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TAILLEMONT Claude de (vie et oeuvre)

Publié le 15/10/2018

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TAILLEMONT Claude de (vers 15057-après 1558). L’un des plus étonnants poètes de la Renaissance lyonnaise, Claude de Taillemont, auteur de deux œuvres rares et secrètes, Discours des Champs Faez et la Tricarite, n’a jusqu’ici guère tiré avantage de la vogue de Maurice Scève, dont il fut l’ami et le disciple le plus original, voire le plus extravagant. Malgré la réelle douceur, et la densité mallarméenne de ses vers, malgré les trouvailles narratives et les débats passionnés de sa prose, il est le premier responsable

« ment main tenu : ayant eu la malencontreuse idée de me ner tro p loin le goO. t de so n é poqu e po ur les réformes de l'orthographe, il a publié sa Tricarite (« Tricharites », c'est-à-dire «les tro is g r âces en un e seule personne ») dans une orth ographe si affam ée d'exacti tude et de nuan­ ces, si in timement mêlée à ses propres ex périence s ita­ lie nne s et lyonnaises , que celle-ci en est devenue litt éra­ lement illisible; J'œil et l'oreille refusent le travail auquel il s so nt conjoin teme nt so u mis, pu isque aussi bien on ne lit plus la poésie à voix haute , comme le vo ulai e nt ces p oèt es-m usiciens.

Si l'on publiait La Tricarite dans l'orthographe co nvent ionnelle, ses autres mérites éclate­ rai ent immédiatement.

La vie de Taillemont est mal co nnue , son appa rte­ nance à u ne riche fami lle de no ta bles lyonnais ne suffit pa s à le situer avec précision; est-il, comme on le croyait autrefois, le con temporain de Scève (né ve rs 1501 )? ou b ien est-il né vers 1520 ? li séjo urn e long t em p s en Itali e, trouve ses affaires mal en poin t à son rewur à Lyon, vers 154 7.

On consi dère géné ra lement, su r d es témoignages un peu tardifs , q u'il a co llabo ré avec Maurice Sc ève, alors en plein succès, aux fêtes d'entrée de Henri II à Lyon, en 1548 : il aurait d onc été déjà célèbre dans une ville qui ne manquait pas de bons auteurs.

On constate aussi sa par ticipat ion aux Œuvr es d e Louise Labé pa r d eux son n e ts signés, selo n sa bell e devis e, « Devoir de voir », et Ja mention de son nom dans un acte notarié de 1558; on sait enfin qu e ses œuvres fur ent l'une et l'autre dédiées à J eanne d'Albr et : Taillemont, comme tant de Lyo nnai s, d evait-il quelque chose à Mar guerite de Nav arre? Celle- ci est, en tout ca s, louée dans un chant de la Tricarite.

Au demeuran t, route l 'œuv re est à l'ho n­ neur des darnes, de Margu e ri te de B ou rg tout particul iè­ rement , et de Clémence Viole , d ont il est le fer vent servi­ teur.

D es poètes, H ne loue que Scève, « le père de nos vers», mais il paraît avoir été lié au cerc le des Bugnyon , Tyard e t Des Autels.

TI est probab le qu' il n'ignore pas J ode ll e.

Rien, en tout cas, qui perm ette d'établir le mo in­ dre échange avec la Pléiad e na issante; et s i qu elq u'un , ho rs de Ly on, présence quelque similitude ave c lui, c'est peut -être l'indépen dant M aclou de La Haye.

Le Di scou rs des Champs Fae z.

à l' honneur et exalta ­ tion de l'Am our et des dames, écrit sans doute en 15 50 , e t publié en 1553, eut au moins trois rééd itio ns (157 1 à Par is, 1576 à Lyon, 1585 à.

P aris de nouvea u ), et des co nteu rs comme J acques Yv e r ont bien connu l'œuvre.

Elle off rait en effet de rares récits, assez origin aux, no n tant par la trame (des amours tragiq u es ou cont rariées), ou le lieu (l'Égy pte, contée par un che valier de Malt e; un royaume de Perse lége nd aire) que par une atmo sphère sen timentale excess ive, qu i privilé gie la d escription d' un beau co rps souffrant o u de visages « négligemm ent om bra gés » et ru isselants de larm es, do nt l. es moindre s mouvements sont notés.

Ma is les Ch amps Faez sont av ant tout un «discours », organisé à la maniè re du grand dialogue i talien sur les questions d 'amour, illustré a lo rs, aux yeux d es Lyonnais, par Leo ne Ebreo, que vien n ent de traduire T yard et Sauvage, et par Bem bo : c'est à ce dernier q ue Char les Fon taine co mpare , très justement, Ta iJiemo nt dans son poème li minai re.

Comme Bembo, Taillemont fait se rencon trer trois hommes, Phi ­ lastes (alias l'auteur lui-mêm e), Thim oe, et Thé lème (co mm e l'a bbaye du même nom ), et trois femmes : Eumathe, la be ll e reine de cette petite socié té, savante -comme son nom l'indique- en math ématiques, mais aussi en astrono mie et en musiqu e; près d'ell e, deux jeune s parentes, Carite et Cyprine , aussi gaies que les jeune s femmes de Bembo.

On parl e« d'expé rience », car faire « le réc it des pass ion s »,co mme le dit Philastes, est deve nu l'objet de l'éc riture , centrée sur u ne aven tur e intérie ure si acca parante qu e changer de femme aimée n'est pas change r d' amour : pour l'aman t qu'on dira it volage, « la pen sée n'est-elle pas toujours en son cer ­ veau?» Et puis, l 'amour n'est pas le désir, m êm e si le désir procède d'amour.

Par aille urs, dans une ligne p lus f r ançaise, Taillemont prend conc rète ment la dé fense des femmes, dénonçant le s couven t s, véri tables pri sons où les fami ll es enf erment leurs filles par souci d'éc o n om ie; dénonçant auss i le mariag e, instit ution souven t inju ste.

Le s récits et poèmes que contie nn e nt les Champs Fa ez cro isent tous ces débats po ur l es illu str er.

M ais là ne sont pas l es seuls int érê ts de l'œuvre; «c hamp s fées », ils Je sont par la bea u té des, lieux d écrits , un chât eau et ses alen tours : chambres et salons, v e r ge rs et labyr inth e, étangs et b ois, où se déroulent le s déb ats, mêlés de dans es et de banq uets, de pêche et d e chasse; la « musique sauvage» d u ross igno l rejoin t celle des instruments , ou celle d es jets d'eau gue la fontaine symboli que d isperse au vent sur l 'archit ecture raffiné e des jardins.

Ici, le débat ne dirige plus le décor: celui-ci, au contraire, envahit tout, prolifère en mille détails sen­ suels qu' une prose poét ique donne à savo urer avec dél ec­ tatio n, comme le fera plu s tar d l a Berge rie de Belleau.

Certes, Taill emont ne bouqe aucune des formes du plai­ sir, mot que sa p l um e aime à rep re nd re.

Le mê me « Devoir de voir » va se satisf aire da ns les étra nges poèmes de la Tr icarite, Hombr e de plus rare beauté (1556 ); il est lié au même goO t des recherches musica les : Taill em on t n'écr it pas de so nn ets; il inve nte un p oème de douze vers, et presque toujours de dou ze pieds, comme Scè ve écrivail des dizains en décasyllabes, av ec l a même rech erc h e du carré.

Comme chez Scève aussi , le système (trè s varié, et italien) des rimes est fo nd é sur une symétrie à parrir du cen tre, créant ainsi un effet de miroir.

Enfin, le poème est go uve rné par le n omb re trois de l'inspiratri ce tric éph ale : à un premier groupe de po èmes pétra rqui sant s succè de une étincelante série de véritables «blasons» du corps féminin, aux­ qu els succè de l'él an très platon isa nt et myst ique ver s les perfections célestes, où il rejoindr a les chantre s de Cassandre, d'Olive et de Pas ith ée ; Ronsard, du Bellay et T yard.

Cette é dif ication exa cte c t p ure ment architectu­ ral e s'inscri t dans des vers minuti eux, dépourvus d'affec­ tivité apparent e ou d'humour , d'une densité constante; l à règne nt l e minéral, l'éclat, les cont ac ts s avan ts .

Ainsi de l 'œil : Sous le voile nerveux de peau mince étendue ...

Amis, je vis d'amour le Cie l à découv ert : Dedans un cerne ou rond de jas pe gris, et vert, Errant, et pullulant en b luettes ardentes, Par le vague serei n des nacres évidentes ...

o u, co mme il l'éc rit: Par le vagoe serein des nâcrés evi dantés .. »

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