SHAKESPEARE : Jules César (Résumé et analyse)
Publié le 22/02/2012
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Du point de vue de la structure de la pièce, on insistera sur l'alternance des actes « de plein air » (I, III, V) et desactes d'« intérieur » (II et IV), qui permet de mieux cerner l'idée que se fait la classe au pouvoir en Angleterre auXVIe siècle : idéal de vie qu'elle pense (ou souhaite) partager avec ces modèles d'hommes civilisés que luiparaissent avoir été les Romains du temps de César.
Le mythe augustéen qui atteindra son apogée au XVIIIe sièclesous la dynastie hanovrienne, se profile déjà à l'horizon ces esprits, sinon de l'histoire.
2.
Tragédie de César, ou tragédie de Brutus ?
Le personnage de Brutus retiendra particulièrement l'attention, ne fût-ce qu'en raison des nombreux contresensauxquels il a donné lieu dans le passé : d'aucuns n'ont-ils pas été jusqu'à suggérer que la pièce elle-même est plutôtune tragédie de Brutus que celle du héros éponyme ? Pour mieux comprendre l'homme et le mécanisme de sonéchec, on l'opposera aux autres protagonistes : César, Cassius, Marc Antoine et, à un degré moindre, Octave, lefutur Auguste.
Modèle des vertus privées et d'une parfaite intégrité sur les plans matériel aussi bien que moral,Brutus, hélas ! n'est pas une tête politique.
Sa vision de l'histoire (peut-être serait-il plus exact d'écrire sa hantisede l'histoire...) fausse sa vision du réel, du présent.
Les formes politiques qu'il souhaite voir respecter ont fait leurtemps.
Pour être incapable de s'en convaincre, il persiste à voir en elles l'unique symbole des valeurs éminentes deRome ; l'ironie veut qu'il finisse par contredire ces valeurs dans ce qu'elles ont d'universel : il se fait assassin, ilprend les armes contre sa patrie.
L'ironie d'une telle destinée est totale, et tragique.Dans le domaine politique, Marc Antoine et Cassius n'ont pas davantage de perspective valable à longue échéance ;cependant la fidélité de l'un à César, de l'autre aux rudiments de la vie militaire et de sa discipline (Cassius, soldatmécontent de son avancement limité, rappelle l'Iago d'Othello), leur permet des choix simples sans lesquels il nesaurait y avoir d'action politique digne de ce nom.César voit tout cela d'assez haut, et de loin : son aveuglement à l'égard de Brutus pourrait, selon certainshistoriens, s'expliquer par les circonstances de la naissance du meurtrier qui, en fait, aurait été son fils illégitime.Mais le dramaturge n'a cure de faire dériver sur le plan personnel du parricide une intrigue dont le ressort profondrelève du domaine politique.
Il faudra attendre Freud et la sacralisation du mythe d'OEdipe pour passer du domainelaïque, celui de cette pièce, à celui des valeurs religieuses.
Le destin, ici, a visage humain : un prêtre des Lupercalespeut, par attouchement, conjurer la stérilité d'une femme.
3.
Deux esquisses de femmes
Pour les personnages féminins, on insistera sur les conditions matérielles des représentations à l'époqueélisabéthaine : les femmes sont exclues de la scène, leurs rôles sont tenus par de jeunes adolescents travestis ; ilimporte à la dignité de la tragédie de sauvegarder en premier lieu la vraisemblance.
On notera que Calpurnia,personnage symétrique de Portia, n'a guère de présence scénique (la Livie escamotable de Corneille en a-t-ellebeaucoup plus dans Cinna ?), elle disparaît sans laisser de trace : nous ignorerons à jamais ce qu'a pu devenir laveuve de César.
Ce sera le lieu de remarquer que la pièce n'a été imprimée pour la première fois que dans l'éditioncollective posthume des pièces que constitue le Folio de 1623.
Ceci peut fort bien expliquer la parfaite mise au pointd'une tragédie bien « rodée » au cours d'un quart de siècle, ou presque, de représentations.
Il n'est pas exclu quetelle scène initialement jouée ait été écartée au fil des ans.
4.
Les poètes
On notera aussi la part dérisoire et ironique faite aux poètes ; et ce contrairement aux sources pour ce qui est dupoète qui intervient à l'acte IV.
On ne peut exclure une certaine forme d'humour de la part de Shakespeare.
Le style de l'écrivain
Il est difficile de le faire apprécier, puisqu'il s'agit d'une adaptation destinée à la scène.
On se bornera à faire remarquer, à l'acte III, le contraste entre les procédés rhétoriques classiques (répétitions oratoires, amplifications,prétéritions) dont use Marc Antoine, et le style sévère, rude, dépourvu d'ornements, ascétique, pour ne pas direpuritain, que prend Brutus pour s'adresser à la foule romaine ; le contraste rend certes Brutus sympathique à son public anglais, mais il est facile à Marc Antoine d'y faire sentir par contraste affectation, dédain, pose du moraliste ou du philosophe.
La « communication », qui est la fin du discours, s'établit mal.
L'ironie, en revanche, est à soncomble, et aux dépens de Brutus.
Les mises en scène
Elles ont été nombreuses.
Avant la mise en scène grandiose de Robert Hossein, en septembre 1985, RaymondHermantier avait créé, dans le cadre, lui aussi grandiose, du Théâtre antique de Fourvière (Lyon), en juin 1964,Jules César, adaptation reprise, toujours par Raymond Hermantier, au Théâtre Sarah-Bernhardt en octobre 1964.
Il est juste de rendre hommage à ce grand metteur en scène, car le texte de présentation du « Livre de Poche » prête àconfusion..
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