Thérèse Desqueyroux de François Mauriac
Publié le 18/05/2019
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Thérèse Desqueyroux, roman de François Mauriac (1927). Si l'on veut cerner le personnage énigmatique qui a donné son nom au roman de 1927, on ne doit pas oublier, à côté de l'œuvre centrale, une brève ébauche publiée également en 1927 sous le titre de Conscience, instinct divin, deux courtes nouvelles [Thérèse à l'hôtel, 1933 ; Thérèse chez le docteur, 1933), ainsi que la Fin de la nuit qui, en 1934, doit être considéré comme la suite et la conclusion de Thérèse Desqueyroux.
L'action romanesque du livre de 1927 (très supérieur aux autres tentatives du romancier pour éclairer son personnage) se limite à quelques faits proches du fait divers : une tentative d'empoisonnement d'un homme, Bernard Desqueyroux, par son épouse Thérèse, un non-lieu en justice, la séquestration de Thérèse par Bernard, et pour finir, le départ pour Paris de la jeune femme. À cette action fort simple, une technique habile donne de la complexité par l'utilisation du monologue intérieur : au chapitre n, commence une longue analyse de la situation de Thérèse elle-même qui se livre à un récit rétrospectif coupé de projections dans un avenir imaginé par le personnage et d'interventions du narrateur.
Un des thèmes centraux du livre est *
la solitude de Thérèse, exprimée par des images symboliques suggestives. En contrepoint de cette solitude, la médiocrité du milieu social et familial est mise en valeur en des termes habituels chez Mauriac. Si Thérèse se sent si seule, c'est en partie parce qu'elle se trouve confrontée à un bloc social qu'elle perçoit comme radicalement étranger à sa propre pensée. Face à des médiocres (au premier rang desquels se trouve Bernard, son mari), Thérèse apparaît
«
Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Ce geste obscur...
A Thérèse elle-même, le geste obscur qui l'a conduite devant les tribunaux apparaît mystérieux.
Tandis qu'ayant bénéficié d'un non-lieu elle retourne vers son mari, elle tente de trouver une explication à son acte criminel et de préparer sa défense pour qu'enfin on lacomprenne.
Sur le chemin du retour, Thérèse se souvient : orpheline, élevée par un père radical, ses seules joies furent ses vacancespassées à Argelouse avec son amie Anne de La Trave.
Vint ensuite le mariage avec le demi-frère d'Anne, un propriétaire terrien, unhomme ordinaire.
Et avec le mariage, l'"ineffaçable salissure" de la nuit de noces.
Alors, aux longs pins des Landes vinrent s'ajouter les"barreaux vivants" de la famille Desqueyroux.Anne s'est éprise entre-temps de Jean Azévédo, un fils de famille juive, retiré à Argelouse, semblait-il, en raison d'une phtisie, deux"tares" qui rendaient impensable aux yeux des Desqueyroux toute idée d'union.
Peut-être mue par un obscur sentiment de jalousie,Thérèse accepte d'entraver ce début de liaison et découvre en Jean Azévédo un orateur brillant qui lui ouvre de nouveaux horizons.Aussi, lorsque, malade, Bernard Desqueyroux se trompe dans le dosage de ses médicaments, Thérèse ne fait rien pour l'en prévenir.Petit à petit, elle tente ainsi de le mener jusqu'à la mort.
La séquestrée d'Argelouse
Les ordonnances falsifiées sont découvertes et une instruction est ouverte.
Grâce à l'habileté du père de Thérèse et à la coopérationintéressée de Bernard, elle aboutit à un non-lieu.
De retour chez elle, Thérèse croit enfin trouver chez Bernard un début decompréhension.
Las ! Bernard décide de la séquestrer dans la maison d'Argelouse, jusqu'au jour où.
amaigrie, Thérèse dépérit demanière inquiétante.
Bernard l'envoie alors à Paris où nous la laissons, à la terrasse d'un café.François Mauriac descend jusqu'aux profondeurs les plus obscures de l'âme humaine et évoque à merveille l'univers étriqué et mesquind'une certaine province.
Thérèse Desqueyroux de FRANÇOIS MAURIAC
Les conflits engendrés chez François Mauriac (1885-1970) par une éducation chrétienne et conformiste ont éclaté dans son œuvreromanesque.
Ses études catholiques l'avaient mené du lycée à la Faculté des Lettres, puis à l'Ecole des Chartes.
Ses préférencesallaient à Racine ( 1928) et à Pascal( 1931).
Mais c'est par le roman qu'il libère, de 1923 à 1927, une sensualité refoulée par lesystème éducatif et la religion.
11 peint ces natures tourmentées, dans les demeures landaises de son enfance, oppressées par lesorages d'été, et en marche vers quelque chose, un exil hors d'elles-mêmes, Dieu.
1922, Le Baiser au Lépreux.1935, La Fin de la Nuit.
1923, Génitrix.1936, Les Anges noirs.
1925, Le Désert de l'Amour.1941, La Pharisienne.1927, Thérèse Desqueyroux.1951.
Le Sagouin.1932, Le Nœud de Vipères.1956, L'Agneau.1933, Le Mystère Frontenac
Au cours du voyage qui la ramène chez elle, à Argelouse, dans la forêt landaise, Thérèse, qui vient d'être jugée pour avoir tentéd'empoisonner son mari, effectue une lente remontée en elle-même : elle cherche moins les raisons de l'acte qu'elle a commis que lajustification de sa vie propre.
Tandis que son père ne s'inquiète que des répercussions du procès de sa fille sur sa propre carrière,tandis que son mari, Bernard, qui appartient «à la race aveugle, à la race implacable des simples » (p.
38), et sa tante Clara, fermentles yeux à condition que les apparences soient sauves, Thérèse se sent de plus en plus étrangère : « Être sans famille2 ! Ne laisserqu'à son cœur le soin de choisir les siens - non selon le sang, mais selon l'esprit, et selon la chair aussi...
» (p.
150).
Comment a-t-elleété conduite à augmenter les doses d'arsenic prescrites par le médecin à son mari ? Même quand elle tentera, à la fin du roman, del'expliquer à Bernard, il ricanera, sceptique : c'est ainsi qu'on lui a toujours refusé le droit à sa vérité.Sans doute a-t-elle envié à son amie d'enfance, Anne de la Trave, l'amour d'un être d'exception, Jean Azevedo.
Et que dire de ces étésdu Sud-Ouest, au cours desquels elle éprouvait une aspiration vers la pureté, et auxquels succédait la sourde oppression de la maisonlandaise où régnait un époux trop bon, trop médiocre, trop égoïste ? Et la voici en face de lui; au non-lieu de la justice, il répond par leverdict de la société : Thérèse sera recluse dans sa chambre.
C'est au cours de cette séquestration qu'elle effectue le derniercheminement en elle-même : « Comme si ce n'eût pas été assez des pins innombrables, la pluie ininterrompue multipliait autour de lasombre maison ses millions de barreaux mouvants » (p.
104).
A l'étouffement d'une vie confortable, mais hypocrite, elle préférera larévolte et l'évasion : vagabonde dans les rues de Paris, elle est enfin sortie des autres et d'elle-même.
• La technique du roman : elle est tout à fait remarquable.
Ce n'est qu'au chapitre IX (p.
119) que Thérèse rejoint son destin.
Au coursdes étapes du voyage, elle s'évade à rebours dans une sorte d'introspection freudienne.
Mauriac ménage l'intérêt policier en retardantle moment de la révélation.
• Symbole conflictuel du Bien et du Mal : le personnage de Thérèse Desqueyroux a obsédé Mauriac au point qu'elle reparaîtra dansplusieurs ouvrages, notamment dans la Fin de la nuit où elle se sacrifie pour sa fille Marie et se rachète.
Thérèse est aussi une femmequi s'émancipe.
Peut-être, comme Emma Bovary, a-t-elle été trop romanesque ?
Cinéma : Georges Franju, Thérèse Desqueyroux (1962)..
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