TOILE (Chanson de) (résumé & analyse)
Publié le 08/11/2018
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TOILE (Chanson de). Genre lyrique médiéval, du type des chansons de femme, les chansons de toile sont des pièces courtes, généralement anonymes, écrites par des hommes, mais que des femmes étaient censées chanter à l’ouvroir. Leur trame narrative, toujours simple, souvent elliptique, les fait également nommer « chansons d’histoire ». Le genre est donc le produit d’une triple détermi-nation : le locuteur féminin (chanson de femme); la mention — dans les premiers vers — d’une activité de broderie ou de couture (chanson de toile); une narration (chanson d’histoire). Un refrain et une mélodie rattachent clairement ces œuvres au lyrisme.
Ce lyrisme y est douloureux, même si l’histoire connaît une fin heureuse. Originellement brève (quelques strophes), la chanson de toile se réduit à un dialogue simple ou au monologue d’une jeune femme que les circonstances (guerre, tournoi, mari imposé) séparent de celui qu’elle aime. Nous avons conservé les mélodies de quatre d’entre elles : Bele Yolanz, Bele Oriolanz, Bele Doette, En un vergier. Ces mélodies, très ornées, et parfois d’une grande difficulté d'exécution (Bele Doette), diffèrent assez entre elles.
Le genre, lyrique et narratif, recueille et cultive les traits épiques. Le vers le plus fréquemment utilisé est le décasyllabe coupé 4+6 (coupe épique); l’assonance est préférée à la rime; l’emploi de formules communes à la chanson de toile et à la chanson de geste est fréquent; Quant vient en mai emprunte les Francs de France à la Chanson de Roland et décrit le chevalier à la manière à'Ogier le Danois', enfin, le vers commande la structure syntaxique. Tout cela donne à la chanson de toile une allure archaïque, dont l’authenticité a été discutée : ces œuvres remontent-elles au milieu du XIIe siècle (elles-mêmes ou leurs prototypes), ou bien sont-elles « nées vieilles » (M. Zink) et relèvent-elles d’une esthétique archaïsante?
Quelques-unes sont citées (intégralement ou très partiellement) dans des romans à « farcitures » lyriques : le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole de Jean Renart (vers 1228), le Roman de la Violette de Gerbcrt de Montreuil (1230 ou 1231), et dans le Laï d’Aristote d'Henri d'Andeli. Or. à cette date, le genre est considéré comme vieux. Neuf chansons nous sont parvenues groupées en un unique manuscrit, dit « Chansonnier de Saint-Germain-des-Prés », de la fin du xiiie siècle. Ce manuscrit, peu soigné, serait ce qu'il est convenu d’appeler un manuscrit de jongleur (ce type de manuscrit s’opposant au type, plus luxueux, du manuscrit de bibliothèque), qui a été manifesiement souvent manié. Ces pièces étaient donc plus destinées à la récitation chantée qu'à la lecture solitaire. P. Bec y voit un élément typique de la lyrique « popularisante ». Il s'oppose ainsi à E. Faral, qui voyait dans la chanson de toile une production plus aristocratique, faussement et délibérément archaïsante. Le débat n’est pas encore absolument clos.
L’esthétique de la chanson de toile se fonde sur la brièveté allusive. Nous sommes plongés directement in médias res, et la litote est reine. Même les plus scabreuses chansons n'ont rien de commun avec tels de nos fabliaux qui exploitent le même thème de l'amour physique. C’est ce pouvoir de suggestion discrète qui donne au genre sa tonalité et sa fraîcheur. Le geste (souvent simplement esquissé) joue un rôle prépondérant dans l'expression des sentiments.
Vers le milieu du xiiie siècle, Audefroi le Bâtard renouvelle le genre, mais le dénature. Ce qui était à peine suggéré se trouve, parfois abondamment, explicité : passé des personnages, mouvement des sentiments, trame narrative. Amplification et dilatation : les œuvres s’allongent et perdent le charme et l’intimité des ancêtres anonymes. La rime remplace l’assonance (trait caractéristique du XIIIe siècle, où les chansons de geste connaissent le même genre de « renouvellements »). L'influence courtoise se fait sentir (Bele Yzabiaus) : la destination de l’œuvre devient sans nul doute plus aristocratique.
Nous n’avons conservé d’Audefroi que cinq pièces, mais il est probable qu’il en a écrit davantage.
Les insertions dans des romans de fragments de chansons de toile anonymes attestent le succès du genre
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