TRAGIQUES (les). Épopée en vers d'Agrippa d'Aubigné (résumé & analyse)
Publié le 07/11/2018
Extrait du document
TRAGIQUES (les). Épopée en vers d'Agrippa d'Aubigné (1552-1630), publiée anonymement à Maillé chez Jean Moussat en 1616. La première édition avait pour titre les Tragiques donnez au public par le larcin de Prométhée, au Dézert par L.B.D.D. ; les initiales remplaçant le nom de l'auteur signifiaient «le Bouc du Désert ,,, allusion au surnom qu'avait valu à d'Aubigné son attitude intransigeante dans les assemblées préparatoires à l'édit de Nantes. Une seconde édition, sans date ni lieu d'impression, intitulée les Tragiques ci-devant donnez au public par le larcin de Prométhée, et depuis avouez et enrichis par le sieur d'Aubigné, fut publiée pendant l'exil de l'auteur en Suisse ; vraisemblablement imprimée à Genève, elle dut voir le jour en 1623 ou 1625.
« Mes yeux sont tesmoins du subjet de mes vers », écrit au livre III l'infatigable combattant huguenot. Les Tragiques, dont la rédaction des sept livres occupa l'auteur pendant plus de quarante ans, se nourrissent en effet de toute l'actualité politico-religieuse qui sépare les premiers combats d'Henri de Navarre de la régence de Marie de Médicis. La genèse complexe du poème déjoue les efforts de datation trop précise : il est peu probable que la rédaction ait suivi l'ordre linéaire, les soubresauts de l'Histoire ayant plutôt imposé un processus permanent d'ajouts, d'expansions et de corrections. Quelles que soient les dates retenues, il est remarquable que d'Aubigné assigne au poème une double et violente origine : la première vision des Tragiques lui serait venue en 1572, après une grave blessure, et les « premières clauses » en auraient été dictées à l'occasion d'une seconde blessure, reçue au combat de Casteljaloux en 1577. La fiabilité de ces dates importe moins, au fond, que l'indice de reconstruction mythologique : tout se passe comme si l'élément matriciel du texte ne pouvait résider, aux yeux de l'auteur, que dans les états d'agonie propices aux surgissements hallucinatoires.
Poème indissociablement historique et religieux, les Tragiques témoignent d'une longue imprégnation biblique constamment réactivée par les événements. Les persécutions catholiques -massacre de Vassy en 1562, Saint-Barthélemy en 1572 - provoquent dans la communauté réformée une identification aux tourments du peuple élu de l'Ancien Testament : comme ses coreligionnaires, d'Aubigné trouve dans les livres des prophètes, les Psaumes et le livre de Job une violence imprécatoire à la mesure de l'épreuve ; la conscience du drame se prolonge en attente escha-tologique et appel au Jugement dernier, d'où la référence également constante au livre de l'Apocalypse. La Bible informe les Tragiques en profondeur : elle détermine aussi bien les images ponctuelles ou les constructions oratoires que la signification et la portée d'épisodes entiers. À tous les niveaux d'organisation du texte, c'est au moyen de paradigmes bibliques que d'Aubigné s'efforce d'appréhender l'Histoire en devenir. Le poème n'échappe pas cependant à l'influence de la littérature profane. Le premier livre, dont les vers initiaux multiplient les réminiscences de Tite-Live, Juvénal et Lucain, emprunte à la Pharsale les éléments infernaux qui composent le fameux portrait de Catherine de Médicis. Quant au deuxième livre, satire des mœurs scandaleuses de la cour des Valois, il hérite de la truculence haineuse des Satires de juvénal. Il n'est pas improbable enfin que Ronsard, objet d'une admiration jamais démentie malgré l'antagonisme confessionnel, ait exercé une influence sur le poète des Tragiques : les allégories célestes du livre II évoquent irrésistiblement l\"'Hymne de la justice\" et les Discours des misères de ce temps (1562) peuvent être considérés comme le modèle même lointain et dépourvu d'ampleur prophétique, des premiers livres des Tragiques.
Mais les références littéraires n'épuisent pas le fonds nourricier du poème : soucieux de donner une dimension concrète à l'épopée, d'Aubigné a largement utilisé les sources d'information contemporaines. L'Histoire des martyrs (1554) de jean Crespin, le Traité des scandales de Calvin ou l'Histoire ecclésiastique de Théodore de Bèze lui ont offert une vaste matière factuelle. Sans doute cette dernière s'est-elle enrichie des iconographies de l'époque, qui abondaient en scènes saisissantes de massacres et de persécutions.
Dans l'avis «Aux lecteurs », l'auteur feint de s'adresser au public par le truchement de son imprimeur : celui ci déclare qu'il a dérobé « de derrière les coffres et dessous les armoires les paperasses crottées [...] que vous verrez ». La Préface (« I'Autheur à son livre ») souligne l'ori gine divine du poème : « Dieu mesme a donné l'argument » (v. 410).
Livre 1. « Misères ». Après un exposé du des sein de l'auteur et une invocation à Dieu (v. 1 96), trois tableaux allégoriques se succèdent, qui évoquent l'état désastreux de la France en proie aux guerres civiles (v. 97 190). L'auteur, témoin des atrocités commises sur les paysans (v. 191 562), fait comparaître les responsables de ces cri mes : Catherine de Médicis et le cardinal de Lor raine (v. 563 1 380).
«
cis
.
Quant au deuxième livre, satire des
mœurs scandaleuses de la cour des
Valois, il hérite de la truculence hai
neuse des Satires de juvénal.
Il n'est pas
improbable enfin que Ronsard, objet
d'une admiration jamais démentie
malgré l'antagonisme confessionnel,
ait exercé une influence sur le poète
des Tragiques : les allégories célestes
du livre II évoquent irrésistiblement
l"'Hymne de la justice" et les Discours
des misères de ce temp s (156 2) peuvent
être considérés comme le modèle
même lointain et dépourvu d'ampleur
prop hétique, des premiers livres des
Tragiq ues.
Mais les références littéraires n'épui
sent pas le fonds nourricier du poème :
soucie ux de donner une dimension
conc rète à l'é popée, d'Aubigné a large
ment utilisé les sources d'information
contemporai nes.
L'Histoire des martyrs
(15 54) de jean Crespin, le Traité des
scandales de Calvin ou l'Histoire ecclé
siastique de Théodore de Bèze lui ont
offert une vaste matière factuelle.
Sans
doute cette dernière s'est-elle enrichie
des iconographies de l'époq ue, qui
abondaient en scènes saisissantes de
mass acres et de persécut ions.
Dans l'avis «A ux lecteurs », l'aut eur feint de
s'adresser au public par le truchemen t de son
im primeur : cel uici décla re qu'il a dérobé « de
derrière les coffres et dessous les armoires les
paper asses crottées [ ...
] que vous verrez ».
La
Préface (« I'Aut heur à son livre») souligne l'ori
gine divine du poème : « Dieu mesme a donné
l'argumen t » (v.
41 0).
Livre 1.
« Mi sères ».
Après un exposé du des
sein de l'aute ur et une invocation à Dieu (v.
1
96 ), trois tableaux allé goriques se suc cède nt, qui
év oqu ent l'état désastreux de la France en proie
aux guerr es civi les (v.
97 190).
L'auteur, témoin
des atrocités commises sur les paysans (v.
191
562), fait compar aître les responsables de ces cri
mes : Ca ther ine de Médicis et le car dinal de Lor
rai ne (v.
563 1 380).
Livre Il.
« Princes ».
Il dénonce la tyran nie des
ro is déna turés et s'élè ve violemmen t contre les
flatteurs (v.
1524) ; il stigmatise la cond uite scan
daleuse de la reine et de ses trois fils, Charles IX,
Henr i Ill et François d'Ale nçon (v.
525 1 098).
Sui t un dév eloppemen t allé gor ique, qui met en
scène un jeune homme récemm ent arrivé à la
cour : Fortune et Vertu se disputent son cœur ,
ju squ'à la victoir e finale de cette dernière
(v.
1 099 1 526).
Livre Ill.
« La Chambr e dor ée».
La justice, la
Paix et la Pié té, qui se plaignen t de l'impiété
dévastatrice du genre humain (v.
1-12 2) implo
rent Dieu ; le Créateur se rend sur terre, où il
découvre le Palais de justice de Paris et sa galer ie
de mons tres grotesq ues : Org ueil, Avarice, Haine,
Trah ison, etc.
(v.
12352 4), puis l'horreur de
l'Inquis ition espagnole (v.
525 694).
Le livre
s'achève sur un appel pressant à la justice divine,
la «s age Thémis » (v.
695 1 062).
Livres IV et V.
« Feux » et « Fers ».
Difficile
me nt résumable s, ils énumèr ent la longue suite
des martyrs de la «v raie foi » - du supp lice de
jean Hus aux vexations subies par Bernar d
Pal issy -et la série des massacres pérpétrés par
les catholiq ues : Amboise, Dreux, Vassy, la
Sai nt Barthél emy.
Livre VI.
«Vengeanc es».
L'âme du poète
entend se pur ifier et se dépouiller pour devenir
per méable aux « fe rmes visions » et « songes
véritables » (v.
1 14 0).
Suit un recensemen t des
in terve ntions de Dieu dans J'histoir e humaine,
depuis la malédic tion de Cain jusqu'aux tem ps
les plus récents (v.
141 1 132).
Livre Vil.
«jugement ».
Il constitue le dénoue
me nt surna turel de la lutte entre les justes et les
réprouvés.
Après une démons tration de la résur
rection des corps (v.
1650), une série de
table aux apoca lyptiques évoque la sépara tion des
élus et des damnés, et J'ins taurati on défini tive du
règne de Dieu (v.
65 1 1 218 ).
É popée huguenote liée à la radicali
sation des antagon ismes confession
nels, les Tragiques se présentent d'em
blée sous un jour paradoxal : la
lisibilité militante du proj et spirituel -
la lutte des élus contre les réprouvés -
s'inscrit dans un imaginaire chaotique
et complexe qui semble défier les caté
gories littéraires.
Cette distorsion
s' explique d'abord par le contexte et
les conditions d'écriture : la «grand'
tragédie >> du siècle et la participation.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- TRAGIQUES (Les) d'Agrippa d’Aubigné (résumé & analyse)
- TRAGIQUES (Les). Agrippa d’Aubigné (Résumé et analyse)
- Les Tragiques d'Agrippa d'Aubigné (Résumé & Analyse)
- PRINTEMPS (le). Recueil poétique de Théodore Agrippa d'Aubigné (résumé & analyse)
- AVENTURES DU BARON DE FAENESTE (Les) de Théodore Agrippa d’Aubigné (résumé & analyse)