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Rodogune

Publié le 10/04/2013

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La première tragédie de Corneille, Médée (1635), exploitait déjà Je thème de la mère criminelle. Corneille nous signale lui-même la filiation qui unit Médée et Rodogune, en parlant dans !'Avertissement de 1647 de « seconde Médée « à propos de la reine Cléopâtre. Dans ce même Avertissement, Corneille fait référence aux sources historiques de sa Rodogune (1645) : le sujet est tiré de l'historien grec Appien, que Corneille a lu dans une traduction latine ; mais le dramaturge revendique aussi le droit, dans cet Avertissement, aux « embellissements de l'invention «. Cléopâtre n'est-elle pas un mon,stre redoutable, un de ces « anges noirs « dont parle Giraudoux à propos des héros raciniens du mal ? Elle a en tout cas éveillé une terreur partagée. On parle à son sujet de « femme odieuse et hideuse, toujours en furie et en démence « (Lessing, Dramaturgie de Hambourg, 1768), de personnage « odieux d'un bout à l'autre de la pièce « (Saint-Marc Girardin, 1863), de femme « dépourvue de tout scrupule « (J. Scherer).

« EXTRAITS Le premier monologue de Cléopâtre ne laisse pas de doute sur la haine démesurée que la reine porte à sa captive, Rodogune CLÉOPATRE Tu m'estimes bien lâche, imprudente rivale, Si tu crois que mon cœur jusque-là se ravale, Qu'il souffre qu'un hymen qu'on t'a promis en vain Te mette ta vengeance et mon sceptre à la main.

Vois jusqu'où m'emporta l'amour du diadème, Vois quel sang il me coûte, et tremble pour toi-même : Tremble, te dis-je ; et songe, en dépit du traité, Que pour t'en faire un don je l'ai trop acheté.

L'amour fraternel de Séleucos et d' Antiochos triomphera provisoirement de l'ambition sans borne de Cléopâtre SÉLEUCUS Ellefait bien sonner ce grand amour de mère, Mais elle seule enfin s'aime et se considère;(.

..

) Nous ayant embrassés, elle nous assassine, En veut au cher objet dont nous sommes épris, Nous demande son sang, met le trône à ce prix.

Ce n'est plus de sa main qu'il nous le faut attendre : Il est, il est à nous, si nous osons le prendre.

( . ..

) Notre amour, aujourd'hui si digne de pitié, Ne saurait triompher que par notre amitié.

«De la paix qu'elle rompt je ne suis plus le gage : / Je brise avec honneur mon illustre esclavage.» Rodogune demande, pour prix de son cœur, un matricide « Serment fallacieux, salutaire contrainte, / Que m'imposa la force et qu'accepta ma crainte ...

» NOTES DE L'ÉDITEUR « Pièce étrange, sommaire, monumentale, qui irrite à la lecture parce qu'on a le temps d'en apercevoir les invraisemblances, mais qui garde une grande puissance à la scène, parce qu'on est tenu en suspens jusqu'à la dernière minute par le désir de savoir ce qui va se passer.

A cet égard, l'action est comparable à celle d' Œdipe Roi, indéfendable à la réflexion et pourtant d'une force dramatique incomparable.» Jean Schlumberger, Plaisir à Corneille.

RODOGUNE C'est à vous de choisir mon amour ou ma haine.

J'aime les fils du Roi, je hais ceux de la Reine ; Régle z-vous là-dessus; et sans plus me presser, Voyez auquel des deux vous voulez renoncer.

Il faut prendre parti, mon choix suivr.(1.

le vôtre ...

C'est peut-être dans les ultimes paroles de la reine mourante que retentit le mieux la force de sa cruauté, lorsqu'elle maudit Antiochos et Rodogune CLÉOPATRE Puisse le Ciel tous deux vous prendre pour victimes, Et laisser choir sur vous les peines de mes crimes ! Puissie z-vous ne trouver dedans votre union Qu' horreur, que jalousie, et que confusion ! Et pour vous souhaiter tous les malheurs ensemble, Puisse naître de vous un fils qui me ressemble.

«Avec Rodogune( ...

), Corneille reprend son thème de prédilection : la volonté de puissance.

Il veut faire admirer les sources de l'énergie, même quand celle-ci est exaltée jusqu'au crime.

De Cléopâtre, il écrit : " Tous ses crimes sont accompagnés d'une grandeur d'âme qui a quelque chose de si haut qu'en même temps qu'on déteste ses actions, on admire la source dont elles partent." (Trois discours sur l'art dramatique, 1660).

Cette illustration farouche et pure du crime pose dans Rodogune une technique de l'intrigue dont les sévères nécessités ont déterminé la logique des caractères et altéré la vérité psychologique.

La trame de la tragédie, les combinaisons et les péripéties de l 'arg ument ont fini par recouvrir la forme humaine et les signes de la vie.

Pour parvenir au maximum d'effet ou d'intensité pathétique du dernier acte, tout a été su bordonné à la dramaturgie.

» Octave N adal, Le Sentiment de l'amour dans l'œuvre de Pierre Corneille, Gallimard.

1 C o rneill e par L ebrun , musée de Versaill es I Roge r-Vi o llet 2, 3 , 4 ill.

d e Ph.

L eje u ne, Club d u L ivre , P aris I D.R.

CORNEILLE 07. »

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