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SUEUR DE SANG. Recueil poétique de Pierre-Jean Jouve (résumé & analyse)

Publié le 08/11/2018

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SUEUR DE SANG. Recueil poétique de Pierre-Jean Jouve (1887-1976), publié à Paris aux Éditions des Cahiers libres en 1933.

 

L'édition de 1928 du recueil poétique les Noces se termine par une Postface, où l'auteur déclare « manquée » toute l'œuvre écrite avant 1925. L'Avant-propos de Sueur de sang révèle les causes de ce rejet : une « conversion » religieuse due à la lecture de textes mystiques, et la découverte de la métapsychologie freudienne, qui pénétrait en France dans les années vingt. Initié par la psychanalyste Blanche Reverchon, sa seconde femme, Jouve est alors l'un des écrivains les mieux informés sur le freudisme. Il semble avoir collaboré à la traduction de Trois Essais sur la théorie de la sexualité, publiée en 1923 par Blanche Rever-chon chez Gallimard. Le roman Vagadu (1931) est conçu comme la psychanalyse de son héroïne, et la poésie de Sueur de sang est imprégnée d'apports freudiens, surtout de nature onirique.

 

Avant propos : « Inconscient, spiritualité et catastrophe ». La civilisation moderne a été bou leversée par la découverte de l'inconscient Conçu comme des « milliers de mondes à l'inté rieur du monde de l'homme », l'inconscient est gouverné par les deux impulsions capitales « de l'éros et de la mort », dont l'« intrication initiale » est cause de la « culpabilité », qui menace sans cesse de faire écrouler le « château de cartes » de la personne. Mais l'inconscient est aussi la « matrice de notre intelligence ». Et. dès qu'on ose les révéler, les puissances redoutables de ce fond toujours caché peuvent contribuer à l'émancipation de l'homme, apporter enfin une « Raison de fabrication meilleure ». Cette trans mutation est l'œuvre de la poésie « moderne », qui a reconnu dans l'inconscient, ou dans la « pensée autant que possible influencée de l'inconscient, l'ancienne et la nouvelle source ».

 

« Commence par le plus bas 1 S'épaississant sur les mots obscènes et froids » : telle est la devise des poèmes, distribués en trois chapitres : « Sueur de sang », « l'Aile du désespoir», «Val étrange ». Pour la plupart assez courts, ils s'appli quent à évoquer, dans un jeu effréné de méta phores, les parties érotiques du corps féminin. Prostituée, Ariane ou Pandore, la femme invite à un « voyage » à la fin duquel le « je », spectateur, voyeur ou amant, retrouve, dans l'extase d'une « mort exquise », « les poussées du paradis et les premières musiques ». Mais cette rencontre peut se réaliser aussi comme « carnage » où domine l'irrésistible désir de tuer ou de mourir. Car la fe mme, objet de la libido et. par là, pro messe de « chaleur» et « d'amours claires », est aussi blessure. « Bouche d'ombre », «sa lèvre formée pour manger jusqu'à Dieu » témoigne d'un accident immémorial dans lequel la pulsion de l'éros a été séparée de la vie par la « mort qui punit et étrangle ». Et dès lors la femme, en « pécheresse et absolue de ma misère », ne peut procurer qu'un plaisir malheureux, dominé par l'angoisse et le sentiment de la faute. Voilà pour

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« quoi l'amour doit être réinventé : non par une él éva tion due à l'ascèse, mais par« l'abî me », par l' accep tation et la recherche même des tares don t ce « noble mal » est marqué et qui sont manif estes dans les blessur es du Christ crucifié.

S'ébauche donc l'idée d'une transm utation qui, « par la mort ».

userait la «c hair de la mort » et tra nsmuer ait la « vie dans la vie ».

Si le modèle de cette métam orphose est le Christ, son analo gue terrestre est le cerf, qui, par allusion au psaume 42 (« Sicut cervus »), n'est d'abord que l'in carnation de la soif ou de la libido : « Le cerf naît de l'humus le plus bas 1 De soi, du plaisir de tuer le père 1 Et du larcin érotique avec la sœur , 1 Des lauriers et des fécales amours.

» Mais il est aussi l'être blessé, qui, mû par un zèle étrange, va au d evant de la blessure et s'achem ine vers une « sour iante issue 1 Des immondes matières de la vie ».

Ainsi se dessi ne l'itinéraire figuré dans le lon g poème "les Masque s" : grâce à la vol onté d' acce ptation et de dépa ssement la donn ée pri mi tive de la pulsion mortelle pourra s'ép uiser, et l'amour , dev enu « création humaine », se trans figurer en zèle d'absolu : « La nuit longt emps dévo uée à la nuit 1 Tout à coup se poursui t dans l'ombr e et devient l'azur.» jo uve n'est pas le seul pour qui l'i ncons cient soit devenu la source même de notre vie spirit uelle.

Avant lui, les surréalistes avaient tenté d' exploiter les richesses de ces «pro­ fondeurs de l'es prit ».

Mais, tandis que leurs expériences (sommeil hypnoti­ que, récits de rêves, écriture automati­ que) visaient à l'a bolition de ce que Freud appelle la censure, celle-ci n'est pas remise en question par jouve.

À la dictée de l'incon scient, il oppose un emploi conscient de symb oles et d'ima ges associatives tels que les conna ît ce langage de l'inconscient qu'est le rêve .

De plus, les pulsions inconsc ientes demeurent taboues ; elles sont pour lui, comme pour Freud, essen tiellement le domaine du mal.

Si donc, dans ses poèmes, ]ouve puise à l'« ancienne et la nouvelle source » pour nommer «ce que n'osaient pas nommer encore les pères >>, cet acte est touj ours conçu et vécu comme la transgression d'un interdit.

Et, tout en demeurant soumis au contrôle de la conscienc e, l'inconscient doit être subli mé.

Pour Freud, la sublimation opère le déplacement d'une énergie instinc­ tuelle vers un but élevé et surtout soc ialement accepté.

Pour jouve, elle devient la tâche par excellence du poète.

Se référant à ceux qui, avant lui, ont travaillé à« affranchir la poésie du rationnel >> (Ba udelaire, Lautréamont, Rimbaud, Mallarmé), il conçoit, dans l'Avant-propos, une poétique de la su­ blimation tendant à « produire cette "s ueur de sang" qu'est l'élévation à des substances si profondes, ou si élevées, qui dérivent de la pauvre, de la belle puissance érotique humaine ».

Or le terme de « sueur de sang » nous reporte également au domaine reli­ gieux puisqu'il fait allusion à la nuit de Gethsémani, où la sueur du Christ « devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre » (Luc, 22, 24) .

C'est en effet par l'étude des actes et écrits des mysti ques que jouve a conçu son idée de la sublim ation : « Ainsi il y aurait des natures pour les­ quelles l'inconsc ient [ ...

] a des pouvoirs secrets ; qui seraient capables de le conn aître à travers certaines discipli­ nes, de lui donner et de recevoir de lui, -mouvements que l'on ne saurait appeler autrement que spirituels.

>> Sublimer la puissance érotique selon l' exemple des mystiques et la transfi­ gurer en acte d'amour pareil à celui du Christ crucifié, tel est le prog ramme que l'auteur s'est proposé pour Sueur de sang et qu'il poursu ivra dans ses œuvres ultérieures : « Et l'amour à réin­ venter, la chair à refaire 1 Et le saint esprit sont en quest ion.

» Cette transfiguration se réalise dans ce que Jouve appelle le symb ole, et avant tout dans celui du cerf.

Hantant les mythes et légendes du monde entier, et devenu, dans l'optique chré-. »

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