Samuel BECKETT : L'Innommable
Publié le 24/09/2012
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C'est encore au critique Maurice Blanchot qu'il faut donner la parole quand il s'agit de commenter l'oeuvre de Beckett, et en particulier L'Innommable : « Nous la trouvons (la réponse) plutôt dans le mouvement qui , à mesure que l'oeuvre cherche à s'accomplir, la ramène vers ce point où elle est à l'épreuve de l'impossible. Là, la parole ne parle pas, elle est, en elle rien ne commence, rien ne se dit, mais el le est toujours à nouveau et toujours recommence. (...) C'est aussi cette approche qui fait seule de l'art une recherche essentielle, et c'est pour l'avoir rendue sensible de la manière la plus abrupte que L'Innommable a bien plus d'importance pour la littérature que la plupart des oeuvres " réussies" qu'elle nous offre.
«
Photo Ozkok 1 Sipa-Press
Commentant la dé
possession à laquelle sont livr és ses per sonnages , Beckett déclarait , non sans humour "J'ai conç u Mo/lay et la suite le jour où j'a i pris co nscien ce de
ma bêtise.
Alors je me suis mis à écrire les choses que je sens
Le livre
Dernière partie
V
oilà.
Il y a "cette voix qui parle , se sachant menson
gère , indifférente à ce qu'elle dit, trop vieille peut-être
et trop humiliée pour pouvoir jamais dire enfin les mots qui la
fassent
cesser" .
Cette voix condamnée à parler pour être, pour
que l'exi stenc e
soit- errant dans un no man 's land échappant
aux catégories de l'espace et du temps -une zone neutre
d'où
ne peut s'échapper qu'une parole se heurtant sans cesse à
l'innommable , une parole qui ne peut plus même s'accrocher
à l'es poir illusoire d'
un dialogue ou d'une fiction.
Il y a un JE
qui semble ne jamai s vouloir se taire et qui s'épuise pourtant
dan s ces résidus de fictions déprimée s et désolées que sont
les
histoire s de Mahood et de Worm livrés à la menace du silence,
à l'effondrement d'une ultime tentative du récit et de ses per
so nnages.
L'intitrable
T 'Innommabl e, dernier volet , après M oll oy et Ma/ one
L meurt, de la trilogie , publié en 1953 , épuise la tentative
langagière amorcée dans les précédents récits.
Ce long mono
logue abandonne radicalement la fiction encore vivante, bien
que moribonde dans
Ma/one, renonce aux dialogues , aux des
criptions pour ne laisse r de place qu'à une logorrhée apparem
ment sans fin d
'êtres aux confins du néant.
Ils sont réduit s à
leurs corps, de s corps mutilés
ou déformé s ; Mahood ne sortira
pas de sa jarre (
un motif qui réapparaîtr a dans l'œuvre dra
matique de l'auteur) , Worm (un ver, en français) est une enve
loppe larvesque qui ne
s'accomplira jamais , dépourvue de
pa ssé, privée d
'ave nir.
De ces corps, ne s'éc happe qu'une
parole vaine, proche du râle, parole neutre à
la décomposition
de laquelle on assiste.
Progressivement ,
le langage se défait ,
d éla
isse les fictions auxquelles il serait par trop mensonger de
croire encore,
s'e nlise dans les répétition s et les redites sou
mettant le lecteur à difficile épreuve.
Les voix s'élèvent inlas
sa blement, au x pri ses avec un tragique fatigué.
Les êtres
vomissent le ur s mot s pour laisse r éc happer parfoi s des cris de
dé ses poir.
Mais qui pa
rle ?.
»
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