RousSEAU Discours sur les sciences et les arts Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes Du contrat social, ou Principes du droit politique Émile, ou De l'éducation
Publié le 01/05/2014
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blasphémateur, et impie. Cela incite sérieusement, et avec succès, le gouvernement de la République de Genève à faire brûler ses couvres, à commencer par les Lettres de la Montagne, et à bannir l'auteur. Cela appelle (ironiquement) à l'enfermer o avec les fous «, ou à le brûler en place publique. Cela est de la main de Voltaire. On sait que le même Voltaire préparait pour le compte de Tronchin, syndic de Genève, toutes les pièces propres à pouvoir faire condamner Rousseau. Ceci noté non pour montrer à quelle bassesse et quelle infamie un grand homme peut aller, mais pour donner idée de la façon dont Rousseau s'était exposé, ressenti comme une écharde insupportable aux deux camps qui se disputaient la suprématie. Comprendre l'Émile, c'est aussi comprendre par quoi il pouvait susciter de tels débordements.
Dans la masse touffue qui constitue l'Émile, renonçant à tracer une carte même approximative, on proposera deux itinéraires permettant un premier repérage. Le premier, dans le droit-fil du titre et de l'objet explicite du livre, interrogera ce paradoxe : comment Rousseau, en double rupture avec le modèle spontané
de la nature (qui récuse l'idée même d'éducation) et le modèle rationnel de l'état civil (qui requiert une éducation publique), peut-il promouvoir cette éducation privée pour la vie civile qu'il propose à Émile ? Le second ira droit vers les hauteurs du Livre IV, où se trouve la Profession de foi du Vicaire savoyard, pour tenter de comprendre ce qui dans ce texte a pu provoquer une telle coalition de poursuites, de rejets et de haines, entre elles si disparates et contradictoires.
À formuler l'objet de l'Émile, traité romancé de l'éducation d'un jeune homme, de sa naissance à son entrée dans le monde comme mari, père, et citoyen, le lecteur des oeuvres précédentes ou contemporaines de Rousseau est en droit d'éprouver quelque surprise. Dans les discours, n'a-t-il pas qualifié l'éducation de
dépravation «, puisqu'elle consiste à substituer aux propriétés naturelles de l'homme les artifices de la culture ? Le lecteur du Discours sur l'économie politique' et du Contrat ne sait-il pas que l'état civil légitime requiert une éducation publique qui, soustrayant l'homme à l'empire de l'intérêt, l'élève à la vertu des républiques antiques ? Le précepteur d'Émile, quant à lui, entend nous montrer comment son élève, éduqué dans l'isolement domestique suivant les préceptes de la saine nature, sera mieux armé pour affronter les embûches de l'état civil ! Il n'y a pourtant là aucune contradiction. C'est même à la compréhension de ce point qu'est suspendue une juste lecture de l'Émile.
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