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RENARD: Poil de Carotte (Fiche de lecture)

Publié le 22/02/2012

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Séquence 1 : « Les Poules ». Cette courte séquence introduit brutalement le lecteur, sans annonce aucune, dans le climat familial. Cette ouverture, presque entièrement traitée en focalisation interne, nous confronte -à toutes les difficultés que Poil de Carotte doit reconnaître et dépasser. On y lit d'emblée : — L'absence du père (« ... ses parents » : une seule et vague allusion, p. 16). — La rivalité fraternelle. — L'ambiguïté du rapport entre Mme Lepic et Poil de Carotte : rapport fondé sur un rite de frustration affective, sur une théâtralisation du moi, qui révèlent. que le bourreau est aussi victime... Enfin, l'ensemble de la scène se déroule sur fond nocturne, symbole des tensions qui déchirent les êtres ; nuit intérieure dont Poil de Carotte se délivrera au fil du texte...


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« une théâtralisation du moi, qui révèlent.

que le bourreau est aussi victime...Enfin, l'ensemble de la scène se déroule sur fond nocturne, symbole des tensions qui déchirent les êtres ; nuitintérieure dont Poil de Carotte se délivrera au fil du texte... 2.

Grand frère Félix Six séquences mettent en scène la relation entre Félix et Poil de Carotte : « La Pioche », « La Carabine », « LaLuzerne », « Le Bain », « La Mèche », « Le Porte-plume ».La figure du frère, sinon plus intelligent ou plus aimé, du moins plus reconnu, plus « posé » face à la figurematernelle, pèse d'un grand poids dans le « roman ».

Elle est source de douleur, de comparaison destructrice etparalysante, car elle renvoie Poil de Carotte à sa propre incertitude d'être : « Quel type ! Il ne craint personne, et sij'essayais de l'imiter...

» (p.

46). 3.

Mme Lepic ou l'ombre de la mère Nous avons noté que la première scène est nocturne ; toutes les premières manifestations de la figure maternellesont associées à la nuit (« Le Cauchemar », p.

21 ; « Le Pot », p.

23).

Cet éclairage fait de Mme Lepic la « sorcière», l'ombre de la puissance féminine, au sens où l'entendent les contes : féminité de rétention, qui dispense non pasl'échange, la plénitude du don, mais le refus, la frustration.

Ce rite de la frustration est particulièrement soulignédans les séquences suivantes : « Les Lapins », p.

27 ; « La Timbale », p.

40 ; « La Trompette », p.

43 ; « LesTêtards », p.

126 ; « La Pièce d'argent », p.

141.

Rite qui consiste moins à faire souffrir qu'à faire reconnaître unevolonté de toute-puissance sur l'enfant : à travers les désirs repoussés ou interdits, c'est la possibilité mêmed'exister en dehors d'elle-même qui est dictée, suggérée à Poil de Carotte : Mme Lepic est bien l'ombre, le refus dela maternité. 4.

La négation du corps « Qu'est-ce que j'ai donc fait pour avoir un enfant pareil ? » (p.

27).On pourrait dire, plus simplement, un (ou des) enfant(s).

L'énergie destructrice de la mère se retourne contre lecorps de « l'autre », tente de le nier : « Le Cauchemar », p.

21 ; « Sauf votre respect », p.

22 ; « Le Pot », p.

23,ou encore « L'Hameçon », p.

138, sont autant de séquences qui relèvent du fantasme, de la mise en scène del'anéantissement de la réalité physique.

Nier les exigences corporelles (« Le Pot »), les vivre comme scandaleuses,inadmissibles : « Tu deviens économique [...] Tant mieux » (p.

40).

Pouvoir faire l'économie du corps de l'enfant,rêve à peine déguisé, qui se reflète encore dans le premier paragraphe de « L'Album » (p.

165).La même négation apparaît dans la façon dont Poil de Carotte vit son propre corps : les scènes d'humiliationphysique, « Les Joues rouges » (p.

78), « Les Poux » (p.

87), ou la plupart des séquences de « L'Album »(paragraphes 2, 3, 5, 7, 16, 19) semblent trahir l'indifférence à sa propre réalité physique, ou le dégoût.

Et lespénibles évocations des tortures d'animaux : « Le Toiton » (p.

102), « La Taupe » (p.

34), « Le Chat » (p.

103) sontl'actualisation, à peine métaphorisée, de la haine pour soi-même que Mme Lepic tente d'inculquer à l'enfant : « [...]le chat broyé sur son coeur » (p.

106) et l'assimilation explicite de la dépouille animale à son propre corps (p.

106)sont d'une parfaite clarté.

Ce jeu de la fascination destructrice, Renard a pris soin de le renforcer encore par touteune série de correspondances entre les victimes et le « bourreau » (Poil de Carotte « a le nez creusé en taupinière», p.

166) et par la thématique du « jeu du suicide », dans « Le Mot de la fin », ou dans les paragraphes 21 et 22de « L'Album ». 5.

La vivante absence du père On a beaucoup souligné l'absence du père dans Poil de Carotte jusqu'aux « Lettres choisies » (p.

96), M.

Lepicn'apparaît que de manière épisodique, dans des séquences hautement signifiantes : « Le Bain » (p.

47), Le Porte-plume » (p.

74).

Deux scènes « d'extérieur », de dehors ».A l'ombre maternelle enfermée dans les manigances domestiques, Renard oppose la liberté solaire du père.

Aux rusesdu langage, aux constructions imaginaires du monde, la jouissance silencieuse, mais éclatante, de la matière.Ainsi, les trois séquences de la visite au parrain, doublet de la figure paternelle (pp.

110 à 117), sont réponse,correction du rite de frustration affective.

Et les trois séquences de la chasse avec le père (pp.

132 à 138),correction du « jeu du suicide ».Au monde de la maison, de la féminité qui nie le corps par le langage, toute la seconde moitié du livre confrontel'apprentissage muet et excitant de la réalité physique, de la virilité dominatrice.6.

En guise de conclusion : « La Révolte » (p.

154), « Le Mot de la fin » (p.

158). « Poil de Carotte se tait, et il ne bouge pas » (p.

156).. »

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