Samuel BECKETT : Malone meurt
Publié le 24/09/2012
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Le critique Maurice Blanchot s'est très vite interrogé sur l'oeuvre de Samuel Beckett. Il lui consacre un long article dans lequel il met en évidence, entre autres, la nature de la parole neutre : Ainsi le livre n'es t-il plus qu'un moyen de tricher ouvertement ; de là le compromis grinçant qui le déséquilibre, cet entrechoc d'artifices où l'expérience se perd, car les histoires restent des histoires ; leur brillant, leur habileté sarcastique, tout ce qui leur donne forme et intérêt les détache aussi de Malone, celui qui meurt, les détache du temps de sa mort pour les rattacher au temps habituel du récit auquel nous ne croyons pas et qui, ici, ne nous importe pas, car nous attendons quelque chose de bien plus important...
«
lllustralion J.
Simon
Ma/one..
un nom qui ne peut manquer d'évoquer quelques souvenirs pour les enfants d'I rland e,
peut- être bercé s jadis
par
la c omplaillfe de Moll y Ma/on e, un
vieil air échappé de
l'oubli.
Photo F .M .
B a nier 1 Sipa-Press
Le livre
Malone alone
S
eul, grabataire, il n'en finit pas de mourir.
Chaque jour,
une femme, une vieille nourrice effectue pour
lui les gestes
élémentaires, le nettoie,
le nourrit.
Sans âge, plus vieux qu' un
vieux, Malone vit cloîtré dans cette chambre où il a échu, il ne
sa
it quand, comment ni pourquoi, uniquement relié au monde
par ce bâton qu'il promène autour de lui.
Alors Malone
entre
prend de se raconter des histoires, se dresse un programme de
fictions qu'il notera scrupuleusement sur
un cahier loqueteux à
l 'aide
d'un crayon dont la mine meurt elle aussi.
Dans la gri
saille indéterminée qui l'étouffe , Malone consigne l'histoire de
Macmann puis celle de Lemuel qui est peut-être encore
Mac
mann.
Doubles de lui-même , doubles fictifs inscrits dans la fic
tion, auxquels il donne vie pour s'assurer de sa propre vie.
Au
fil des pages, les histoires , les fictions et le "je" se confondent,
tandis que
le discours se désintègre, se disloque à 1 'image de ce
corps qui n'en peut plus, jusqu 'à ne plus laisser place qu'au
silence final de la page blanche, de la mort du "je" , de la mort
brutale autant que cruelle de ses créatures.
Quand sonne le glas
M
a/one meurt est le deuxième roman de la trilogie compo
sée par Beckett.
Publié en 1951, il est écrit juste après
Molloy, ( 1951) et précède de quelques mois L'Innommable
(1953).
Beckett poursuit, en la radicalisant, la tentative entre
prise dans son précédent roman, en poussant plus loin encore la
solitude de ses
personnages, leur égarement .
L'œuvre sera
désormais celle de
la déréliction tout en préservant l'humour
noir et sévère, cet humour qui désigne aussi l'écrivain comme
un successeur hors pair d'un autre Irlandais : Jonathan Swift.
Ici, la conscience ne peut acquérir de certitude autre que celle
du corps dans lequel elle vit enfermée , ne peut se saisir que
dans la peur qu'elle ressent à ne jamais parvenir à la moindre
clarté , à la moindre réponse ...
Nourrie de références aux
philo
sophes, tels Descarte
s, Vico ou Bruno , aux
romanciers- Joyce ,
etc .- , l'œuvre de Beckett ne cesse de nous éblouir tant par
la
gravité de ce qu'elle met en cause que par l' inventivité de la
langue qu'e
lle met à son service..
»
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