THOMAS D'AQUIN : Somme contre les gentils
Publié le 01/05/2014
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De bonne noblesse italienne — il était le fils de Landolphe, comte d'Aquino, près de Naples —, Thomas d'Aquin est né en 1225 dans le château fort familial de Roccasecca. Proclamé docteur de l'Église en 1567, mais canonisé dès 1323 par Jean XXII, le Docteur angélique a été, avant tout, momifié dans le thomisme. Il faut aujourd'hui une certaine imagina¬tion pour le retrouver vivant, derrière les façades de la Contre-Réforme, les stucs, les encens, les thèses ânon¬nées, les génuflexions mentales et les pensées mortes. Imaginer l'homme dictant, les yeux mi-clos, à ses secrétaires, le fil d'un livre lu entier, comme en rêve ; l'homme disputant, enseignant, écrivant, marchant aussi, à travers l'Europe, infatigable et absorbé. Ima¬giner l'enfant présenté comme oblat à l'abbaye du Mont-Cassin (1229), l'étudiant de l'université de Naples (1239-1244), celui qui, en 1244, décide de rejoindre les frères prêcheurs et que sa mère fait enlever et séquestrer par ses frères, celui qui, plus fort que l'interdit parental, s'arrache à son milieu pour rejoindre son ordre et aller achever ses études à Paris. Imaginer la rencontre avec Albert le Grand, dont il devient l'élève favori : l'enseignement reçu à Paris de 1245 à 1248 puis à Cologne de 1248 à 1252. Ima¬giner le bachelier sententiaire (1254-1256), le maître en théologie (1256), le professeur en Italie (1259
«
766 GRADUS PHILOSOPHIQUE
1268, puis 1272-1274) et en France (1268-1272).
Imaginer le malade et le mourant (7 mars 1274).
Et,
au bout du compte, le plus dur : imaginer comment,
en quarante-neuf ans, Thomas a pu rédiger une œuvre
qui, par sa profondeur comme par ses proportions,
domine tout le x111c siècle ; une œuvre gigantesque,
qui
touche à tous les domaines, des commentaires
d'Aristote à la théologie systématique, de l'exégèse
biblique à la prédication.
Faute de l'imagination
nécessaire on se contentera de regarder ici un blason :
le
Contra Genriles, au titre batailleur.
Le Contra Gentiles est une somme, une summa, le
témoin d'un genre littéraire « typiquement médiéval •),
mais avec son originalité propre, une forme, un style
qui le
mettent à part des productions contemporaines,
à commencer par celle qui les désigne toutes par anto
nomase, la Somme de théologie, Summa theologùe,
composée par Thomas entre 1266 et 1272.
Les premières sommes latines sont apparues au
XII" siècle, pièces essentielles dans un mouvement de
refondation et de reformulation des savoirs alors dis
ponibles
tant en théologie qu'en logique.
Si, dans ce
domaine, les sommes de logique ont été avant tout des
manuels redistribuant les matières de l'Organon
d'Aristote selon un nouvel ordre d'analyse et d'expo
sition - l'ordo disciplinœ, au sens de l'ordre propre à
une science -les sommes de théologie sont nées de la
rencontre entre une pédagogie particulière, l'enseigne
ment par (• questions disputées », et la substitution
progressive d'une première systématisation du savoir
théologique, les Sentences de Pierre Lombard, au
donné de ! 'Écriture sainte, la « page biblique •), dans le
rôle
du référent textuel scolaire.
À la fin du XII" siècle,
deux (i formalisations 1> de la mise en crise des inter
prétations théologiques du texte sacré coexistent : les
recueils
de Sententiœ où, sur le modèle vivant d'une
discussion argumentant le pour et le contre, s 'affron
tent les aucton.tates, textes choisis dans les écrits des
Pères, les décisions conciliaires ou, plus rarement, les.
»
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