Servitude et grandeur militaires (résumé) de Vigny
Publié le 13/11/2018
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Servitude et grandeur militaires
L’ouvrage, publié à la fin de 1835, réunit trois nouvelles qu’on a pu lire d’abord dans la Revue des Deux Mondes en mars 1833, avril 1834 et octobre 1835. De ces trois histoires, centrées chacune sur un personnage qui fait un récit attachant de sa vie au narrateur, Vigny a réalisé l’unité en les cimentant par un projet d’ensemble, défini dans des chapitres qui tirent les leçons, avant ou après le récit, et qui replacent l’aventure écoutée dans une perspective plus générale.
Le soldat, le noble, le poète, rejetés par la société utilitaire, appartiennent chacun à une race maudite « comme la race juive ». La figure du soldat, mise en scène dans l’œuvre, incarne effectivement une idée fondamentale de Vigny, représentée ailleurs par le noble (Cinq-Mars) et par le poète (Stello, Chatterton). Vigny lui-même souligne cette mise en perspective en accordant au militaire une place seconde, mais non secondaire : « Ce qu’il y a de plus beau après l’inspiration, c’est le dévouement; après le Poète, c’est le Soldat ». Lui aussi est dédaigné par le Pouvoir et par la Nation.
«
Dans
une société qui fait remplir à ses soldats des tâches
indispensables à ses intérêts, mais qui camoufle ces
tâches comme autant d'actions honteuses (en 1830, par
exemple, l'expédition d'Algérie se déroule dans l' indif
férence générale), il y a urgence à réhabiliter l'armée,
dernier domaine où l'on rencontre encore «ces hommes
de caractère antique, poussant le sentiment du devoir
jusqu'à ses dernières conséquences, n'ayant ni remords
de 1 'obéissance ni honte de la pauvreté ».
A «ceux qui
vont mourir», selon la formule romaine, Vigny dédie
son livre.
L'examen de la condition militaire moderne dégage
un conflit essentiel entre la guerre et l'armée, met au
jour une discordance vécue puis analysée.
Se cherchant
désespérément.
le soldat ne se trouve nullement dans la
guerre , mais aussi transforme le
militaire en meurtrier: «quelle différence y a-t-il entre
moi et un assassin? », demande le capitaine Renaud.
Mais l'armée, finalement, apprend aux hommes à être
eux-mêmes, à vouloir leur destin, c'est-à-dire, ici, leur
servitude.
Face à Napoléon, qui joue la comédie et se
déguise ( « Bonaparte, c'est l'homme, Napoléon, c'est le
rôle >>, dit le Journal en 1833), face au « séidisme >> qui,
mal français par excellence, produit «quantité de petits
et de grands tyrans », Vigny exalte la réflexion et la
dignité personnelles.
Renaud, au terme de son éducation
et de sa formation, reconnaît « que les événements ne
sont rien, que 1 'homme intérieur est tout >>.
Vigny pousse ainsi plus avant l'analyse de l'armée et
du soldat dans le monde moderne.
Opérant une véritable
réduction phénoménologique du phénomène militaire
(grâce à laquelle apparaît clairement que tout militaire
est un homme.
mais que tout homme n'est pas un mili
taire), il creus·�· la question jusqu'à sa plus simple et sa
p lus pure formulation : « Que nous reste-t-il de sacré
aujourd'hui? » La réponse, qui vaut maintenant pour tout
homme, libère ce terme ultime qu'est le sens de l'hon
neur, cette« cc•nscience exaltée >>,cette « pudeur virile >>,
à la fois vertu de la vie et « poésie du devoir>>.
L'armée
est poétique dans l'honneur, nouvelle religion qui prend
naturellement la place vide du christianisme : «l'hon
neur e t la seule religion aujourd'hui vivante dans les
cœurs mâles et sincères ».
Toute la démonstration, où 1' idée prime la réalité des
faits, selon les principes de la préface à Cinq-Mars,
aboutit donc à la mise en valeur de l'homme en tant que
tel, qui trouve, où et quand ille peut, des raisons toujours
plus fortes d'être fidèle à lui-même.
Synopsis.
-Les deux premiers livres sont consacrés
aux « Souvenirs de servitude militaire ».
Livre premier.
Le narrateur a rassemblé ses souvenirs
personnels pour montrer au grand jour les • souffr an ces »
et le courage d'une • race d'hommes • négligée par la
société contemporaine.
Une enfance pénétrée des récits
de guerre paternels.
une adolescence électrisée par l'épo
pée nap olé on ie nn e déterminent un amour pour la gloire
des armes alors que la France commence à s'e n guérir
(cha p.
1).
L'arm ée de métier moderne n'est que l'instrument
d'un Pouvoir qui la rédu it à sa fonction utilitaire et qui
rejette le soldat dans l'anonymat (chap .
11).
L'Hom me « s'ef
face sous le Soldat ».
mais trouve une véritable « majesté » dans
l'abnégation et le sacrifice.
Reconnaissant dans
l'« obéissance passive» la cause principale de la misère
des armées permanentes.
le narrateur enta me un récit
exemplaire (cha p.
111): « Laurette ou le Cac h et rouge ».
Mars 1815 : le narrateur accompagne Louis XVIII en
fuite sur la route d'Artois et de Flandre.
Tout en méditant
sur «le sentiment ineffable du Devoir», le jeune officier
rencontre un vieux commandant.
qui traîne dans une petite
charrette une femme (cha p.
IV), et qui lui conte l'« histoire
du cachet rouge>>.
Commandant le brick le Marat sous la
Révolution.
et chargé de cond ui re à Cayenne un jeune
homme déporté par le Directoire pour «trois couplets de
vaudeville».
il se prend d'affection pour son prisonnier et
pour sa jeune femme : • j'avais fini par les regarder comme
mes enfants •.
Arrivé près de l'équateur.
le commandant
ouvre une lettre portant un cachet rouge : le Directoire lui
ordonne de fusiller son prisonnier.
Révolté, il obéit pourtant
à l'o rdre .
par discipline.
Mais.
pour échapper au rôle de
« bourreau» que lui fait jouer un gouvernement «d'assas
sins et de voleurs ».
il quitte la marine et recueille la femme
du condamné.
Laurette.
devenue folle (chap.
v).
Le narra·
teur quitte ses compagnons à Béthune.
Dix ans plus tard, il
apprend que le vieux soldat a été tué à Waterloo, après
avoir vécu incompris de ses compagnons.
L'« esp èce de
vieille folle» qui l'accompagnait « mourut.
furieuse.
au bout
de trois jours , (cha p .
VI).
Livre deuxième.
L'auteur demande que l'on reco nsidère
• l'h umilia tio n de l'obéissance passive •.
mais il reconnaît
qu'elle soulage le soldat • du poids énorme de la responsa
bilité • (c ha p.
1).
«La Veillée de Vincennes •.
Un soir de l'été 1819.
à
Vi ncen ne s.
le narrateur, jeune lieutenant.
évoque devant
son ami Timoléon d'Arc la passion particulière au soldat .
passion qui n'est autre que« l'amour du danger » (chap.
u-
111).
Dans un climat de «bonté», d'« amour» et de
«pudeur», un vieil adjudant, sa fille et un jeune homme
jouent de la musique et chantent (chap .
IV).
Dev ant les deux
officiers.
l'adjudant raconte sa jeunesse difficile, où furent
n é an mo in s conciliés le métier de soldat ot l'amour de Pier
rette, la petite compagne devenue une grande chanteuse grâce à
Marie-Antoinette.
au poète Sedaine et au music ien Gré try
(c hap .
v à x).
Depuis la mort de Pierrette en couches.
l'adjudant a fait toutes les campagnes de l'armée française
(chap.
Xl).
Son récit achevé, il émet le désir de vérifier le
magasin de poudre: ses comp agnons tentent de l'en dis
suader.
Peu après.
une terrible explosion réveille la garni
son (chap.
xu).
Dan s les débris.
on trouve le corps déchi
queté de l'adjudant.
pillé par un soldat.
des siné au cra yo n
par le narrateur montrant à ses inférieurs dans quel mépris
il faut tenir «la vie».
« la mort» et « soi-même».
et oublié
«trop vite" par le roi Louis XVIII venu féliciter les soldats
(chap.
x1u).
C om me ncen t alors.
avec le Livre troisième.
les'' Souve
nirs de grandeur militaire».
La vie guerrière compte «deux
s or tes » de beauté : «celle du commandement et celle de
l'obéi ssan ce , (chap.
1).
A l' ap pui de l'idée selo n laque lle les
« plus pures grandeurs, du soldat ne sont pas liées à la
guerre, intervient le troisième récit : « la Vie et la Mort du
capitaine Renaud ou la Canne de jonc ».
Lors de la« nuit mémorable » du 27 JUillet 1830, le narra
teur rencontre sur les Boulevards le capitaine Renaud.
qui
lui raconte les « tro is grandes époques • détenant « je sens
de sa vie • (chap.
u).
Emmené par son père en Egypte.
encore enfant.
il est présenté à Bonap art e.
qui le renvoie
en France pour le faire étudier (chap.
111).
Malgré une lettre
de son père qui.
prisonnier des Anglais.
lui conseille de se
méfier de Bonaparte, il devient page de l'Empereur
(chap.
IV).
En 1804.
à Fontainebleau.
il assiste.
derrière un
rideau.
a l'entrevue de Napoléon, tout à son égoïsme et à
son hypocrisie, et du pape.
modèle de dignité et de luci·
di té : « Commediante, tragediante » (cha p.
v).
Renaud.
envoyé en mer pour combattre l'Angleterre.
voit son navire
couler et est fait prisonnier par l'amiral Colli ng woo d.
dont il
va partager la vie pendant de longues années.
Au cours de
cette " seconde époque».
il saura reconnaître chez le vieux
lord • la véritable grandeur», qui naît du dévouement non à
u n homme.
mais • à la Patrie et au Devoir" (chap.
VI).
Troi·
sième époque : finalement libéré par les Anglais.
ayant
refusé de s'évader pour ne pas manquer à sa parole.
il
s'aperçoit.
de retour à Paris.
que Napoléon le blâme d'être
resté homme d'honneur (cha p.
vu) .
Il participe aux guerres
de l'Empire.
et.
à Reims.
en 1814.
lor s de l'enlèvement
d'une redoute, il tue un jeune Russe de quatorze ans.
De
l'enfant il conserve la canne de jonc, qui lui est un remords.
»
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