ROSNY aîné: La Guerre du feu (Fiche de lecture)
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
Troisième partie : retour par le chemin inverse (désert et eaux avec les Wah, second modèle), forêt et retour à lasavane).
Il y a donc là un itinéraire parfaitement symétrique qui met en valeur l'épisode central des mammouths.
3.
Le temps, les nombresLe récit suit linéairement, sans retour en arrière ni projection, la quête du héros ; mais ce sont les chiffres, non lesdates qui le structurent.
a/ Trois étapes, trois livres, trois héros contre troisA la victoire des mammouths sur les aurochs, répond celle de Naoh contre Aghoo (pp.
51, 275) et le sens s'enéclaire : les mammouths et Naoh, leur « allié » (l'intelligence, la solidarité), triomphent des aurochs et d'Aghoo,justement « fils de l'Aurochs » (l'ancienne loi de la force, la brutalité bête).Au voyage des mammouths pour protéger les Oulhamr (pp.
167-184) répond celui des Wah (pp.
232-244).
Autresymétrie entre mammouths et Wah : intelligents et solidaires, ils sont pourtant promis à la disparition.
Enfin, chaquegroupe fait un don essentiel à Naoh : l'un lui enseigne la valeur de l'alliance, l'autre celle de la technique, deux clefspour combattre la force.
b/ InterprétationCette organisation rigoureuse et clarifiante, on le voit, repose sur le chiffre : les indications de temps sont descomptages (qui ne dépassent pas 10) ou des lunes.
Et ce système du comptage, c'est la trouvaille du réalisme deRosny : il nous fait, en effet, vivre le temps même du héros.
Les Oulhamr savent dénombrer par dizaines sur lesmains (p.
23), mais non dater.
Ils n'ont encore conscience ni de la fuite du temps, ni d'un projet, ni de la mort, saufimmédiate, ni des dieux.
Dans la « nuit des âges », il n'y a pas encore d'histoire, donc pas de chronologie, mais unesuccession de moments.
Bien plus, la fin du roman ne nous dit pas que la maîtrise du feu est l'accession à l'histoire.Le dernier chapitre, reprenant le point de vue du premier (une vision globale de la tribu), indique un temps fermé : laguerre du feu est donc un épisode comme il y en eut tant dans la préhistoire.Dans les mythes traditionnels de genèse, par exemple, dans le mythe de Prométhée tel que nous le présente Platondans le Protagoras (320 d-322 d), la maîtrise du feu, c'est l'accession de l'homme à la technique, à l'intelligence, àl'histoire.
Rosny, au contraire, montre que les deux événements ne sont pas liés.
C'est ce que Catherine Perlés (LaRecherche, mars 1982) explique : si maîtriser la peur du feu est la vraie nouveauté, en revanche la technique deproduction du feu n'est ni une « invention datable » ni un signe d'accession à l'histoire.
L'épisode du mammouth (p.179) et la fin questionnante du livre confirment la remarquable modernité de Rosny.
Ne donnant plus la préhistoirecomme bestiale, antérieure donc inférieure à l'histoire, il la montre terrible et magnifique.
L'homme y produit déjàtechnique et valeurs.
Mais elle est autre, poétique, comme l'est l'autre temps de la science-fiction.
Le genre
1.
Un roman-feuilleton
L'ouvrage renferme les procédés essentiels du feuilleton :
1.
Un roman par scènes autonomes : à chaque chapitre, une description et un épisode complet d'une action titréeclairement.2.
Chaque scène est reliée à la suivante par le procédé du suspens : un accident, puis un succès du hérosgénéralement dus au hasard, puis l'amorce d'un nouveau péril, dans le même chapitre.3.
La continuité de l'intrigue est assurée par le fait qu'on ne quitte jamais le héros.4.
Enfin le caractère des personnages est simple, il y a beaucoup d'action et peu de progrès psychologique, ce quise conçoit de la mentalité préhistorique, mais aide le lecteur à retrouver toujours son héros presque inchangé, mêmes'il n'a pu lire un épisode.
2.
Une épopée
La structure d'ensemble est celle d'une quête dont un modèle est L'Odyssée, ou L'Énéide, épopée fondatrice.On y trouve le voyage extraordinaire, l'amitié virile et le but commun qui lient les compagnons du héros, la rencontredu merveilleux (qui est ici rapporté à la nature et non aux dieux), les combats de groupe et les affrontementssinguliers, les obstacles du monde (cavernes, faim, soif) ; enfin ce voyage est « apprentissage » par la progressivevictoire sur les embûches : Ulysse et Naoh développent leur « ruse », leur force physique, leur force morale(manifeste dans la décision de s'arracher à' un paradis, Carthage pour Énée, l'Eldorado des mammouths dans LaGuerre du feu).
Comme Ulysse ou Énée, Naoh développe surtout ses connaissances (feu, armes propulsées, plantes)et les procure à ses semblables : épopée du progrès.
Enfin, tous reviennent meurtris mais grandis et pourrontreprendre le pouvoir ou fonder une race..
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