SILBERMANN. Roman de Jacques de Lacretelle (résumé et analyse de l'oeuvre)
Publié le 27/10/2018
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SILBERMANN. Roman de Jacques de Lacretelle (1888-1985), publié à Paris chez Gallimard en 1922. Prix Femina.
Après les déchaînements de l'affaire Dreyfus, l'antisémitisme se cristallisa autour du problème de l'assimilation, que les plus extrémistes des mauras-siens ne concevaient qu'au prix du sang versé pour la patrie, version atténuée de la vieille formule selon laquelle le seul bon Juif est un Juif mort. Dans une telle atmosphère, le roman de Jacques de Lacretelle apparut comme un ouvrage humaniste et modéré, exprimant une volonté de tolérance et de compréhension de l'autre.
Silbermann. Entrant au « grand lycée », le narrateur, fils d'un petit juge protestant, retrouve son ami Philippe Robin, ancien élève de la très catholique école Saint Xavier. Celui ci lui conte ses vacances gâchées parce qu'il « y avait trop de juifs ». Et, disant cela, il montre du doigt leur nouveau condisciple, Silbermann (chap. 1 ). D'un physique disgracieux, d'un tempérament défiant, le jeune israélite brille en classe ; au cours d'une récréation, il révèle au narrateur le magique pouvoir des mots. Séduit par cette intelligence sensible, le narrateur devient l’ami de Silbermann (2), qui le reçoit chez lui, le présente à ses parents, riches antiquaires, et lui confie sa farouche volonté de s'intégrer à la France (3). Tandis que ses parents s'inquiètent de l'ascendant pris par son nouvel ami sur leur fils, le narrateur est mis en quarantaine par ses camarades de lycée et Silbermann victime de brimades (4). Au retour des vacances (5), alors que son père est accusé de trafic d'objets volés, il demande au narrateur d'intervenir auprès du sien qui est chargé de l'affaire ; loin d'obtenir gain de cause, le narrateur ne peut que constater l'hostilité de ses parents à l'encontre du jeune juif, qu'ils font chasser du lycée (6). Tandis que celui ci, aigri, fait part de son intention d'émigrer aux Bats Unis (7), son père obtient un non lieu, le juge cédant à diverses pressions politiques : pour le narrateur, c'est l'effondrement des valeurs sur lesquelles était fondée son éducation (8), prélude à sa propre lâcheté qui lui permettra de réintégrer le groupe de ses anciens camarades (9).
En réduisant ce court roman aux seules mésaventures d'un jeune juif dans une France travaillée par les droites, on risque d'effacer toute l'originalité de Lacretelle (dont, il est vrai, la vision du juif n'échappe pas aux poncifs les plus traditionnels, tant dans les portraits physiques que dans les approches morales ou intellectuelles) et de transformer un véritable roman d'éducation en aventure mélodramatique. Certes, c'est à Silbermann que le livre emprunte son titre ; mais c'est un autre
«
qui nous raconte son histoire, engagé
à ses côtés, à la fois juge et parti e.
Cer
tes, le roman suit chronologiquement
les étapes de l'exclusion, sourde
d' abord, franche ensuite, du lycéen
israélite ; mais cette relation factuelle
se fait au rythme du retentissement des
événements sur la conscience du narra
teur .
Certes, les propos antisémites des
uns comme le pla idoyer pro domo de
l'a utre orientent vers une lecture
« idéol ogique ,.
du roman qui est sans
aucun doute à l'origine du succès de
l' œuvre ; mais c'est amputer celle-ci
d'une bonne moitié de sa signification
de ne regarder que l'histoire de l'enfant
ju if et d'oublier le chemin du protes
tant.
Car, à la manière de Meaulnes débar
quant dans la vie calme de Seurel (voir
le *Grand Meaulnes), l'arrivée de Silber
mann bouleverse l'univers bien
ordonné du narrateur dont les certitu
des, au terme de ces deux années sco
laires, ne seront plus que « ruin es » :
l'a utor ité fam iliale, la morale protes
tante, le respect de la loi, tout s'effon
dre .
« Il me parut qu'on avait abusé de
ma crédulité d'enfant.
,.
Jugement sans
indulgence au terme d'une expérience
d' amitié volontariste («Il me fallait
non seulement l'aimer, mais prendre
son parti contre tous ,.
), vécue comme
une « mission » (le terme revient
com me un leitmotiv tout au long du
texte) et qui prend souvent l'allure
d'une passion christique :.
»
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