RENÉ de Chateaubriand

RENÉ, roman publié par Chateaubriand en 1802, dans le Génie du christianisme (2e partie, IVe livre), puis à part en 1805, avec d'importantes atténuations. L'auteur, après avoir fait la théorie du « vague des passions », caractéristique de la modernité, en donne comme exemple l'histoire de René. Celui-ci est un jeune cadet déjà marginalisé et paria dans l'ancienne société, mélancolique, qui se consume en folles rêveries dont le secret échappe. Las du monde et de lui-même, il s'enfuit en Amérique pour trouver une paix impossible à son cœur (la fin de l'histoire de René se trouve dans les Natchez}. Deux aspects du mal

du siècle se succèdent dans cette histoire d'une âme, racontée par le héros lui-même à ses amis, le P. Souël et le « sachem » Chactas : l'ennui et puis les « orages désirés ». Sa sœur aînée, Amélie (à laquelle Chateaubriand a prêté des traits de sa propre sœur Lucile), se prend pour lui d'un amour incestueux qu'il avait contribué à faire naître, et s'enferme dans un couvent. Ce thème de la tentation incestueuse rattache ce récit à toute une littérature du xvme s., mais aussi dit l'interdit au cœur de la vie sociale. Le marasme de l'âme solitaire, à la poursuite d'un bien insaisissable, répond à l'état moral que Chateaubriand a connu dans l'émigration, et qu'il a exprimé, en 1797, dans Essai sur les révolutions (chapitre « Aux infortunés ») mais il dit surtout l'inadéquation du jeune homme et de l'intellectuel dans la modernité.