SUPPLÉMENT AU VOYAGE DE BOUGAINVILLE (résumé & analyse)
Publié le 07/11/2018
Extrait du document
SUPPLÉMENT AU VOYAGE DE BOUGAINVILLE. Dialogue philosophique de Denis Diderot (1713-1784), dont le titre complet est: Supplément au Voyage de Bougainville, ou Dialogue entre A et B sur l'inconvénient d'attacher des idées morales à certaines actions physiques qui n'en comportent pas, publié par l'abbé Bourlet de Vauxcelles dans Opuscules philosophiques et littéraires à Paris chez Chevet en 1796. Le « discours de Polly Baker >> (III) apparaît pour la première
fois dans l'édition de Gilbert Chinard, donnée à Genève chez Droz en 1935 d'après le manuscrit de Leningrad.
1. «jugement du Voyage de Bougainville ». Par un temps de brouillard, B rapporte avec enthousiasme à A les singularités du récit du navigateur et vante la vie naturelle des sauvages, qu'illustre Aotourou, Tahitien amené en France. Un pré tendu Supplément au Voyage sera le garant de ses dires. Il. « Les Adieux du vieillard ». Le Supplé ment s'ouvre sur le discours adressé à Bougainville avant son départ par un vieux Tahitien, qui dénonce violemment les maux apportés dans lïle par les Européens. Ill. « L'Entretien de l'aumônier et d'Orou ». Le Supplément dit ensuite comment le Tahitien Orou réussit à convaincre l'aumônier de l'équipage de passer la nuit avec sa fille et le questionna, le lendemain, sur ce Dieu dont les interdictions sexuelles sont contraires à la nature. Suit un discours, rapporté par B, de Polly Baker, mère célibataire condamnée pour libertinage. IV.« Suite de l'entretien de l'aumônier avec l'habitant de Tahiti ». À Tahiti où la maternité est reine, poursuit Orou, seules sont jugées libertines les fe mmes stériles qui ont commerce avec des hommes. C'est l'intérêt et non le devoir qui garantit l'ordre public. Convaincu ou poli, l'aumô nier honore successivement les autres filles et la femme de son hôte. V. « Suite du dialogue entre A et B ». Face à A sceptique, B conclut que la loi de nature supplée aisément aux codes religieux et civil, qui ont dénaturé l'union des sexes. Mais il vaut mieux se conformer aux lois de son pays plutôt que d'être sage parmi les fous. Retour symbolique du beau temps.
Inspirée par le Voyage autour du monde (1771) de Louis Antoine de Bougainville, l'œuvre de Diderot participe du « mirage océanien » qui fit voir en Tahiti la nouvelle Cythère. Mais elle n'a rien d'un divertissement exotique ou grivois ; l'utopie tahitienne permet à l'auteur, comme l'indique le sous-titre, de mettre en cause le lien qu'établissent nos sociétés chrétiennes entre relations sexuelles et moralité. À ce titre, le Supplément ne se conçoit pas sans Ceci n'est pas un conte et Madame de La Carlière, écrits à la même époque, et qui, portant sur la morale sexuelle,
«
/
forment avec lui un triptyque.
Les
amours désastreuses autant que poli
cées des personnages de ces contes,
cités à la fin du Supplément, servent de
prélude à l'é vocation de la sexualité
libre et heureuse des sauvages tahi
tiens, qui illustre la conciliation possi
ble entre l'amour et les mœurs .
La
réflexion morale débouche ainsi, dans
cette œuvre que l'on a parfois considé
rée comme l'expression de la pensée
ultime de Diderot, sur une théorie poli
tique, fondée sur l'accord entre les lois
et la nature .
Les mauvaises mœurs ne
sont pour Diderot que l'effet d'une
mauvaise législa tion : en bridant les
appétits naturels, les codes religieux et
civil ont, dans l'Europe vieillissante,
corrompu les mœurs.
La jeune société
tahitienne, elle, a atteint ce point
d' équili bre qui la situe à mi-chemin
entre les rigueurs du primitivisme et la
dégénérescence qui guette toute civili
sat ion.
On aurait tort, pourtant, de voir
avec Vauxcelles dans le Sup plément une
« sans-c ulotterie » ; la « conclusion »
du texte n'a rien de révo lutionnaire,
qui édicte : « Nous parlerons contre les
lois insensées jusq u'à ce qu'on les
réforme, et en attendant nous nous y
soumettro ns.
»
Il paraît difficile, en effet, au nom
d'une illusoire cohérence de la pensée
diderotienne, d'interpréter l'œuvre
polyphonique qu'est le Sup plément à la
lumière de la seule diatribe anticolo
nialiste du vieillard ou même de la
sévère critique faite par Orou de la
morale chrétienne.
Il ne faut pas
oublier qu'en 1772, au moment de la
rédaction du Supplément , le philosophe
mariait sa fille le plus bourgeoisement
du monde .
Rêverie à la manière de
Diderot (nous savons combien était
codifiée et hiér archisée cette société
tahitienn e), le Sup plément énonce seu
lement l'hypothèse d'une autre organi
sation sociale, dont le philosophe tire
ailleurs, dans l'Histoire des deux Indes (177
0), écrite en collaboration avec
l' abbé Raynal, des conséq uences plus
radica les.
Ce que Diderot a en tête ici,
à la veille de son départ pour Saint
Pétersbourg, c'est un proje t de réforme
applicable dans la toute jeune Russie,
dont il fera état dans ses Mémoires pour
C atherine II, rédigés en 1773.
On a pu qualifier de «baroque » l'art
de Diderot et déceler dans l'arrange
ment, voire le contenu du Supplément ,
des contradictions.
L'auteur semble, il
est vrai, défier toute logique en plaçant
le discours d'adieu avant l'arrivée de
l'équipage, en confondant dans le titre
« supplément » et « dialog ue » qui
alternent dans l'œuvre, en prêtant tour
à tour à ses apparents porte-parole (B ?
le vieillard ? Orou ?) des discours diver
gen ts.
Mais ne faut-il pas plutôt voir
dans cette structure éclatée le signe
d'une pensée en mouvement, favorisée
par les vertus du dialogue et de la sup
plém entarité ? Les cinq sections du
Sup plément , qui s'articulent fermement
autour d'une lecture de Boug ainville,
abordent les mêmes thèmes (liberté,
propriété, comportement matrimo
nia l...), mais les orchestrent différem
ment.
Si la conversation initiale exalte
à travers Bougainville les Lumières, le
discours du vieillard lui oppose la cor
ruption européenne, qui appelle un
remède, proposé par Orou dans l'entre
tien avec l'aumônier : la conversion
aux lois de la nature.
À la fin du dialo
gue entre A et B, le directeur de l'* Ency
clopédie, disant son dernier mot, réaf
firme sa foi dans le progrès, qu'il avait
mise entre parent hèses pour « aban
donne [r] [son] esprit à tout son liberti
nage >> (début du *Neveu de Rameau) .
En
cela il se disting ue du Roussea u des
deux Discours (voir *Discours sur l'ori
gine et les fondements de l'iné galité), dont
la critique morale est sous-tendue par
une volonté de réforme politique.
Le thème central du Supplément n'est
pas neuf.
Depuis Montaigne, les « phi-.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- SUPPLÉMENT AU VOYAGE DE BOUGAINVILLE, Denis Diderot (résumé & analyse)
- SUPPLÉMENT AU VOYAGE DE BOUGAINVILLE (Résumé et analyse)
- Analyse Supplément au voyage de bougainville
- analyse du livre supplément au voyage de Bougainville de Denis Diderot
- Supplément au voyage de Bougainville Analyse linéaire L1 à 6 : comportement du vieillard au départ et à l’arrivée des Europpéens.