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SAINT-AMANT, Marc Antoine Girard, sieur de (vie et oeuvre)

Publié le 13/10/2018

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girard
VIE ŒUVRES PRINCIPALES
1594 30 sept. : baptême d’A. Girard, au temple protestant de Quevilly. Il prendra le nom de Saint-Amant, une propriété familiale, en 1616. 1603 Études au collège de la Marche, à Paris. ou 1608 1620 Fréquente le groupe d’écrivains qui se réunit chez Piat Maucors. Est protégé par plusieurs grands. 1625 Entre au service du duc de Retz. 1626 Voyage maritime au Sénégal. Avant Compose la Solitude. 1620 1623 L’Arion. Les Bacchanales, ballet de cour, en collaboration avec Théophile et Sorel. Rassemble ses premiers poèmes pour les insérer dans un recueil collectif (qui paraîtra en 1624). Le succès de la Solitude est déjà attesté.
 
 
Le Poète crotté. — La misère des poètes venus chercher fortune à Paris est, à cette époque, un lieu commun.
 
On trouve le même sujet dans le Francion de Sorel en 1626, comme plus tard dans les Historiettes de Tallemant. Saint-Amant présente un poète qui, rebuté devant les difficultés et les brimades, quitte Paris pour regagner sa province (bien entendu, il est gascon; autre lieu commun, à l'époque). Après avoir décrit le personnage, l'auteur le montre sortant de la capitale et se retournant vers la ville pour prononcer son Adieu : l'infortuné passe ainsi en revue tous les lieux qu'il a fréquentés, les aventures qu'il a connues, les misères et déceptions qu'il a subies. Saint-Amant réutilise donc la forme de l'« adieu », traditionnelle, qui avait été illustrée notamment par Marot {Adieu à Lyon).
Moïse sauvé. — A partir de quelques lignes de la Bible (Exode, 2), où il est raconté comment Moïse encore au berceau fut abandonné sur le Nil et recueilli par la fille du pharaon, Saint-Amant élabore un long poème de 6 000 vers divisé — sur le modèle des épopées antiques — en douze chants. Ce ne peut être une épopée : le héros est un nourrisson. Mais il relève bien du registre épique, avec des exploits et des irruptions du merveilleux. Saint-Amant invente quatre dangers (attaques d'un crocodile, d'un vautour, d'un essaim de « mouches », tempête) auxquels Moïse échappe grâce à la protection des anges ainsi que de trois personnages que l'auteur place près de lui : sa sœur, un jeune berger — soupirant de celle-ci — et un vieux pêcheur. L'action principale est coupée par plusieurs ^ récits, qui occupent, au total, plus de la moitié du texte. Ainsi, en particulier, un long récit de la vie de Jacob fait par le vieux pêcheur, un songe prophétique de la mère de Moïse, retraçant les exploits futurs du héros, et l'histoire de Joseph racontée à travers une série de tableaux peints que commente le père de Moïse. L'élaboration de cette amplification de l'épisode biblique s'étala sur huit ans; sa composition complexe permet l'alternance de moments de tension, relevant du registre héroïque, et de détente due à des passages plus statiques, bucoliques ou idylliques (amours de la jeune fille et de son berger).
Le désir de plaire à un public avant tout noble et mondain fait que Saint-Amant ne se conforme pas aux théories des « doctes » et, en particulier, imite assez peu les Anciens. Ce n’était pas par ignorance, comme l’ont affirmé ses détracteurs (Tallemant...), mais par goût. Comme les lecteurs à qui il s’adressait, il avait un profond mépris pour toute forme de pédantisme. Il possédait des langues modernes et imitait volontiers les poètes italiens (Marino, Tassoni) et espagnols (Gôngora). Il n’ignorait pas les thèses de Malherbe (son meilleur ami, Faret, était un malherbien fidèle), mais il se détournait de ce purisme — qui constituait une autre forme de modernisme — par souci de la diversité.
Il refusait de s’enfermer dans les « lois » des genres. S’il utilise volontiers des genres anciens, c’est en cherchant surtout à inventer des formes nouvelles, adaptées à sa démarche et à sa sensibilité. Il fut un des initiateurs du burlesque en France; mais le burlesque — chez lui — est plutôt un registre d’écriture qu’un genre au sens strict [v. Burlesque]. Typiques sont les noms que
Saint-Amant donne à ses grandes compositions : ainsi le Passage de Gibraltar (1640) est un « caprice héroï-comique »; le Moïse sauvé et la Généreuse (1658), des « idylles héroïques ». Ces dénominations ne sont pas de fantaisie : il consulta ses confrères de l’Académie sur le terme d’« idylle héroïque »; elles rendent compte de genres qui obéissent à des principes fondamentaux repé-rables. Comme l’a montré A. Rathé, le « caprice » correspond à une composition qui relève de l’harmonie musicale et non de l’enchaînement narratif ou logique; d’où une progression par ruptures soudaines des sujets, des thèmes, des registres même d’écriture, à la manière dont se font les associations imaginatives. Une telle attitude conduit à des formes qui sont caractérisées plus par leur tonalité générale que par des « règles » : ainsi la Solitude (avant 1620) est déjà, dès le début de l’œuvre, ce que les romantiques nommeront une « méditation poétique ». Telle est la donnée essentielle du modernisme de Saint-Amant : la liberté de la forme, nourrie par la recherche de nouvelles définitions adaptées à la dynamique originale de sa création.
Une poésie plastique
Pour lui, la poésie est inséparable de la peinture, sa « cousine germaine » (préface du Moïse). C’est pourquoi, si les sujets qu’il traite sont extrêmement variés, sa thématique privilégie les « visions ». Il faut ici entendre ce terme dans toutes ses acceptions. Ce peut d’abord être la description de « tableaux de genre », comme sont les « grotesques » peintures de cabaret et de mangeaille (le Fumeur, le Cantal, le Melon..., 1631) et les représentations satiriques d’un individu {le Poète crotté) ou d’une cité {la Rome ridicule). La description à partir d’un tableau peint intervient aussi comme élément majeur dans l’organisation même des grands poèmes narratifs (cf. l’histoire de Joseph dans le Moïse).
 
Mais la vision est aussi et davantage celle du regard fasciné par les spectacles de la nature : la mer, dans la Solitude; les décors saisonniers, dans les quatre sonnets qui forment un « cycle des saisons ». La description tente alors de saisir le mouvement instable du réel. Le monde devient, par le jeu des métaphores, incertain, composé d’éléments qui ne sont plus opposés mais similaires, par exemple le feu et la glace dans l'Hiver des Alpes, où chatoient
 
Ces atomes de feu qui sur la neige brillent,
 
Ces étincelles d'or, d'azur et de cristal,
 
Dont l'hiver au soleil d'un luxe oriental
 
Pare ses cheveux blancs que les vents éparpillent.

girard

« La diversité est manifeste à travers les différentes tendances qui s'entremêlent dans sa production.

Les poè­ mes bachiques y voisinent avec des poèmes de circons­ tance sur les sujets les plus variés : pièces de louanges pour les Grands, poésies amoureuses, descriptions de paysages...

La satire - de commande (il écrivit, par exemple, pour Richelieu contre le duc de Savoie) ou de réaction personnelle (l'Albion, la Rome ridicule sont nées de ses voyages en Angleterre et en Italie) - peut être féroce, ou simplement amusée (le Poète crotté, 1631 ) ..

Le registre épique est aussi présent.

Ainsi le Moïse sauvé (1647-1653) est une forme d'épopée chré­ tienne, genre qui donna lieu à de nombreux essais, le plus souvent malheureux; cette œuvre reçut un assez bon accueil, puis fut frappée par le discrédit où tomba toute production de ce genre.

Le Poète crotté.

- La misère des poètes venus cher­ cher fortune à Paris est, à cette époque, un lieu commun.

On trouve le même sujet dans le Francion de Sorel en 1626, comme plus tard dans les Historiettes de Tallemant Saint-Amant présente un poète qui, rebuté devant les diffi­ cultés et les brimades, quitte Paris pour regagner sa pro­ vince (bien entendu.

il est gascon; autre lieu commun, à l'époque).

Après avoir décrit le personnage, l'auteur le mon­ tre sortant de la capitale et se retournant vers la ville pour prononcer son Adieu : l'infortuné passe ainsi en revue tous les lieux qu'il a fréquentés, les aventures qu'il a connues, les misères et déceptions qu'il a subies.

Saint-Amant réuti­ lise donc la forme de l'« adieu», traditionnelle.

qui avait été illustrée notamment par Marot (Adieu à Lyon).

Moïse sauvé.- A partir de quelques lignes de la Bible (Exode, 2).

où il est raconté comment Moïse encore au berceau fut abandonné sur le Nil et recueilli par la fille du pharaon.

Saint-Amant élabore un long poème de 6 000 vers divisé- sur le modèle des épopées antiques- en douze chants.

Ce ne peut être une épopée : le héros est un nour­ risson.

Mais il relève bien du registre épique, avec des exploits et des irruptions du merveilleux.

Saint-Amant invente quatre dangers (attaques d'un crocodile.

d'un vau­ tour.

d'un essaim de «mouches», tempête) auxquels Moïse échappe grâce à la protection des anges ainsi que de trois personnages que l'auteur place près de lui : sa sœur.

un jeune berger -soupirant de celle-ci - et un vieux pêcheur.

L'action principale est coupée par plusieurs récits, qui occupent.

au total, plus de la moitié du texte.

Ainsi, en particulier, un long récit de la vie de Jacob fait par le vieux pêcheur, un songe prophétique de la mère de Moïse, retraçant les exploits futurs du héros, et l'histoire de Joseph racontée à travers une série de tableaux peints que commente le père de Moïse.

L'élaboration de cette amplification de l'épisode biblique s'étala sur huit ans; sa composition complexe permet l'alternance de moments de tension, relevant du registre héroïque, et de détente due à des passages plus statiques, bucoliques ou idylliques (amours de la jeune fille et de son berger).

Le désir de plaire à un public avant tout noble et mondain fait que Saint-Amant ne se conforme pas aux théories des « doctes » et, en particulier, imite assez peu les Anciens.

Ce n'était pas par ignorance, comme l'ont affirmé ses détracteurs (Tallemant...), mais par goût.

Comme les lecteurs à qui il s'adressait, il avait un pro­ fond mépris pour toute forme de pédantisme.

Il possédait des langues modernes et imitait volontiers les poètes italiens (Marino, Tassoni) et espagnols (Gôngora).

Il n'ignorait pas les thèses de Malherbe (son meilleur ami, Faret, était un malherbien fidèle), mais il se détournait de ce purisme - qui constituait une autre forme de modernisme- par souci de la diversité.

Il refusait de s'enfermer dans les «lois>> des genres.

S'il utilise volontiers des genres anciens, c'est en cherchant surtout à inventer des formes nouvelles, adap­ tées à sa démarche et à sa sensibilité.

Il fut un des initia­ teurs du burlesque en France; mais le burlesque - chez lui - est plutôt un registre d'écriture qu'un genre au sens strict [v.

BuRLESQUE].

Typiques sont les noms que Saint-Amant donne à ses grandes compositions : ainsi le Passage de Gibraltar (1640) est un «caprice héroï­ comique »; le Moïse sauvé et la Généreuse (1658), des «idylles héroïques».

Ces dénominations ne sont pas de fantaisie : il consulta ses confrères de l'Académie sur le terme d'« idylle héroïque»; elles rendent compte de genres qui obéissent à des principes fondamentaux repé­ rables.

Comme l'a montré A.

Rathé, le «caprice» cor­ respond à une composition qui relève de l'harmonie musicale et non de l'enchaînement narratif ou logique; d'où une progression par ruptures soudaines des sujets, des thèmes, des registres même d'écriture, à la manière dont se font les associations imaginatives.

Une telle atti­ tude conduit à des formes qui sont caractérisées plus par leur tonalité générale que par des « règles » : ainsi la Solitude (avant 1620) est déjà, dès le début de l'œuvre, ce que les romantiques nommeront une « méditation poé­ tique >>.

Telle est la donnée essentielle du modernisme de Saint-Amant : la liberté de la forme, nourrie par la recherche de nouvelles définitions adaptées à la dynami­ que originale de sa création.

Une poésie plastique Pour lui, la poésie est inséparable de la peinture, sa «cousine germaine» (préface du Moïse).

C'est pour­ quoi, si les sujets qu'il traite sont extrêmement variés, sa thématique privilégie les « visions ».

Il faut ici entendre ce terme dans toutes ses acceptions.

Ce peut d'abord être la description de « tableaux de genre », comme sont les « grotesques » peintures de cabaret et de mangeaille (le Fumeur, le Cantal, le Melon ...

, 1631) et les représenta­ tions satiriques d'un individu (le Poète crotté) ou d'une cité (la Rome ridicule).

La description à partir d'un tableau peint intervient aussi comme élément majeur dans l'organisation même des grands poèmes narratifs (cf.

l'histoire de Joseph dans le Moïse).

Mais la vision est aussi et davantage celle du regard fasciné par les spectacles de la nature : la mer, dans la Solitude; les décors saisonniers, dans les quatre sonnets qui forment un« cycle des saisons ».La description tente alors de saisir le mouvement instable du réel.

Le monde devient, par le jeu des métaphores.

incertain, composé d'éléments qui ne sont plus opposés mais similaires, par exemple le feu et la glace dans l'Hiver des Alpes, où chatoient Ces atomes de feu qui sur la neige brillent, Ces étincelles d'or, d'azur et de cristal, Dont l'hiver au soleil d'un luxe oriental Pare ses cheveux blancs que les vents éparpillent.

La description tourne à la rêverie, les sens le cèdent à l'imagination, par exemple lorsque le poète évoque les profondeurs marines comme un monde inversé, où les poissons deviennent oiseaux, où l'air et l'eau ne sont plus des contraires.

Jeu de miroirs, monde renversé.

Enfin la « vision» est aussi, chez Saint-Amant, non plus seulement sollicitation de l'imaginaire par la sur­ prise des sens devant un spectacle extérieur, mais créa­ tion fantastique.

C'est d'ailleurs en ce sens qu'il emploie lui-même ce mot.

Ses « visions » relèvent des métamor­ phoses, des hallucinations macabres - les motifs funè­ bres sont largement représentés à travers cette œuvre pourtant destinée à exprimer la gaieté avant tout - : Un grand chien maigre et noir, se traînant lentement, Accompagné d'horreur et d'épouvantement, S'en vient toutes les nuits.

hurler devant ma porte, Redoublant ses abois d'une effroyable sorte.

Saint-Amant est, à coup sûr, le meilleur poète descrip­ tif de cette époque, et il a été largement imité.

On conçoit sans peine que cette liberté donnée à l'imagination, cette poésie de sensualité et de rêverie aient pu lui attirer. »

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