition du langage.
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