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STENDHAL: Le Rouge et le Noir (Fiche de lecture)

Publié le 22/11/2010

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stendhal

Julien observa que la conversation était ordinairement maintenue vivante par deux vicomtes et cinq barons que M. de la Mole avait connus dans l'émigration. Ces messieurs jouissaient de six à huit mille livres de rente [...]. L'un d'eux avait tous les jours à raconter quelque anecdote du château où le mot "admirable" n'était pas épargné. Julien remarqua qu'il avait cinq croix, les autres n'en avaient en général que trois. [...]. Du reste il ne comprenait presque pas que l'on pût écouter sérieusement la conversation ordinaire de ce salon, si magnifiquement doré. Quelquefois, il regardait les interlocuteurs, pour voir si eux-mêmes ne se moquaient pas de ce qu'ils disaient [...]. Julien n'était pas le seul à s'apercevoir de l'asphyxie morale. Les uns se consolaient en prenant force glaces ; les autres par le plaisir de dire tout le reste de la soirée : je sors de l'hôtel de la Mole, où j'ai su que la Russie, etc.

stendhal

« 1.

«CHRONIQUE DE 1830» Tel est le sous-titre du roman (une chronique est un recueil de faits historiques), car c'est un fait diversauthentique qui suggéra à Stendhal l'intrigue du Rouge et le Noir.

Fidèle à l'épigraphe qu'il a choisie pour son roman, un mot de Danton, «la vérité, l'âpre vérité», l'écrivain ne veut s'inspirer que de la réalité.

Tout le drame de JulienSorel est solidaire en effet de la réalité politique et sociale de l'époque.

En filigrane de son ascension et de sa chute,on peut lire l'histoire de la Restauration, dominée par le parti «ultra», celui des royalistes souhaitant lerétablissement de l'Ancien Régime.

M.

de La Mole en est le représentant dans le roman.

Autour de lui gravitent lesprêtres de la Congrégation, une association religieuse dont le pouvoir était alors devenu immense.

Stendhal évoque,dans la seconde partie du livre, les intrigues des «ultras» qui désirent l'intervention d'une puissance étrangère pourrétablir l'ordre ancien en France.

Le marquis se sert de Julien pour communiquer avec ses alliés.

C'est cettecomplicité forcée qui rendra l'aristocrate intransigeant moins hostile à l'union de sa fille et de son secrétaire. Stendhal livre dans Le Rouge et le Noir un tableau sans complaisance de la vie politique de son époque.

Il fait preuve d'un sens de l'observation rare dans la littérature du 'axe siècle.

Il sait percer à jour les ridicules de ceux quidétiennent le pouvoir, et en montrer la coupable faiblesse.

Julien Sorel est le témoin de cette comédie : «Julien observa que la conversation était ordinairement maintenue vivante par deux vicomtes et cinq baronsque M.

de la Mole avait connus dans l'émigration.

Ces messieurs jouissaient de six à huit mille livres de rente[...].

L'un d'eux avait tous les jours à raconter quelque anecdote du château où le mot "admirable" n'était pasépargné.

Julien remarqua qu'il avait cinq croix, les autres n'en avaient en général que trois.

[...].

Du reste il necomprenait presque pas que l'on pût écouter sérieusement la conversation ordinaire de ce salon, simagnifiquement doré.

Quelquefois, il regardait les interlocuteurs, pour voir si eux-mêmes ne se moquaient pasde ce qu'ils disaient [...].

Julien n'était pas le seul à s'apercevoir de l'asphyxie morale.

Les uns se consolaienten prenant force glaces ; les autres par le plaisir de dire tout le reste de la soirée : je sors de l'hôtel de laMole, où j'ai su que la Russie, etc.» Le roman selon Stendhal est donc intégré à l'histoire sociale.

En ce sens, Le Rouge et le Noir est bien une «chronique» de la Restauration, un documentaire sur la province (Verrières), sur l'Église (le séminaire de Besançon),ou sur l'aristocratie parisienne — le reflet d'une époque, son «miroir», selon la formule stendhalienne : «Un romandoit être un miroir». Le titre du roman lui-même serait d'ailleurs une allusion à la situation de la France de 1830, partagée entre les«rouges», les libéraux, et les «noirs», le parti des prêtres. 2.

LE HÉROS STENDHALIEN Si Le Rouge et le Noir se donne pour une «chronique», il n'est certainement pas une fresque.

Stendhal ignore les amples peintures à la manière de Balzac.

Il réduit sa vision de la réalité à l'échelle du regard de son héros, Julien Sorel.

L'aventure sociale est ici une recherche individuelle, orientée par l'intérêt d'unseul.

On pourrait qualifier cette conception d' «égotiste», selon le mot de Stendhal lui-même, quientendait par là une sorte de culte du moi, où le héros cherche à s'affirmer à ses propres yeux plutôt qu'à se faire coûte que coûte une place dans la société. Ce point de vue explique en partie les ambiguïtés de Julien.

La première scène où il apparaît le montre plongé dansLe Mémorial de Sainte-Hélène, la «bible» des bonapartistes, récit des dernières années de l'empereur déchu : «Depuis bien des années, Julien ne passait peut-être pas une heure de sa vie sans se dire queBonaparte, lieutenant obscur et sans fortune, s'était fait le maître du monde avec son épée.» Le rêve napoléonien est la seule manière d'échapper à une réalité médiocre.

Mais le temps où Ney, filsd'un tonnelier, devenait maréchal et où Murat, dont le père était aubergiste, se voyait donner le royaumede Naples, ce temps légendaire n'est plus qu'un mythe.

La «gloire» de Julien Sorel devra se contenter demoindres victoires : la conquête de Mme de Rênal, une place à la table du marquis de La Mole (même s'illui faut pour cela renier son idéal et embrasser la cause des «ultras»), un rang dans les salons parisiens,la main de la fière Mathilde...

Le monde est pour lui un champ de bataille. Son crime même, qui a paru inexplicable à beaucoup de commentateurs, est la conséquenceimplacablement logique de ce désir d'être, envers et contre tout, fidèle à soi-même.

Au moment où il perdtout sur le plan social, Julien Sorel est plus que jamais fidèle à l'idée qu'il a de sa personne.

En sevengeant de celle qui l'a perdu, il donne le dernier mot à son orgueil. Le héros du Rouge et le Noir n'est pas un cynique sans cœur, comme on l'a souvent dit.

Au contraire, nourri de J.-J.

Rousseau, sa seconde idole après Napoléon, il est d'une grande sensibilité.

L'accueilchaleureux de Mme de Rênal lui arrache «de grosses larmes» ; la bonté de l'abbé Chélan, le curé deVerrières, le fait pleurer «avec délices» ; le premier rendez-vous avec Mathilde le plonge dans un «excès»de bonheur. Le combat de Julien Sorel est moins une lutte contre la société, qu'un duel avec. »

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