ROMAN DU CHATELAIN DE COUCY ET DE LA DAME DE FAYEL. Jakemon Sakesep
Publié le 19/10/2015
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Roman en vers, composé vers la fin du xiiie siècle par un poète du nord de la France, Jakemon Sakesep (selon certains, il s'agirait. d’après un acrostiche trouvé dans la dernière partie du poème, de Jacques Bretel). Renaut. châtelain de Coucy. fier chevalier et bon poète, aime la dame de Fayel qui tout d’abord. fidèle à son mari. repousse l’amour du chevalier. Mais touchée par la chaleur du sentiment dont elle est l’objet. elle accorde à Renaut de porter ses couleurs en un tournoi. Le chevalier accomplit des prodiges de vaillance et peu à peu la dame est conquise. Elle reçoit son amant la nuit, avec la complicité d’une chambrière fidèle, Ysabiel, qui est prête, si jamais le seigneur de Fayel découvrait la chose, à faire croire que le chevalier vient pour elle. Mais une dame. amoureuse de Renaut et jalouse, révèle au mari le secret qu’elle a découvert : grâce à Ysabiel, les amants esquivent le danger. En redoublant de précaution. ils continuent de se voir, aidés par Gobiert. un serviteur dont la dame de Fayel s’est assuré le dévouement. Les soupçons du mari sont encore une fois mis en éveil et il a recours à une ruse. Il feint de vouloir se croiser et il annonce qu’il emmènera sa femme en Terre Sainte. Renaut songe immédiatement à prendre lui-même la croix et se joint aux chevaliers de Richard Cœur de Lion. Au moment de partir, le seigneur de Fayel simule la maladie et renonce à l’entreprise, au grand désespoir des deux amants. La dame donne une tresse de ses cheveux à Renaut qui part. Le châtelain de Coucy se couvre de gloire contre les Sarrasins ; il est blessé par une flèche empoisonnée. et avant de mourir il demande à Gobiert, qui l'a suivi, de faire embaumer son cœur, de l'enfermer en un coffret avec la tresse de cheveux et de le porter à sa dame. Lorsque Gobiert arrive à Fayel avec ses précieuses reliques. il est surpris par son ancien seigneur qui s’empare du coffret, et mû par sa vieille haine et sa jalousie, prépare une terrible vengeance. Il fait accommoder par son cuisinier comme un mets délicat le cœur du malheureux Renaut et le fait servir à sa femme ; puis, lorsqu’elle y a goûté. il lui révèle sa vengeance et lui montre la tresse. La dame fait serment de ne plus jamais goûter aucun mets, ayant goûté celui-ci qui est le plus noble de tous. Elle tombe évanouie et meurt.
«
D'une édit.
de l'Histoire de la destruction
de Troie (Sirasbourg,1489),
Le succès que connut cet ouvrage au cours du
Moyen Age fut immense.
Il fut transposé en
vers -pour ne citer que l'exemple le plus illus
tre -dans le Roman de Troie (v.
ci-après), dont
phisieurs dizaines de manuscrits nous ont été
conservés.
* Le Roman de Troie, poème comprenant envi
ron 30.000 vers octosyllabiques rimés en dialecte
tourangeau, fut composé vers 1165 par Benoit
de Sainte-More, probablement le même • maistre
Beneeit' qui, à peu près à la même époque,
versifiait, à la demande d'Henri Il Plantagenet,
une chronique des ducs de Normandie (v.
His·
toire de France).
Le poème est dédié à Aliénor
de Guyenne, reine d'Angleterre.
Une édition cri
tique, due à Léopold Constans, fut publiée sous
le titre Le Roman de Troie, à Paris, en 6 vo
lumes, entre 1904 et 1912.
Le roman appartient
au cycle épique que l'on est convenu d'appeler
le C11cle classique (*).
Il raconte l'histoire fabu
leuse de Troie, non pas selon Homère, qui n'était
alors connu que de nom, mais en suivant surtout
les traces des deux textes latins de Dictys le
Crétois et de Darès le Phrygien.
Le poème de
Benott de Sainte-More commence donc avec l'en·
treprise des Argonautes et la première destruc
tion d'Illion ; il raconte la renaissance de la
ville, l'histoire du siège et le départ de l'armée
grecque coalisée.
en nous informant du sort des
di fférents héros.
à commencer par Ulysse.
Bien
que l'auteur déclare son intention de rester fidèle
aux sources auxquelles il puise, il modifte large
ment ; il amplifie surtout, en ajoutant mille dé·
tails.
avec une inspiration aisée, une élocution
nette, agréable et attachante, mals qui n'évite
pas toujours une certaine platitude de la· phrase
et du vers.
Dans son poème on retrouve , -·plus
accentué que dans le Roman de Thèbes .
qui
l ui est très proche dans l'ensemble, -le goût,
d'une part.
pour la science faite de curiosité,
d'autre part, pour la galanterie chevaleresque.
II
11 nn faible pour les histoires d'amour et sa fan
taisie s'y attache avec une applicatio n particu·
IIère ..
Entièrement de ·son invention est probable·
ment le long épisode de la passion malheureuse
et de la mort de TroDus, amant comblé de Bri•éis
Hector et Ménélas.
Peinture sur vase,
V II• s.
av.
J.-C.
(Musée de Rhodes).
tant
qu'elle est près de lui, mais qu'elle délaisse
pour Diomède dès qu'elle quitte le camp troyen
pour le camp des Grecs.
L'histoire de Troïlus
devait être reprise plus tard par Boccace dans
son Pliilostrate, par Chaucer dans Tro11lUB and
Crisevde, et devenir, en passant dans les mains
de Shakespeare, un thème célèbre de la littérature
européenne (v, Trdi!us et Cre..,ida).
* Le poème de Benoit de Sainte-More eut une
carrière triomphale au Moyen Age, et particuliè
rement en Allemagne.
car d'après une ancienne
tradition, les Francs -comme déjà les Romains -
se disaient les descendants des Troyens en exil ;
on connatt en effet plusieurs remaniements du
poème en langue allemande.
Le premier en date
fut le Chant de Troie [Liet '""' TrOlle], poème
composé au début du nn• siècle par Herbort
von Fritzlar à la demande du landgrave Her
mann de Thuringe (1190-1217), pour être placé
en tête de l' Énéide (*l de Heinrich von Veldeke.
Le récit commence par l'expédition des Argo
nautes et la conquête de Troie par Hercule et
se déroule jusqu'aux événements chantés par
Homère.
Les épisodes d'amour sont nombreux ;
en plus des amours d'Hélène et de Pâris, le poète
raconte l'histoire de Jason et de Médée, celle de
Troilus et de Brlséls, celle d'Achille et de Po
lyxène.
Les descriptions sont fréquentes et en
particulier les descriptions de batailles, de bou
cliers, de paysages.
Le Liet von l'roye adapte le
récit à l'époque, à la mythologie et aux coutumes
allemandes ; et cet effort d'adaptation au goftt
du Moyen Age germanique ne pouvait conserver
au poème aucun contact avec l'esprit du monde
hellénique, ce qui n'allait pas sans nuire à sa
valeur intrinsèque.
On sent trop le déguisement
des héros grecs en preux chevaliers, on sent trop
la préoccupation du poète pour que toute action
réponde aux préceptes de la courtoisie.
Même
dans la forme, -avec ses résidus populaires et
ses âpretés, -le poème est encore éloigné de la
grande poésie épique.
·
* La Guerre de Trdie [Troianischer Krieg] de
Konrad von Würzburg (1230-1287) est encore un
remaniement du poème francais.
en moyen haut
allemand, comprenant 40.424 vers.
L'auteur, né
à Würzburg, vécut d'abord à Strasbour g, puis
à Bâle où Il mourut.
Formé par l'étude des
œuvres de Hartmann von Aue et de Gottfried
de Strasbourg, son style est d'une rare élégance
et sa versification d'une aisance remarquable.
Ses
meilleure s œuvres.
de courts poèmes.
sont d'une
grande beauté.
Dans la Guerre de Troi e, œuvre
si vaste gu'il la comparait • à la mer infhûe »,
le poète bavarois se servit -pour les faits anté
rieurs dont ne parlait pas le modèle francais -
de la rédaction latine de Pindare de Thèbes
et de i'Achi!!eide (•l de Stace.
Et dans cette
partie de son œuvre.
il donna libre cours à sa
fantaisie, en perdant de vue l'ensemble du rècit
et en s'attardant à des détails secondaires.
Il
laissa inachevé son poème, qui trouva un conti
nuateur médiocre.
Celui-cl raconta en 10.000 vers
la conclusion de la guerre de Troie et le retour
des Grecs à 1ëur foyer, d'une facon encore moins _
heureuse.
Le travestissement de la.
vie des Grecs.
à la mode germanique de la chevalerie médiévale,
est Ici outré au point de devenir risible.
* Un autre poème allemand sur Je même argu
ment, !a Guerre troyenne [Der Trt>ianer Krieg], -
dite de Gôttwei g (nom du couvent oli le manus
crit était conservé), -a été composé vers 1300.
Il n'est pas supérieur au poème de Konrad , ni
au Chant de Herbort von· Fritzlar.
Comme ceux
ci, Il habille l'épopée grecque à la mode court!·
sane, en introduisant des motifs et des attitudes
venant du • cycle breton • et de la saga de Théo·
doric.
Il convient de mentionner, parmi les autres
remaniements ultérieurs.
trois romans en prose :
l'un de Hans Mair, un autre de Heinrich von
Braunschweig, et un troisième, anonyme.
* On trouve, en Italie, le célèbre remanie
ment de Guido delle Colonne ((iuido < �olonna.
XIII• siècle) ; Histdire de la destruction de Troie
[Historia .destructionis 1'roiae], composé en 1287,
imprimé pour la première fois en 14 73 environ
et publié, en une médiocre édition critique, par
N.E.
Grltlln en 1936.
En se servant du poème de
Benoit de Sainte-More (qu'II ne nomme pas),
Guido delle Colonne offre à ses contemporains, en
une forme pJus synthétique et en une langue
plus connue, le travestissement médiéval des deux
mystifications littéraires de l'épopée d'Homère,
attribuées, J'une à Dictys de Crète, J'autre à
Darés de Phrygie.
L'ouvrage réunit toutes les
déformations subies par J'épopée troyenne : le
rationalisme des récits de Darès et de Dlctys, Je
travestissement médiéval du Roman de Troie avec
son ton sentimental et son esprit aventureux et
chevaleresque.
Guido y apporte quelque chose de
nouveau ; un soin minutieux des détails, qui
peuvent ajouter à la crédibilité des faits racontés,
et un ton moraliaateur qui s'exhale en de nom·
«1 WtcOcbdlru liwn fion miiS"I'Jdl!O•,nO "'"'"' ".!!" �rcJ,untm lrott>cn· "" warff tn fût rnn miitc:rlmo fchtron·tncb kant crrl! nn rnn mi'tl;rretn
.Achiile revenant de la chasse.
D'une édit.
allemande du Roman de Troie.
breuses digressions (sur la fausseté de la religion
païenne, sur les tristes conséquences du défaut
de courtoisie des princes, sur les dangers de la
promiscuité des jeune s gens et des femmes au
cours des réjouisaances et des fêtes, etc.).
La
compilation de Guido fut traduite dans presque
toutes les langues et eut nne diffusion qui dé·
passa même celle du poème original de Benoit
de Sainte-More.
-T.F.
La grant destruction de
Tr 011e, avec la généalouie de ceulx par qu; elle rut
édifiée et destruicte, par Jehan Trepperel, à Paris
(sans date).
* Aussi bien du poème francais que de son
remaniement par Guido delle Colonne, on connait
plusieurs traductions espagnoles qui portent le
titre de OrOnica Troyana.
L"une d'elles.
con
servée par un Ms.
de l'Escurial, fut terminée en
1350 ; une autre, en galicien, dont le Ms.
publié
en 1900, avait appartenu au marquis de Santll
lane.
est considérée comme le plus ancien docu
ment de la littérature galicienne.
On connait
encore une traduction bilingue (en galicien et en
castillan) ; une traduction en castillan qui passe
ponr être de.
Jaime Conesa (1367) ; enfin, de très
nombreuses traductions espagnoles.
* Mentionnons encore, en Italie, une Petite his
toire tr011 enne [lstorietta troiana], version en prose vulgaire du Roman de Troie de Benoit de SainteMore.
ou plus probablement dérivant d'un remaniement du poème, car elle est en plusieurs
points abrégée ou fort éloignée de son modèle.
Elle nous est parvenue incomplète, en un Ms.
de la Bibliothèque Laurentienne de Florence, ·remontant aux premières années du XIV8 siècle elle porte un titre mi-italien, mi-francais • Questo è il libro de la destruction de Troie
W.
Canton présentant les • Faits de la guerre
de Troie • à Marguerite d'York
(Bibl.
Chetswortll)..
»
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