Richesse du monde, pauvretés des nations de Daniel Cohen
Publié le 04/01/2013
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Dans cet ouvrage stimulant, Daniel Cohen cherche à expliquer les causes du développement de la pauvreté dans un monde dont la richesse globale ne fait que croître. Après une comparaison entre la situation de l'Afrique sub-saharienne et de l'Asie du Sud-est, l'auteur étudie la crise qui affecte les pays occidentaux, dont une des manifestations les plus éclatantes est sans aucun doute la croissance des inégalités. De son point de vue, cette croissance des inégalités et de l'exclusion n'est en aucun cas liée au développement du commerce international et à l'émergence des nouveaux pays industrialisés. Ceux-ci en effet occupent en effet une place trop peu significative dans les échanges mondiaux. C'est plutôt dans la dynamique interne des capitalismes occidentaux - et en particulier dans le déroulement d'une troisième révolution industrielle - qu'il faut chercher les causes de nos maux actuels. La tertiarisation de l'économie, la place grandissante des « producteurs de symboles « par rapport aux producteurs de biens matériels, les nouvelles stratégies d'entreprise créent un chômage de masse et marginalisent des populations entières. Ce mouvement est d'autant plus important que l'on assiste à une faillite des politiques économiques classiques pour réguler le fonctionnement des sociétés et maintenir des solidarités minimales. Les conclusions de l'auteur paraissent pour le moins pessimistes. La montée de l'individualisme, les « appariements sélectifs « et l'exclusion de masse paraissent inéluctables. Les propositions de Daniel Cohen pour faire face à ce mouvement tiennent en quelques paragraphes : un effort sans précédent de formation et l'institution d'un revenu minimum pour l'ensemble de la population. Tout en ne cachant pas son scepticisme quant à la capacité d'un Etat à mettre aujourd'hui en oeuvre cette solidarité minimale envers les plus défavorisés de ses citoyens. Daniel Cohen est professeur de sciences économiques à l'Ecole Normale Supérieure et à l'université de Paris I. Il a également publié Les infortunes de la prospérité en 1994. Dans Richesse du monde, pauvreté des nations, Daniel Cohen se propose de répondre à une question qui détermine à la fois la manière dont les pays occidentaux se représentent le monde et les politiques nationales de ces mêmes pays aujourd'hui: l'enrichissement des pays pauvres est-il la cause de l'appauvrissement des pays riches? La mondialisation est-elle la clé de tous nos maux, inégalités, chômage, exclusion? Or, Cohen démontre de façon rigoureuse, à l'aide d'analyses économiques, historiques et sociologiques, pourquoi cette question ne se pose pas, et même, détourne les nations occidentales des véritables transformations de la fin du XXème siècle. En effet, c'est plutôt, selon lui, une nouvelle révolution industrielle qui bouleverse les modes de production et crée des déséquilibres à l'intérieur des nations, et non entre les nations. La mondialisation ne serait donc qu'un phénomène-écran qui s'insinue dans les interstices qu'offre cette nouvelle révolution industrielle. A l'échelle des Etats, c'est cette révolution industrielle qui est responsable de l'amplitude actuelle du chômage et des inégalités qui ne peuvent s'expliquer par la concurrence des pays pauvres. A l'issue de cette réflexion, Daniel Cohen nous livre les moyens de repenser le politique à l'intérieur des nations occidentales, afin de donner une nouvelle cohésion de l'ordre social, adaptée aux exigences de cette révolution industrielle. Résumé&l...
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Résumé
Le phénomène d'enrichissement des ex-colonies, parallèlement à l'apparition de chômeurs en Europe
et de "working poor" aux Etats-Unis, porte à croire que le commerce mondial est le vecteur d'un
renversement des anciens équilibres.
Or, le commerce avec les pays pauvres ne représente que moins
de 3% des richesses produites au Nord: la mondialisation est donc un bouc émissaire et la solution
protectionniste prônée par certains économistes est inopérante.
Car, en effet, le capitalisme s'est
transformé et ce sont les nouvelles exigences de ce capitalisme qui ont rendu le travail précaire.
Ces
transformations du capitalisme touchent tous les secteurs, y compris ceux qui ne sont pas en contact
avec l'économie mondiale, et sont le fruit de deux évolutions majeures: la révolution informatique et la
massification de l'enseignement.
D.
Cohen commence par examiner le mécanisme par lequel le marché mondial a joué un rôle dans
l'enrichissement des pays pauvres, en opposant deux exemples contradictoires: l'Afrique et les deux
villes - Etats, Singapour et Hongkong.
Il dégage trois causes à la misère des pays du Sud, et plus particulièrement de l'Afrique: l'esclavage
des femmes, qui dispense les hommes d'investir dans les machines, l'exploitation des villes par les
campagnes par les villes, et la corruption.
Au contraire, la réussite des pays d'Asie du Sud-Est donne l'espoir d'un possible resserrement de l'écart
de richesses entre les nations.
Hongkong et Singapour, et plus récemment, l'île Maurice, qui ne
possédaient au départ que peu d'atouts grâce à un fort taux d'investissement, une forte scolarisation de
la population et un taux d'ouverture commerciale élevé, ont réussi à rattraper les pays du Nord.
Or, il
s'avère que la richesse des dragons résulte moins de leur stratégie de spécialisation, des niches qu'ils
ont occupées sur le marché mondial, de "valeurs spécifiques", que de l'extraordinaire épargne que le
gouvernement a mobilisé au service de l'accumulation du capital.
Quant à leurs stratégies
d'industrialisation "extraverties", elles ont certes permis aux dragons de bénéficier rapidement d'un
marché élargi, mais surtout d'une structure de marché qui les soumet aux règles du marché mondial
d'abord, ce qui détermine ensuite les stratégies de croissance des gouvernements.
L'Occident a peur de la désindustrialisation engendrée par la spécialisation de plus en plus poussée des
pays du Sud: sectoriellement, les reconversions sont difficiles, et l'exemple de la sidérurgie ou du
textile donne à penser, à raison, que le Nord se désindustrialise.
Mais, en réalité, les productions au
Nord agrègent de plus en plus de valeur ajoutée; contrairement à l'idée reçue, les marchandises
produites au Nord réclament peu de capital et beaucoup de travail.
Les exportations bénéficient donc,
au Nord, aux travailleurs qualifiés et nuisent aux travailleurs peu qualifiés: au sein du monde du
travail, le commerce provoque donc une hausse des inégalités salariales.
Utilisant la classification des
travailleurs émise par Robert Reich, Cohen met en évidence le rôle majeur des "manipulateurs de
symboles" dans ce nouveau partage entre les travailleurs; ceux-ci produisent des idées, abandonnant la
fabrication des objets au Sud.
Le mouvement inégalitaire qui se dessine est en fait premier, et la
concurrence du Sud vient s'inscrire en son sillage, et non l'inverse..
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