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SARTRE L'Être et le Néant Critique de la raison dialectique

Publié le 01/05/2014

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sartre

 

En 1939, Sartre, mobilisé en Alsace, tient un journal, aujourd'hui publié en partie sous le titre Car-nets de la drôle de guerre. Entremêlés aux réflexions sur sa vie quotidienne et ses lectures, surgissent de longs passages philosophiques consacrés à l'intelligibilité du néant. Dans les lettres qu'il écrit à la même période, il fait part à Simone de Beauvoir de son désir d'écrire un

o livre de philo sur le néant 9, qu'il définira, un peu plus tard, comme un o traité de métaphysique ,) : nous assistons à la genèse de L'Être et le Néant, publié en 1943. Le contexte historique n'est pas circonstanciel ou extérieur par rapport à l'élaboration de l'ouvrage. C'est la guerre, dit Sartre dans les Carnets, qui l'a détourné de l'influence sous laquelle il s'était placé jusqu'alors, à savoir la phénoménologie de Husserl, cette o géniale synthèse universitaire > dont les éthers trop idéaux sont inadaptés aux bruits et fureurs du temps ; c'est elle qui l'a poussé à assouvir par Hei¬degger le besoin d'une o métaphysique 9 plus o pathé¬tique 9, plus o héroïque 9, plus ancrée dans la réalité humaine.

L'Être et le Néant porte en sous-titre : Essai d'onto 

logie phénoménologique le terme d'o ontologie

(réflexion sur l'être) renvoie à Heidegger, celui de

o phénoménologie .> (réflexion sur les phénomènes ou

 

apparitions) à Husserl. Mais si les ambitions que Sartre nourrissait à l'époque de la gestation de l'oeuvre sont vérifiées, l'accolement des deux termes est pro¬ducteur d'une synthèse inédite. Il écrivait en effet dans ses lettres : 0 Ce que je fais, ça ne ressemble plus du tout à la philosophie husserlienne, ni à Heidegger, ni à rien. )› Comment appréhender, par rapport à cette double mouvance, ontologique et phénoménologique, l'originalité de cet objet philosophique neuf qu'on nommera a existentialisme ,› ?

Dès l'introduction de L'Être et le Néant, Sartre indique la grandeur et les limites de la phénoméno-logie husserlienne. Il appartient à celle-ci d'avoir défi¬nitivement destitué les 0 arrière-mondes «, c'est-à-dire d'avoir mis le rapport de la conscience et du monde à la surface de lui-même, en revendiquant l'apparaître ou le 0 phénomène « comme son unique critère. Ray¬mond Aron, de retour de Berlin où il avait découvert Husserl, avait émerveillé Sartre, qui ignorait encore cette philosophie, en lui apprenant que désormais il était possible de penser à partir d'un bec de gaz ou d'un verre de bière, bref, à partir de ce qui se donne. S'il n'y a plus que des apparitions, le vieux partage est mort, qui relativisait les apparences (illusoires) eu égard à un ciel des idées (seul essentiel). L'expérience vécue surgit alors dans une fraîcheur réinventée. Cependant, cette conquête n'est peut-être pas sans inconvénients : dire 0 être, c'est apparaître «, n'est-ce pas seulement proférer une autre version du « esse est percipi « (être, c'est être perçu) sur quoi s'appuyait le subjectivisme idéaliste de Berkeley ? Si je m'installe dans le jeu des apparitions, ou dans le rapport du percipere et du percipi, comment puis-je m'assurer que ce qui m'apparaît de l'être est bien l'être même de ce qui apparaît, que je perçois bien quelque chose, que je ne suis pas confiné dans un songe de ma subjectivité ? Cette question indique l'idéalisme de la phénoméno¬logie, que la guerre frappa de péremption aux yeux de

1. L'Étre et le Néant, p. 11 et sq..

 

V f V' .1 11 11,,,,,J1 111,4 1_.

Sartre, et fait la nécessité du o dépassement vers l'on¬tologique dont parle Heidegger'. « Pour pouvoir affirmer comme vérité la relation du percipere et du percipi, il faut en effet établir l'être de cette relation, et non le considérer comme un donné, faute de quoi on risque que « la totalité "perception-perçu" s'effondre dans le néant2 «. Autrement dit, il faut transgresser la loi des apparitions vers ce qui la fonde.

Husserl, reconnaît Sartre, a bien en quelque façon accompli cette transgression en rapportant la totalité percipere-percipi au percipiens comme être, c'est-à-dire à la conscience. Percevoir des apparitions, c'est être conscient qu'on les perçoit. Sartre approfondit cette perspective en mettant en place la notion, capitale dans L'Être et le Néant, de conscience préréflexive, qu'il faut distinguer clairement de la conscience réflexive'. Quand je me 4, réfléchis s, je me dédouble en objet et sujet de moi-même, c'est-à-dire que je répercute dans la sphère de la conscience le rapport du percipere et du percipi. La conscience ainsi comprise est inapte à fonder ce dernier rapport : ne faisant que le redoubler, elle recule le problème, et nécessite à son tour un être qui fonde l'unité de sa dualité. La conscience préréflexive, elle, coupe court à la régres¬sion à l'infini, parce qu'elle ne s'articule pas selon la loi du couple sujet/objet. Sartre l'écrit s conscience (de) soi « pour la différencier de la conscience de soi ou conscience réflexive, qui en est en vérité dérivée. La parenthèse marque le mode fuyant, en éclipse, o non positionnel s, selon lequel je me noue à moi-même avant et hors toute objectivation. Il s'agit de ma présence spontanée, immédiate et latérale à moi-même, toujours effacée par l'objet auquel je me rap¬porte, par l'activité que je soutiens, par le vécu que j'éprouve, et qui pourtant, surgissant en même temps qu'eux, en est la condition. Je ressens par exemple un plaisir. Impossible de soutenir qu'un stimulus exté 

sartre

« SARTRE 677 apparitions) à Husserl.

Mais si les ambitions que Sartre nourrissait à l'époque de la gestation de l'œuvre sont vérifiées, l'accolement des deux termes est pro­ ducteur d'une synthèse inédite.

Il écrivait en effet dans ses lettres : « Ce que je fais, ça ne ressemble plus du tout à la philosophie husserlienne, ni à Heidegger, ni à rien.

» Comment appréhender, par rapport à cette double mouvance, ontologique et phénoménologique, l'originalité de cet objet philosophique neuf qu'on nommera (• existentialisme » ? Dès l'introduction de L 'Être et le Néant, Sartre indique la grandeur el les limites de la phénoméno­ logie husserlienne 1 • Il appartient à celle-ci d'avoir défi­ nitivement destitué les (• arrière-mondes ))' c'est-à-dire d'avoir mis le rapport de la conscience et du monde à la surface de lui-même, en revendiquant l'apparaftre ou le « phénomène ~) comme son unique critère.

Ray­ mond Aron, de retour de Berlin où il avait découvert Husserl, avait émerveillé Sartre, qui ignorait encore cette philosophie, en lui apprenant que désormais il était possible de penser à partir d'un bec de gaz ou d'un verre de bière, bref, à partir de ce qui se donne.

S'il n'y a plus que des apparitions, le vieux partage est mort, qui relativisait les apparences (illusoires) eu égard à un ciel des idées (seul essentiel).

L'expérience vécue surgit alors dans une fraîcheur réinventée.

Cependant, cette conquête n'est peut-être pas sans inconvénients : dire « être, c'est apparaître 1>, n'est-ce pas seulement proférer une autre version du « esse est percipi '> (être, c'est être perçu) sur quoi s'appuyait le subjectivisme idéaliste de Berkeley? Si je m'installe dans le jeu des apparitions, ou dans le rapport du percipere et du percipi, comment puis-je m'assurer que ce qui m'apparaît de l'être est bien l'être même de ce qui apparaît, que je perçois bien quelque chose, que je ne suis pas confiné dans un songe de ma subjectivité ? Cette question indique l'idéalisme de la phénoméno­ logie, que la guerre frappa de péremption aux yeux de 1.

L 'Êrre er le 1\'éa11r, p.

11 et sq ... »

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