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Servitude de l’ouvrier Jules MICHELET

Publié le 24/03/2020

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Servitude de l’ouvrier

Jules MICHELET

1798 - 1874 Le Peuple (1846)

[...] La machine, qui semble une force tout aristocratique par la centralisation de capitaux quelle suppose, n’en est pas moins, par le bon marché et la vulgarisation de ses produits, un très puissant agent du progrès démocratique; elle met à la portée des plus pauvres une foule d’objets d’utilité, de luxe même et d’art, dont ils ne pouvaient approcher. La laine, grâce à Dieu, a descendu partout au peuple, et le réchauffe. La soie commence à le parer. Mais la grande et capitale révolution a été l’indienne. Il a fallu l’effort combiné de la science et de l’art pour forcer un tissu rebelle, ingrat, le coton, à subir chaque jour tant de transformations brillantes, puis transformé ainsi, le répandre partout, le mettre à la portée des pauvres. Toute femme portait jadis une robe bleue ou noire quelle gardait dix ans sans la laver, de peur quelle ne s’en allât en lambeaux. Aujourd’hui, son mari, pauvre ouvrier, au prix d’une journée de travail, la couvre d’un vêtement de fleurs. Tout ce peuple de femmes, qui présente sur nos promenades un éblouissant iris de mille couleurs, naguère était en deuil.

Ces changements qu’on croit futiles ont une portée immense. Ce ne sont pas là de simples améliorations matérielles, c’est un progrès du peuple dans l’extérieur et l’apparence, sur lesquels les hommes se jugent entre eux; c’est, pour ainsi parler, l'égalité visible. Il s’élève par là à des idées nouvelles qu'autrement il n’atteignait pas ; la mode et le goût sont pour lui une initiation dans l’art. Ajoutez, chose plus grave encore, que l’habit impose à celui même qui le porte; il veut en être digne, et s’efforce d’y répondre par sa tenue morale.

Il ne faut pas moins, en vérité, que ce progrès de tous, l’avantage évident des masses, pour nous faire accepter la dure condition dont il faut l’acheter, celle d’avoir, au milieu d’un peuple d’hommes, un misérable petit peuple d’hommes-machines qui vivent à moitié, qui produisent des choses merveilleuses, et qui ne se reproduisent pas eux-mêmes, qui n’engendrent que pour la mort, et ne se perpétuent qu’en absorbant sans cesse d’autres populations qui se perdent là pour toujours.

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« VISAGES DE L'INCONNU Beaucoup de gens sensibles, pour ne pas trop souffrir de leur com­ paraison, la font taire, en disant bien vite que cette population n'a une 35 si triste apparence que parce qu'elle est mauvaise, gâtée, foncièrement corrompue.

Ils la jugent ordinairement sur le moment où elle est la plus choquante à voir, sur l'aspect qu'elle présente à la sortie de la manufacture, lorsque la cloche la jette tout à coup dans la rue.

Cette sortie est toujours bruyante.

Les hommes parlent très haut, vous diriez 40 qu'ils disputent; les filles s'appellent d'une voix criarde ou enrouée; les enfants se battent et jettent des pierres, ils s'agitent avec violence.

Ce spectacle n'est pas beau à voir; le passant se détourne; la dame a peur, elle croit qu'une émeute commence, et prend une autre rue.

Il ne faut pas se détourner.

Il faut entrer dans la manufacture, 45 quand elle est au travail, et l'on comprend que ce silence, cette capti­ vité pendant de longues heures, commandent, à la sortie, pour le réta­ blissement de l'équilibre vital, le bruit, les cris, le mouvement.

Cela est vrai surtout pour les grands ateliers de filage et tissage, véritable enfer del' ennui.

Toujours, toujours, toujours, c'est le mot invariable que tonne 50 à votre oreille le roulement automatique dont tremblent les planchers.

Jamais l'on ne s'y habitue.

Au bout de vingt ans, comme au premier jour, l'ennui, l'étourdissement sont les mêmes, et l'affadissement.

Le cœur bat-il dans cette foule? Bien peu, son action est comme suspen­ due; il semble, pendant ces longues heures, qu'un autre cœur, com- 55 mun à tous, ait pris la place, cœur métallique, indifférent, impitoyable, et que ce grand bruit, assourdissant dans sa régularité, n'en soit que le battement.

r • -Â quel lecteur s'adresse ici Michelet (milieu social, éducation ...

)? Quel message ! Je ut-il lui transmettre? : • 10diquez la manière dont s'enchaînent les paragraphes à partir de la ligne 25.

• laentifiez les moyens stylistiques qui renforcent l'argumentation, lignes 49 à 57.

l ),,- Groupement de textes: voir 40 -49.

81. »

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