Souvenirs d'enfance et de jeunesse de Renan
Publié le 06/04/2013
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La légende veut que les récits bretons de la première partie des Souvenirs (1883) soient écrits à deux mains, ou du moins qu'ils soient nés d'un dialogue entre Renan et sa vieille mère. Les Souvenirs sont aussi un hommage à l'esprit breton, fait de paradoxes féconds, et à la Bretagne : ses habitants, gais, rêveurs et superstitieux ; son climat pénétré de mystère et sa langue qui affleure en bien des points du texte sont autant de notes pittoresques.

«
••••• Ill ..........
-:::
« La déesse guerrière
Athéna conduisant
les Athé niens à la
victoire.
,.
L'enracinement
dans la tradition légendai re
Une des légendes les plus répandues en
Bretagne est celle
d'une prétendue ville
d'
Js, qui, à une époque inconnue, aurait été
engloutie
par la mer.
On montre, à divers
endroits de la côte , l'emplacement de cette
cité fabuleuse, et les pêcheurs vous en font
d'étranges récits.
Les jours de tempête ,
assurent-ils , on voit, dans le creux des
vagues , le sommet des flèches de ses
églises ; les jours de calme, on entend mon
ter de l'abîme
le son de ses cloches, modu
lant l'hymne du jour.
Il me semble souvent que
j'ai au fond du
cœur une ville d'
Js qui sonne encore des
cloches obstinées à convoquer aux offices
sacrés des fidèles
qui n'entendent plus.
Parfois
je m'arrête pour prêter l'oreille à
ces tremblantes vibrations, qui me parais
sent venir de profondeurs infinies, comme
des voix d'un autre monde .
Aux approches
de la vieillesse
surtout,
j'ai pris
plaisir , pendant
le repos del' été ,
à recueillir ces
bruits lointains
d'une Atlantide
disparuè.
De
là sont sortis
les six morceaux
qui composent ce volume .
Les Souvenirs
d'enfance n'ont pas la prétention de former
un récit complet et suivi .
Ce sont, presque
sans ordre, les images qui me sont apparues
et les réfle xions qui me sont venues à
l'esprit, pendant que
j'évoquais ainsi un
passé vieux de cinquante ans.
(.
..
)Ce qu'on dit de soi est toujours poésie.
S'imaginer que les menus détails sur sa
propre vie valent la peine d'être
fvcés, c'est
donner la preuve
d'une bien mesquine
vanité.
La « Prière sur I' Acropole »
« 0 noblesse ! ô beauté simple et vraie !
déesse dont le culte signifie raison et
sagesse , toi dont le temple est une leçon
éternelle de conscience et de sincérité
,j' ar
rive tard au seuil de tes mystères ; j'apporte
à ton autel beaucoup de remords .
Pour te
trouver ,
il m'a fallu des recherches infinies.
L'initiation que tu conférais à l' Athénien
naissant
par un sourire , je l'ai conquise
à force de réflexions , au
prix de longs
efforts .»
Une fin testamentaire
C'est Renan, sain d'esprit et de cœur,
comme
je le suis aujourd'hui, ce n'est pas
Renan à moitié détruit par
la mort et n'étant
plus lui-même , comme
je le serai si je me
décompose lentement, que
je veux qu'on
croie et qu 'on écoute.
Je renie les blas
phèmes que les défaillances de
la dernière
heure pourraient me faire prononcer contre
l'Éternel .
L 'e x istence qui
m'a été donnée
sans que
je l'eusse demandée a été pour moi
un bienfait .
Si elle m'était offerte,
je l' ac
cepterais de nouveau avec reconnaissance.
Le siècle où j'ai vécu n'aura probablement
pas été le plus grand , mais il sera
tenu sans
doute pour le plus amusant des siècles.
A
moins que mes dernières années ne me ré
servent des
peines bien cruelles, je n'aurai,
en disant adieu à
la vie, qu'à remercier la
cause de tout bien de la charmante prome
nade
qu'il m'a été donné d'accomplir à
travers la réalité.
« Après la victoire
des Grecs su r les
Perses,
au cours d es guerres médiques,
Athènes atteignit so n
a pogée au
ve siècle av.J.-C.,.
NOTES DE L'ÉDITEUR
La quête poétique de l'enfance
« Parvenu à sa cinquantième année, Ernest
Renan ne se contente pas
d'un simple retour
a u pays
natal; l'occasion est bonne pour
accéder aux profondeurs.( ...
) Il va donc se
mettre à la recherche
de l'enfant et de
l'adolescent qu'il fut dans un pays consacré
à la poésie depuis le lointain des âges et
qui n'ignore pas plus les labyrinthes
enchantés de
la forêt que ceux de la mer.
(
..
.
)Les Souvenirs vont d'autant plus
ressortir au poème qu'ils se refusent au
mémorial, à l'apologie
ou à la profession
de
foi.
» J.
Vier, Travaux de linguistique
et
de littérature, 1974.
Une œu vre au d ésordre étudié
« Renan venait de créer un genre nouveau
qui exigeait
à ses yeux une liberté, une
spontanéité dont il
n'avait jamais eu
l'occasion de faire preuve.
Il prend bien
soin de nous avertir que ses souvenirs
n'ont
rien d'une biographie de dictionnaire et
qu'il ne s'est pas gêné pour y jeter le
granum salis qui permet l'ironie et les
critiques acerbes.
Le hasard ne
joue jamais
aucun rôle dans
l' œuvre de Renan, les
envolées,
les" coups d'archet" , l'émotion,
tout est réfléchi, vu de
haut, mis en réserve
pour sortir au bon moment.
Les
Souvenirs
sont le meilleur exemple de cette marque
d 'esprit.
»Henriette Psichari, introduction
aux
Souvenirs , Flammarion, 1973.
1 Goldner 2.
3 , 4.
5 dess ins de H.
B e llery -Des fontaines , gravures d'Eug~e Froment, E.
Pelletan éd., Paris, 1899 / B. N.
RENAN 03.
»
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