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« RÉFLEXIONS SUR LA RÉVOLUTION DE FRANCE » D'EDMUND BURKE

Publié le 07/09/2018

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On s'étonne moins, cela étant connu, de voir Burke suivre les premiers travaux de l'Assemblée nationale constituante d'un esprit méfiant et fermé, plein de doutes sur l'avenir. Quand il croit reconnaître les principes abstraits, le goût de la table rase, la logique nue des sophistes français de 1773, ces doutes deviennent une certitude : cela finirait mal, et avant peu, cela serait très dangereux pour l'Angleterre elle-même.

Sur son dégoût intellectuel se greffe, lorsque Burke apprend les Journées des 5 et 6 octobre 1789 {le château royal, à Versailles, envahi, la reine menacée), une sorte de colère sacrée. Quoi, son étoile du matin, sa radieuse dauphine de 1773 élevée depuis au rang de reine, Marie-Antoinette, en butte à ces outrages de populace ! Ah ! certes, «le siècle de la chevalerie est passé ; celui des sophistes, des économistes et des calculateurs lui a succédé, et la gloire de l'Europe est à jamais éteinte ».

Colère sentimentale, dégoût intellectuel vont être poussés au paroxysme par un incident purement anglais. Chaque année, le 4 novembre, jour anniversaire du débarquement de Guillaume d'Orange en 1688, une Société de la Révolution, composée principalement, mais non uniquement, de dissidents, avait l'habitude de se réunir pour écouter un sermon commémoratif de la révolution whig ; après le sermon avait lieu un banquet, suivi des discours d'usage. La cérémonie du 4 novembre 1789 risquait d'être colorée par quelques reflets idéologiques de la toute récente Révolution française. C'est ce qui arriva. Un pasteur dissident, le docteur Priee, écrivain politique connu, d'opinion avancée, qui prononçait le sermon, exprima sa joie devant les progrès . nouveaux que la cause de la liberté venait de réaliser grâce à la France. Même note optimiste dans les discours de l'après-midi : les événements de France ouvraient d'immenses espoirs à la liberté humaine, comme à une durable paix franco-anglaise. Adresse enthousiaste à l'Assemblée nationale française.

Burke, mis au courant, et donnant tout de suite à l'incident une portée tout à fait disproportionnée à sa réalité, flambe de fure:~r : des Anglais dévoyés avaient osé mettre sur le même pied, associer fraternellement la Révolution de 1688, si parfaitement anglaise et respectable, concrète, limitée, protestante, et cette révolution de France, tout abstraite, iconoclaste, perverse et athée. Burke, dans une sorte d'explosion de ses soixante ans exaspérés, bondit sur sa plume pour écrire les Réflexions.

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Exactement il commence par écrire une lettre - dénonçant le sermon du docteur Priee, et la déplorable contagion de l'exemple français - à M. de Menonville~ jeune député de la noblesse à l'Assemblée nationale, auquel, en octobre, il venait déjà d'écrire longuement sur les événements de son pays. Au début, il n'avait, assurera-t-il, d'autre objet que cette seconde lettre, lettre privée, tout comme la première. Mais le sujet devint si abondant, que tout naturellement un volume (de 356 pages in-octavo dans la première édition) en sortit. Splendide et luxuriante nature intellectuelle de Burke!

 

Ce n'est pas dire que les Réflexions soient une longue improvisation passionnée. Si Burke a pris immédiatement la plume, sous le coup de l'indignation déchaînée en lui par l'incident du 4 novembre, au fur et à mesure que s'avançait la composition

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« SUITES DE LA R�VOLUTION à néant toutes ses ambitions, et sauva sans doute la liberté anglaise.

De mémorables interventions de Burke (discours sur la taxation des Américains, 1774; discours sur la conciliation avec l'Amérique, 1775), au cours du combat par lui livré pour empêcher la sécession des treize colonies, avait mis le sceau à sa réputation.

Réputation d'indomptable libéral, de magnifique, puissant et somptueux orateur politique.

Mais ensuite, Burke, aux prises avec la crise très grave où se débattait le parti whig, scindé en coteries rivales, avait commis, semble-t-il, des fautes de tactique et de jugement.

Il s'était laissé aller à des écarts, à une certaine intempérance, revers de sa riche et généreuse nature irlandaise.

La dissolution de 1784, triomphe du second Pitt, avait marqué, avec la durable défaite whig, la fin des espoirs politiques de Burke.

Lorsque éclate la Révolution française, la réputation du grand whig est en déclin ; les jeunes gens jugent surannée son éloquence ; plusieurs fois il a paru manquer du sens des proportions ; dans son propre parti, on le tient à l'écart : trop impérieux, intraitable et violent ; ses ennemis s'acharnent à le décrier, le persécutent ; la moitié de la nation anglaise, nous dit-on, le considère alors comme u un fou » plein de dons.

14 juillet 1789, prise de la Bastille.

Le célèbre whig Fox, ami de Burke, s'exalte : voilà le plus grand événement de l'histoire du monde, et le plus heureux.

Dans bien des cœurs anglais, qui avant peu maudiront la France satanique, sonne pour le moment l'heure des vœux généreux.

Quels accents enflammés ne peut-on attendre de l'ardente bouche irlandaise qui, contre l'opinion populaire, celle du Parlement, celle de la Cour, avait défendu la liberté américaine -maintenant qu'à son tour se lève, éclairant l'Europe, la liberté française! Or Burke se tait ; silence réticent ; son premier mouvement a été défavorable.

En 1773, Burke avait fait un voyage en France.

Marie-Antoinette avait seize ans alors, et n'était que dauphine; il l'avait vue à Versailles et admirée.

Ce souvenir devait lui inspirer, dans les Réflea:ions, une page d'anthologie («elle était ainsi que l'étoile du matin, brillante de santé, de bonheur et de gloire»).

Mais Burke à Paris avait aussi pris contact avec «les philosophes n du temps ; ces «encyclopédistes» et. »

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