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RÈGLE DU JEU (La). Michel Leiris (résumé)

Publié le 01/09/2016

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RÈGLE DU JEU (La). Sous ce titre générique, l’écrivain français Michel Leiris (né en 1901) poursuit depuis 1948 une vaste entreprise qui s’est soldée jusqu’alors par trois volumes publiés respectivement en 1948, 1955 et 1966.

 

Dans Biffures, le premier volume, il poursuit l’exploration inquisitrice entreprise avec l'Age d'homme souvenirs d’enfance, rêves, événements vécus ; cette quête est menée dans la double perspective du savant armé de fiches, qui vise à l’objectivité et dans celle de l’homme qui entend, par son travail même, parvenir à la « plénitude vitale ». Le premier s’attache à l’analyse de phénomènes aberrants du langage. Faisant de ce dernier, qu’il le veuille ou non, un usage littéraire, il rectifie une image, amoindrit la portée d’une généralisation, se gourmande s’il se surprend à fabuler. Le second suscite une poésie des lieux, des circonstances, du « temps passé », s’ébat dans la comparaison et la métaphore, se laisse aller à l’association des sensations, suggère des prolongements imaginaires à ses observations et se prend lui-même à rêver, comme dans l’épisode des baladins de Lan-nion dont la portée dépasse de beaucoup l’événement, revêt une couleur mythique. Ainsi, la moitié des textes de Biffures (quatre sur huit) sont directement issus de rêveries sur des expressions que l’enfant saisissait confusément. Elles lui constituaient un monde magique dont les pouvoirs s’effacent à mesure qu’il grandit et découvre le sens véritable des mots : l’expression « reusement » pour « heureusement », « tetable » ou « totable » pour le vers du duo de Manon : « adieu notre petite table », « habillé en cour » pour « à Billancourt », « paranzoiseuses » pour « paroles oiseuses », « Moïse » qu’il rapproche de « Seine et Oise ». Encore les quatre autres textes, s’ils ne visent plus seulement à évoquer des souvenirs d’enfance, sont-ils faits de rêveries et de réflexions sur les mots, expriment-ils pour eux cet amour sensuel dont l’auteur se disait autrefois atteint et qu’il retrouve après une éclipse de plusieurs années. L’adulte ne diffère pas tellement de l’enfant que l’auteur a été. Son expérience surréaliste l'a replacé dans ce climat d’enfance où le langage jouit d’étonnants « pouvoirs de détection et d’exaltation... Tous les prétextes me seront bons pour traiter pratiquement le langage comme s’il était un moyen de révélation. Plus forte est ma tendance à voir dans ces jeux du langage des sortes d’expériences cruciales. »

 

L’épisode des baladins de Lannion illumine les pages parfois arides de Biffures. Pourquoi attendre que de nouvelles illuminations soient offertes par l’événement ? Dans Fourbis, le second volume, Leiris les suscite et substitue à l’amère constatation de VAge d'homme : « les mythes qu’on se forge permettent de vivre », cet aveu que n’entache nulle culpabilité : il ne retient des choses qui lui sont arrivées que « celles seulement qui revêtent une forme telle qu’elles puissent servir de base à une mythologie ». A ce changement de front, il gagne cette liberté d’allure, cette aisance, voire cette virtuosité qu’on lui voit dans Fourbis et qui culminent dans l’admirable histoire de Khadidja, relation mythique d’une aventure vécue. Khadidja est une prostituée arabe de Beni-Ounif, à la limite du désert; Michel Leiris, un maréchal des logis chimiste, mis au rancart de la guerre; et leurs amours, celles « d’un sous-off d’occasion et d’une fille à soldats ». Cette triste réalité, ce n’est pas toute la réalité. Khadidja n’est pas seulement une prostituée, Leiris seulement un sous-officier. Ce sont deux être humains, deux mondes en conjonction. L’un porte avec soi l’Orient et son histoire, Rebecca, Rachel et Bérénice, le destin des races et des civilisations avec leurs mystères, leurs croyances.

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