Tragédie du roi Christophe (la). Tragédie en trois actes et en prose d'Aimé Césaire (résumé et analyse de l'oeuvre)
Publié le 27/10/2018
                             
                        
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Tragédie du roi Christophe
(la). Tragédie en trois actes et en prose d'Aimé Césaire (né en 1913), publiée à Paris aux Éditions Présence Africaine en 1963, et créée au Festival de Salzbourg en 1964. Quelques scènes en avaient été publiées dans Présence Africaine entre 1961 et 1963, avant l'édition complète ; à la suite de sa création par Jean-Marie Serreau, Césaire, tenant compte du travail avec le metteur en scène et les acteurs, en a remanié le texte pour l'édition définitive de 1970.
Césaire, qui a étudié l'histoire d'Haïti pour son essai Toussaint Louverture (1960), conscient de la mission politique du théâtre, « éveilleur extraordinaire » pour des « peuples où on ne lit pas », a sans doute commencé à écrire sa Tragédie en 1959, après avoir fondé le Parti progressiste martiniquais.
Christophe, ancien esclave cuisinier, nommé président de la République d'Haïti, se fait sacrer roi et entreprend de mettre le pays en ordre en lui imposant le projet grandiose de construire une citadelle, malgré les exhortations à la modération de son épouse, Mme Christophe. En butte à la résistance indolente de ses sujets, de la cour qu'il a recréée à l'image de celle de France, il s'écroule paralysé, et meurt, abandonné par son peuple.
Après le modèle grec, eschyléen -revu et corrigé par Nietzsche - de Et les chiens se taisaient (1946), la Tragédie se réfère à Shakespeare (de même qu'Une tempête en 1969, faisant de Caliban
l'esclave noir du magicien Prospero). L'<< attentat du Destin », la « Fortune envieuse » qui frappe Christophe, comme dans les drames historiques ou dans Macbeth, fauche le héros de la négritude dans ses ambitions politiques. Il n'est plus le rebelle, mais le gouvernant, devenu la victime de sa fortune politique. Comme dans la tragédie shakespearienne et ses procédés de mise en abyme, la pièce se donne pour ce qu'elle est : une représentation, ainsi d'ailleurs que le suggère le titre, qui en qualifie, au second degré, le genre. Le Prologue (dans lequel le « présentateur-commentateur » introduit les personnages, situe l'action), ou l'intermède à la fin de l'acte I participent de cette mise en abyme du spectacle dont la fonction, toute brech-tienne, semble de permettre une distanciation ironique à l'égard des personnages. La Tragédie, en ce sens, démystifie le genre tragique, en même temps qu'elle le recrée.
«
                                                                                                                            même,  dont le discours  est fami lier 
dans  l'acte  1, traité  en , hausse  peu  à  peu  le ton  jusqu'au 
ly risme  sublime  des ultima  verba  de 
l' acte  Ill.
                                                            
                                                                                
                                                                    Souhaitant  donner à sa  cour 
la  noblesse  de celle  de Louis  XVIII -en 
recréant  une aristocratie  de courtisans 
partis de  rien, comme  lui -, Christophe 
pose  lui-même  la hiérarchie  des genres 
et  des  styles  lorsqu'il  met en garde 
Hugonin  :  « Sachez  que je n'aime  pas 
q ue  ma  nobl esse s'abaisse  aux pitreries.
                                                            
                                                                                
                                                                    
A  ma  cour,  on ne danse  pas la bam
boula,  monsieur >> (II,  3).
                                                            
                                                                                
                                                                    La  pièce 
e ntière  porte la marque  de cette  ten
sion  entre  le style  haut et le style bas, 
entre  le tragique  et le comique  burles
que.
                                                            
                                                                                
                                                                     Le souci  du « style  >> renvoie  à 
l'o bse ssion,  chez Christop he, d'« édu
quer  '' son peuple  -de  lui  inculquer  le 
sens  de  la « forme ''· 
Comme  le poèt e  dans  le *Cahier  d'un 
retour  au pays  natal,  Christophe 
dénonce  l'«  indolence>>, l'« esprit  de 
jo uissance  et de  torpeur  >> (1,  2) de  son 
peuple,  qu'il veut  mettre au travail  par 
le  projet  « démesuré  >> de  bâtir  une cita
delle  «inexpugnab le»,  allant  jusq u'à 
exécuter  sur-le-champ  un  de ses suj ets 
surpris  en train  de dormir.
                                                            
                                                                                
                                                                     La cons
truction  de l'édifice  est l'image 
conc rète de l'obsession  de la «forme » 
qui  hante  Christophe,  décrit par son 
secrétaire  Vastey «avec  ses formidables 
mains  de potier,  pétrissant  l'argile haï
tienne  » (1,  3).
                                                            
                                                                                
                                                                     C'est  ainsi  qu'il  faut 
com pren dre la figure  parodique  du 
«M aître  de cérémonie », chargé 
d'ens eigner  l'étiquette  aux anciens 
escla ves  promus  aristocrat es, ou  le 
désir  de « leur  apprendre  à bâ tir  leur 
demeure  » (III,  6).
                                                            
                                                                                
                                                                    La métaphore  archi
tecturale  sous-tend  constamment  la 
pièce,  attestant  un désir de « stabilité  » 
et  d'« ordre  »  contre le chaos  et 
l'«  anarchie  » menaçants,  et renvoie  en 
défin itive  à la  vocation  pédagogique 
du  gouvern ant :  « Ah  quel  métier  ! 
Dresser  ce peuple  !  Et me voici  comme  un 
maître  d'école  brandissant  la férule 
à  la  face  d'une  nation  de cancres  !  » 
(II,  3).
                                                            
                                                                        
                                                                    
Cette  éducation  tisse des rapports 
affectifs  entre le souverain,  défini selon 
le  cliché  des régimes  totalitaires 
comme  un  «père », et  ses  «fils»,  dans 
la  « grande  famille  haïtienne  » (1,  4), 
dont Mme  Christophe  est la «m ère».
                                                            
                                                                                
                                                                    
Christophe,  qui décide  des mariages 
(Il,  4), ne  veut-il  pas, littéralement,  sus
citer  «une  nouvelle  naissance » (1,  3), 
c'e st-à-dire  redonner  un nom  aux 
escla ves qui  en  ont été dépossédés, 
quitte  à les  affub ler de titres  de 
noblesse  ridicules  ? De  là, également,  la 
thématique  religieuse du « baptême  » 
qui  traverse  la pièce,  comme  Et les 
chiens  se taisaient,  dont on retrouve 
également  l'image  christique  du « roi 
debout ».
                                                            
                                                                                
                                                                     Christophe  consacre des évê
ques,  s'adresse  au pape  comme  à un 
égal  -fondant  une nouvelle  religion.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Pareil  rêve de mise  en ordre  répond au 
désir  profond  de surmonter  la nature 
pour  instaurer  le règne  de la culture, 
sym bolisé  par la  con struc tion  « pha
raonique  » de  la citadelle  :  « Préci
séme nt, ce peuple  doit se procurer, 
vouloir,  réussir quelque  chose d'impos
sible  ! Contre  le sort, contre  l'Histoire, 
contre  la nature,  ah ! ah  ! l'i nsolite 
attentat  de nos  mains  nues !  » (1,  7) .
                                                            
                                                                                
                                                                    
L'échec  de Christophe,  paralysé, se 
mesure  précisément  à ce  que,  lui qui 
s'é tait  cons acré  roi «par la volonté  et 
la  grâce  de [s]es  poings », est « trahi  par 
la  nature  imbécile ,, par  les «voies  de 
fait  de la nature  " qui  lui « ref use  " 
l'usa ge de  ses  membres  (III, 3).
                                                            
                                                                                
                                                                    La mort 
du  « vieil  enfant  » elle-même  est un 
retour  à la  « forêt  » et  au  fleuve  Congo 
de  ses  ancêtres  africains,  et Chr istophe, 
dépouillé  de ses  oripeaux,  est finale
ment  identifié  au dieu  Shango  et à un 
«a rbre ».
                                                            
                                                                                
                                                                    
Le  messa ge allégorique,  transpa
rent  -l'échec,  pour les colonies  qui ont 
conquis  leur indépendance,  d'une poli-.
                                                                                                                    »
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