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QUATRIEME EPISODE: L’ABBAYE DE THÉLÈME

Publié le 14/01/2020

Extrait du document

Cette interruption repose sur un court dialogue de trois répliques, chacune faisant allusion à la notion de fil, de lien. La première contient la notion de toile (il y a un jeu de mots, toile étant prononcé touelle}, donc de tissu, de filage. La seconde comporte le mot religion, auquel les auteurs chrétiens donnaient pour étymologie le latin religio, « relier » (selon l'idée que la religion est un lien à Dieu). La troisième réplique revient au filage avec la chemise, objet fait de toile. Autrement dit, les répliques 1 et 3 exposent la notion de lien sur un plan concret et trivial, la réplique 2 le fait au plan abstrait et sublime.

L’interruption de Frère Jean consiste donc à créer un chiasme1 au sein duquel deux façons opposées de nouer se montrent solidaires. Or le nœud appartient à une symbolique mystique bien connue à l'époque : c’est au moyen d'un « nœud » mental que la conscience peut faire coïncider les contraires et ainsi se rapprocher de Dieu, en qui sont réunies toutes les oppositions. Ici, le nœud opéré par le moine est placé entre deux séries de contraires, comme pour les unifier. Rabelais dissimulerait ainsi l’une des clés de cette abbaye, véritable lien avec le divin.

Une « énigme » trouvée dans les fondations de l’abbaye, de tonalité très sombre, semble évoquer les persécutions subies par les chrétiens évangéliques. Sa lecture provoque un soupir de

« 1 par les sciences occultes, en particulier la kabbale, axée sur les nombres.

11 avait d'ailleurs commandé à Jean Thenaud, ami de Rabelais que l'on retrouve dans Gargantua (chap.

XVI, p.

150), un ouvrage sur cette science.

On peut donc penser que Rabelais, au moins pour plaire au roi, reprend ce symbolisme numérique.

Un exemple d'écriture cryptée Rabelais dit qu'il faut savoir briser 1'« os,, de son texte pour y trouver un sens plus profond.

Le moment où Gargantua et Frère Jean établissent les règles de l'abbaye offre un bon exemple d'écriture cryptée 1• Puisque les religieux de ce monde sont laids et mauvais, les Thélémites seront beaux et bons.

Frère Jean interrompt cet exposé de façon comique : Item, par ce qu'en icelluy temps on ne mettoit en religion des femmes, si non celles que estoient borgnes, boyteuses, bossues, laydes, defaictes, folles, insensées, maleficiées, et tarées, ny les hommes si non catarrez, mal nez, niays et empesche de maison -A propos (dist le moyne) une femme, qui n'est ni belle ni bonne, à quoy vault toille ? -A mettre en religion, dist Gargantua.

-Voyre, dist le moyne, et à faire des chemises ! ...

feut ordonné que là ne seroient repceues si non les belles, bien formées, et bien naturées : et les beaulx, bien formez et bien naturez (chap.

L.

II, p.

352) Le passage repose sur la logique des contraires : le bien et le mal, la beauté et la laideur.

Cette opposition fait écho au chapitre x, où sont exposés les contraires selon Aristote, en particulier " bien et mal " (p.

112).

La construction du passage relève aussi de cette dualité : sont d'abord mentionnés le mal et la laideur, ensuite, après l'interruption de Frère Jean, le bien et la beauté, chaque terme étant ainsi maintenu à distance de son contraire.

1.

Cryptée : dont le sens est caché.

RÉSUMÉ ET REPÈRES POUR LA LECTURE 27. »

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