THÉÂTRE ET SON DOUBLE (le). Recueil de textes d'Antonin Artaud (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
Publié le 07/11/2018
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THÉÂTRE ET SON DOUBLE (le). Recueil de textes d'Antonin Artaud
(1896-1948), publié à Paris chez Gallimard en 1938.
Cet ouvrage rassemble les réflexions qu'Artaud a consacrées au théâtre depuis 1932 : essais précédemment publiés dans la Nouvelle Revue française, conférences en Sorbonne, manifestes, lettres adressées, pour la plupart, à jean Paulhan, etc.
Une Préface, vraisemblablement postérieure aux autres textes du recueil, met en exergue la pierre angulaire de la pensée d'Artaud, la dénon ciation d'une imposture : faite de mots, de concepts, la culture occidentale n'a plus aucune prise sur la vie. C'est bien pourquoi Artaud condamne violemment l'idéologie du chef d'œuvre et les pratiques culturelles élitistes et dévotes qui s'y rattachent (« En finir avec les chefs d'œuvre ») .
La seule « culture » qui vaille doit être un champ d'énergie, une « vraie magie », c'est à dire une « poésie » (Artaud n'a pas été pour rien, un moment, sunréaliste). Elle doit pouvoir transfor mer, transmuer la vie. Et. aux yeux d'Artaud, le théâtre, s'il s'anrache à l'esthétisme, au réalisme et au logocentrisme de la tradition européenne, pounra devenir ce noyau incandescent. .. La condi tion de sa métamorphose, c'est qu'il cesse d'être « représentation » pour devenir « événement ». d'être « mimésis » pour devenir « création ». D'où cette notion de « double » quelque peu énigmatique : « Toute vraie effigie a son ombre qui la double ; et l'art tombe à partir du moment où le sculpteur qui la modèle croit libérer une sorte d'ombre dont l'existence déchirera son repos » (« le Théâtre et la Culture »).
Pour caractériser ce théâtre essentiel, Artaud utilise des « modèles », ou, si l'on veut, raisonne par analogie. Le théâtre doit être « comme » la peste, «un mal qui creuse l'organisme et la vie jusqu'au déchirement et jusqu'au spasme ». Un fe rment de dislocation et de danger qui, anra-chant le moi à son confort, le projette au bord du gouffre, du Chaos (« le Théâtre et la Peste »). Ou bien : le théâtre doit être « comme » ce tableau de Lucas de Leyde, Loth et ses ft/les, à partir duquel Artaud rêve à une mise en scène selon son cœur, avec de fulgurants effets d'éclai rage et des fo ules en proie à un « désastre total » (« la Mise en scène et la Métaphysique »). Ou encore : le théâtre doit être « comme » l'alchi mie, non pas simulacre, mais création par trans
«
mutation
( « le Théâtre alchi mique » ).
Le théâ tre
bali nais, qu'il a pu découvrir à Paris en 1931 à
l'E xposition coloniale, est finalem ent le seul
exem ple de théâ tre constitué dont il fasse un
« modèle ».
Il y voit, peut être à tort, un cérémo
nial entièremen t déba rrassé de la psycholo gie et
du mimé tisme à l'occidentale («Sur le Théâ tre
balinais »).L'un des le itmotive d'Artaud est d'ail
leurs la condamna tion de l'europé ocentrisme et
la réf érence nostalgique à un modèle mythique,
le théâ tre oriental ramené à une entité unique.
Ce théâ tre, tel qu'Artaud le rêve, a conservé la
mémoir e de ses origines.
Il n'a jamais oublié qu'il
devait parler un langage spécifique, à la fois pla sti
que et phy sique, qui se déploie dans l'espace et
le temps, ou qu'il avait à vo ir avec le sacré, qu'il
devait être rituel et exclure toute approximati on,
toute improvisati on, toute initia tive individuelle
pour s'épanouir en chorégrap hies d'« une adora
ble et mathémati que minu tie ».
Artaud, notons
le, retrouve ici certaines idées de l'Anglais Craig,
dont il a pu avo ir connais sance ( « Théâ tre orien
tal et Théâ tre occiden tal » ).
Avec «le Théâ tre et la Cruau té», s'affirme
une notion cardinale à laquelle les textes précé
den ts faisaien t allu sion.
La cruauté ordonne les
gr ands thèmes de la théâtro logie artaudienne :
recherche d'un boule versement du moi, assimi la
tion du théâtre à un exorcisme qui ferait « affl uer
nos démons ».
organisa tion de la transe du spe c
tate ur à des fins thérapeutiques ...
Pour la pre
mièr e fois, Artaud pose le problème du publi c.
La cru auté implique un théâ tre de masse.
Seule
une foule peut lui servi r de caisse de résonance
et donc démultiplier son efficience.
Pour la pre
mière fois aussi, il envisage les moyens à mettre
en œuvr e pour réaliser ce nouveau théâtre.
Cette volonté d'explici tation technique se
déploie dans « le Théâ tre de la cruauté (Prem ier
Manif este) ».
Le langage spécifique du théâ tre
doi t être physi que.
Cela veut dire qu'il doi t
exp loiter les potenti alités du corps, gestuelle,
mi miq ue, mais aussi celles de la vocalisation (cri,
onoma topée, incantation, etc.) .
Les ressour ces
de la lumi ère, arrachée au mimé tisme, doivent
contr ibuer à l'ébranle ment organ ique, hallucina
toire d'un spectateur parti cipant.
Artaud prône
égal emen t le reco urs au bruitage, à des musiques
« inou ïes».
l'utili sation d'objets« neuf s et surpr e
nan ts ».
de mannequins gigantesq ues ...
Surt out.
l'es pace du cérémonial est repensé.
Fin du face
à face traditionnel : le spectateur sera enveloppé,
trave rsé, par des actions qui éclateront sur tous
les plans et en tous les points de l'espace.
La
cruauté , précise Artaud comme pour répondre à
des critiques, ne se limi te nul lem ent au spectacle
sanglant même si elle ne l'exc lut pas.
Les visions
sa diq ues ne sont pas la fin de ce théâtre.
Tout
au plus un mo yen parmi d'autres qui contri buent
à une finalité spir ituelle : fo nder une pratique
d'où le spec tateur ne sorte pas intimemen t
indemne («Lettres sur la cruauté »).
Avec « le Théâ tre de la cruauté (Second Mani
fest e)», Artaud s'efforce de déjouer d'autres
objections : ce théâ tre n'est il pas une impossi ble
uto pie 1 Après avoir repris la plu part des thèmes
qu'il avait précédem ment dé veloppés, Artaud en
vi ent à évoq uer ce que devrait être le spectacle
inaugur al du théâ tre de la cru auté, « la Conq uête
du Mexi que ».
S'y com bineron t comme ill' a tou
jour s rêvé, l'Histoire et la mé taphy sique.
Les évé
nemen ts qui en cons tituent la trame tournen t
aut our de la question de la colonis ation, de
l'affr ontem ent de de ux civil isations étrangèr es
l'une à l'autre mais, plus largemen t, de deux reli
gions, de deux conceptions du monde.
Enfin, « Un athlétisme affectif» est centré sur
l'acteur selon Artaud.
Non plus le vai n décl ama
teur de la tradition européenne, mais une sorte
de chaman qui s'engage de tout son être, à la
lettre corps et âme.
Le souffle devient la base de
sa technique.
À dire vrai, les nom breuses allu
sions à la kab bale, à l'É gy pte ancienne, au ying et
au yang, renden t ce texte superlbe à peu près
ine xploi table du poin t de vue de la prati que théâ
tr ale.
Mais on perçoit fortement la double
pos tula tion de la théâtr ologie artau dienne .
La
tech niqu e de l'acteur doit dev enir une « ma thé
mati que » et rien ne doit être laissé au hasard ni
à l'ins pira tion individuelle.
D'autre part elle doit
viser à l'effi cacité.
L'acteur digne de ce nom doit
être capable de «jeter le spectateur dans des
transes magiques ».
Le théâ tre ne doit plus être
un spectacle mais un événemen t.
Et peut être
un avènement.
À sa parution, le Théâtre et son double
n'eut guère de retentissement.
Le théâ
tre français, même dans ses manifesta
tions les plus modernes, restait soumis
au logoc entrisme, au réalisme et à
l' esthét isme.
Et il ignorait totalement
les pratiques des théâtres non euro
péens.
En outre, l'échec d'Artaud à réa
liser son utopie -les Cenci, en 1935,
n'a vaient été perçus que comme une.
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