QUÊTE DU SAINT GRAAL (la) (résumé et analyse de l'oeuvre)
Publié le 27/10/2018
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QUÊTE DU SAINT GRAAL (la). Récit arthurien en prose, composé vers 1230.
Étroitement lié au Lancelot en prose -dans la quasi-totalité des manuscrits du cycle, la Quête est transcrite entre le Lancelot et la Mort le roi Artu -, ce texte s'en distingue par son héros, Galaad, par son projet explicite, substituer aux aventures chevaleresques la quête des mystères divins, et par son écriture fondée sur le va-et-vient entre la narration des faits et leur interprétation allégorique.
La veille de la Pentecôte, en l'an 454, Lancelot adoube, dans une abbaye de religieuses, Galaad, le fils qu'il a eu de la fille du Roi Pêcheur [le gardien du Graal]. À la cour d'Arthur, le jour de la
Pentecôte, Galaad prend place au Siège Périlleux, refermant ainsi le cercle de la Table ronde et réussit l'épreuve de l'« épée au perron ». Cepen dant, l'apparition, à la Table du Graal, d'un Graal nourricier, remplit de stupeur et de désir les che valiers, qui prêtent serment de partir en quête du saint vase pour le «voir» plus distinctement qu'il ne leur a été permis. Cent cinquante chevaliers quittent la cour, ignorant la douleur d'Arthur devant cette séparation, pour se disperser bien tôt dans la forêt
Faisant un premier tri, le narrateur ne relate cependant que les aventures de quelques quêteurs. Une première séquence est consacrée aux aventures de Galaad (histoire de l'écu que lui a destiné Joseph d'Arimathie, aventure du Château des Pucelles), entrelacées à celles de Baudemagu, Yvain, Melian, Gauvain... Les séquences suivantes, série d'épreuves et de tentations, suivent le cheminement physique et spirituel d'autres quêteurs : Lancelot, qui comprend vite, malgré sa confession et son repentir, que sa passion coupa ble pour la reine lui interdit de mener à bien la quête ; Perceval, en proie, dans une ile, aux assauts du diable (sous forme d'une demoiselle) ; Gauvain et Hector, les réprouvés de la quête ; le chaste Bohort qui triomphe lui aussi des pièges du démon avant de retrouver Perceval.
Ces deux derniers s'embarquent alors avec Galaad et la sœur de Perceval sur une nef mer veilleuse où Galaad prend peu à peu possession des objets qui lui sont destinés, l'épée « à l'étrange fourreau », la couronne, le lit aux trois « fuseaux », blanc, vert et rouge, tandis que la voix autorisée du « conte », relayée par une let tre, des inscriptions, des commentaires de la sœur de Perceval, etc., énonce la provenance et le devenir des trois « fuseaux », issus du rameau de l'Arbre de Vie qu'Eve a emporté du Paradis terrestre, et l'origine de la nef, construite par Salomon à l'intention du dernier descendant de son lignage, Galaad.
Après avoir relaté la mort de la sœur de Per ceval (qui donne son sang pour guérir une diabo lique lépreuse), le récit fait retour à Lancelot qui assiste à Corbenic (au château du Roi Pêcheur), mais dans un état de paralysie totale, à une vision partielle des mystères du Graal. Les élus, eux, auront à Corbenic et au cours des différentes liturgies du Graal des révélations beaucoup plus explicites. Mais c'est au terme d'une autre traver sée initiatique - une nef, où ils retrouvent le Graal et la table qui le supporte, les mène à Sar ras, près de Jérusalem - que Galaad atteint, juste
«
avant
d'en mourir , à la vision transparen te des
mystères du Graal.
Un an après, Perceval meurt
à son tour , ta ndis que Bohort revient à la cour
d'Arthur pour y con ter les aventures du saint
Graal que mettent par écrit les clercs de la cour.
Reléguant à la seconde place Perce
val, l'élu du Graal depuis Chrétien de
Troyes, la Quête choisit comme prota
goniste, et en accord avec les données
du Lancelot, le fils de Lancelot, Galaad.
La filiation chamelle père-fils fonde
ainsi et image la néces saire continuité
entre la chevalerie selon le monde,
illustrée dans le Lanc elot en prose, et
dont Lancelot, l'amant de Guenièvre, a
été et reste le plus parfait représentant,
et une chevalerie nouvelle, la chevale
rie célestielle, qu'anime seul le désir de
Di eu et qui ordonne sa pro uesse à son
serv ice.
En écho peut-être à la mission
que saint Bernard donnait dès la pre
m ière moitié du xne siècle aux Tem
pliers, ces chevaliers-moines au service
de Dieu et de la croisade, l'auteur de
la Quête fait de la chevalerie nouvelle
l' instrument séculier de la justice
divine, de la lutte contre les manifesta
tions du mal.
Mais cette chevalerie, ici
représentée par les trois élus, est aussi
l'o rdre que Dieu a choisi depuis la Pas
sion, avec l'« invention >> de cette reli
que qu'est le Graal, voire depuis le
début des temps (histoire de l'Arbre de
Vie et de la Nef de Salomon), pour lui
rév éler les mystères de la Foi, de
l' Inc arnation, de l'Eucharistie ...
La filiation Lancelot-Galaad, qui
noue solidement la Quête au Lancelot en
prose, le roman « mystique » au roman
d'a ventures et d'amour, illustre aussi
un autre aspect d'un récit dans lequel
l'e nsemble du pré-t exte arthurien
devient le support d'une écriture qui
tente de finaliser le surgi ssement des
aventures, de leur donner un sens puis
d'en briser net le déroulement.
Le
schème narratif de la quête devient
ainsi le moyen d'éliminer et de classer les
personnages arthuriens.
Ne trou
vent d'aventures que ceux qui en sont
dignes, et le temps de chevauchée ou
de navigation des chevaliers en compa
gnie de Galaad est directement propor
tionnel à leur mérite.
Rep renant aux
récits antérieurs toutes les formes pos
sibles d'aventures -joutes, combats,
tournois, navigations hasardeu ses mais
aussi songes, visions, tentations éroti
ques, etc.
-, le narrateur en dépasse sys
tématiquement le sens littéral pour
leur conférer , par l'inter médiai re des
ermites et des gloses qu'ils élaborent,
un sens figuré, qui crée à son tour une
hiérarchie entre les aventures et les
chevali ers.
Les unes, lot des chevaliers
les plus imparfaits ou en voie de per
fectionnement, prennent une signifi
cation morale et forment une sorte de
catéchisme à l'u sage de la classe cheva
leresque.
D'autres, allégorisant les
motif s-dés du texte arthurie n, comme
le combat du lion et du serpent ou la
libération des captives du Château de
Pesme Aventure dans le *Chevalier au
lion, disent le triomphe de la Nouvelle
Loi (l'Église) sur l'Ancienne Loi (la
Synagogu e).
D'a utres encore, les plus
hautes, réservées aux élus, explicitent
les grands mystères.
Nombre d'aventu
res attachées à Ga laad s'ordonnent
enfin autour de la notion d'achève
ment : Ga laad mène à bien les aventu
res laissées jusqu'alors en suspens ;
héros vierge, sans postérité, il casse net
les fils des aventures et tarit les sources
et les ress ources du récit .
Le sens même
de la quête est repensé.
Il ne s'agit plus,
comme dans le récit de Chrétien de
Troyes, de relancer un questionnement
sur le Graal, un échange langagier qui
mimerait le déroulement du temp s.
ll
faut patiemment quêter l'élucidation
du mystère, le passage progressif de la
« semblance », d'une saisie «littérale »
de l'objet, à la « veraie semblance », à
la vision de l'essence même du Graal ;
une vision aussi transparente qu'inef-.
»
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