Satires de Mathurin Régnier
Publié le 10/04/2013
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Né en 1573, Mathurin Régnier est destiné à entrer dans les ordres dès son enfance. Il entre ainsi très jeune au service du cardinal François de Joyeuse. Il mène ensuite à Paris une vie de débauche, malgré ses devoirs ecclésiastiques. Devenu le poète officiel de la cour d' Henri IV, il meurt prématurément le 22 octobre 1613, à Rouen. Connu surtout pour ses Satires, Régnier a également composé des Élégies, des Épîtres et des Poésies diverses.
«
EXTRAITS
Satire II: Régnier, las d'être pauvre, s'attache
au service d'un religieux, mais découvre bien vite
que la liberté est plus précieuse que
le confort
C'est donc pourquoi, si jeune abandonnant la France,
J'allai,
vif de courage et tout chaud d'espérance,
En
la cour d'un prélat, qu'avec mille dangers
J'ai suivi courtisan aux pays étrangers.
J'ai changé mon humeur, altéré ma nature,
J'ai bu chaud, mangé froid,
j'ai couché sur la dure ,
Je l'ai sans le quitter à toute heure suivi,
«Qui sait vivre ici-bas n'a jamais pauvreté/ Puisqu'elle vous défend des dorures l'usage,/ Donnant ma liberté je me suis asservi,
En public, à l'église, à
la chambre, à la table,
Et pense avoir été maintes fois agréable.
Mais instruit
par le temps à lafinj' ai connu
Que la fidélité n'est pas grand revenu,
Il faut que les brillants soient en
votre visage, /
Que votre bonne grâce en acquière
pour
vous.»
Et qu'à mon temps perdu sans nulle autre espérance
L'honneur d'être sujet tient
lieu de récompense
N'ayant autre intérêt de dix ans [dé ]jà passés
Sinon que sans regret
je les ai dépensés.
« Sotte et fâcheuse
humeur de la
plupart des hommes /
Qui, suivant
ce qu'ils
sont, jugent ce que
nous sommes /
Et sucrant
d'un sourire un discours ruineux/ Accusent un chacun
des maux qui sont
en
eux.»
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Une conversation brusque, franche et à
saillies; nulle préoccupation d'art, nul
quant-à-soi; une bouche de satyre aimant
encore mieux rire que mordre ; de la
rondeur, du bon sens ; une malice exquise ,
par instants une amère éloquence ; des
récits enfumés de cuisine, de taverne et de
mauvais lieux ; aux mains, en guise de lyre,
quelque instrument bouffon, mais non
criard ; en un mot, du laid et du grotesque à
foison,
c'est ainsi qu'on peut se figurer en
Satire XIII : une courtisane, nommée
Macette, renonce
à son ancienne vie et prétend
se consacrer à Dieu
La fameuse Macette à la Cour si connue,
Qui
s'est aux lieux d'honneur en crédit maintenue
Et qui, depuis dix ans, jusqu 'en ces derniers jours,
A soutenu
le prix en l'escrime d'amour,
Lasse enfin de servir au peuple de quintaine,
N'étant passe-volant, soldat ni capitaine ,
Depuis les plus chétifs jusques aux plus fendants
Qu'elle n'ait déconfit et mis dessus les dents,
Lasse , dis-je, et non soûle enfin s'est retirée
Et n'a plus d'autre objet que la voûte éthérée ;
Elle qui n'eut, avan t que pleurer son délit ,
Autre ciel pour objet que le ciel de son lit,
A changé de courage et confite en détresse
Imite avec ses pleurs la sainte pécheresse,
Donnant des saintes lois à son affection ,
Elle a mis son amour à la dévotion,
Sans art elle s'habille et simple en contenance,
Son teint mortifié prêche
la continence.
gros Mathurin Régnier.
Placé à l'entrée de
nos deux principaux siècles littéraires, il
leur tourne le dos et regarde le seizième ;
il y tend la main aux aïeux gaulois, à
Montaigne, à Ronsard, à Rabelais.
»
Sainte-Beuve, Œuvres, tome 1, Gall imard,
1956.
« Régnier est excellent écrivain, en ce sens
que, depuis Rabelais, on n'avait pas eu
d'exemple
d'un vocabulaire aussi riche,
aussi pittoresque, où le mot fasse à ce point
image et tableau.
Régnier a connu comme Malherbe,
et, en un sens, mieux que lui,
la valeur du mot
mis en sa place.
Il dialogue
à merveille comme un poète comique.
Il compose un
couplet (celui de Macette
par exemple) comme Molière.
Et quand
la verve ou la colère le soutiennent, il va
jusqu'à l'éloquence.
Mais quand il veut
raisonner, ou définir, ou moraliser, sa
syntaxe devient lourde et embarrassée.
»
J.
Boudout, Histoire de la littérature
française des origines
à nos jours, Hatier,
1962.
1 R oger- Yiollet 2, 3 , 4 , 5 grav ures de Ca llot, Ca bin et d es Esta m pes , G en ève/ N .
B ouv ie r
RÉ GNIER02.
»
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