Premier de cordée
Publié le 12/04/2013
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Roger Frison-Roche écrivit de nombreux ouvrages consacrés à la montagne. Citons La Grande Crevasse, Retour à la montagne, Les Montagnards de la nuit ou encore Gens des neiges. Être le premier de la cordée, c'est la fierté de se sentir accepté par les guides et d'être rendu responsable de la vie de ses compagnons. Pour Pierre, c'est être admis par ceux qui côtoyaient son père.
«
EXTRAITS--- --- --
Aux appels de Georges,
Jean
ne répond pas
Le guide avait été touché par la foudre à
l'instant où il s'apprêtait à enjamber la
corde de rappel.
Il avait été foudroyé
debout , le bras droit levé saisissant une
prise à pleine main, la main gauche à plat
le long du corps, cherchant la corde, le
visage légèrement tourné vers
le bas.
(.
..
)
On eût dit qu'il continuait
à monter, sur
veillant la
progression de sa caravane.
~-------~-· _______ Les doigts de sa main
« Avec d'infi n ies précautions , l es guides
sortent le brancard ...
»
droite étaient crisp és
sur la
roche ; le
fluide , p énétrant par
l e poignet où
il avait
lai ssé une petite
ta che noirâtre, était
r esso rti
par le pied
gau che, dont la
c hau ssure était à
moitié carbonisée.
Le
co
rps était inta ct, pa
ral
ysé dans cette
attitude familière aux grimp eurs ; seuls les
ye ux avait pris une te int e vit re u se et leur
fixité étran ge ép ouvanta Georges à la
Clarisse .
Il s' approcha du cadavre , l'inter
p ellant douloureusement :
«Jean ! mon pauvre Jean ...
c'es t pa s pos
sible, avoir fait tant de courses ens emb le,
me quitt er ainsi, c
'est pas vrai, dis !
réponds-moi .
..
»
Pierre est gagné par le vertige
Quelqu 'un qui le verrait de lo in s'inquiète
rait :
« Voilà un débutant qui n 'a pas le pied
sû r!
» songerait -il.
Une gêne insurmontable l'envahit ; son
regard se détourne de
l'à-pi c qui fuit ; il
bute,
fait un faux pas et se raccroche
nerveusement à son piolet.
Crispé sur le
manche de
fi'êne, ils ' arr êt e, le ji·ont m oit e
de sueur ; la
pew; une peur atroces' empare
de lui .
Il continue ce pendant et prend pied avec
sou lagement sur les ébou lis du bas de la
c heminée ;
le pierrier croule sous ses pas et
des coulées de gravats
s' enfourne nt dans les
gueu les ouver tes du cou l
oir.
Il atteint péni
blement
la base de la muraille .
Enfin, Pierre peut diriger la cordée
Il grimpe des quatre membres , son piolet
bien en main fixé solidement par
la pointe
dans la nei ge,
l'autr e main restée libre
posée à plat et assurant l'équilibre
(.
.
.).
Le
vide
fuit sous ses jambes , mais un vide
c omme il
n'en a jamais vu , une immense
g lis soire qui va
s'amenuisant avec la
distance
pour se terminer par un gou l et
étr oit sur le vide : la rima ye.
Quand il a
g rimp é ses cinquante mètres à toute allure
et sans se reposer, il
fiche solid e
ment son
piolet dans la neige,
passe
la co rde derri è re
le manch e, et la ram èn e
dou cement au
fur et à
mesure que Georges
monte .
L e moindre faux
mou
vem ent , la moindr e
ruptur e d
'équilibre se
raient fatals ; il
s'en
moqu e éperdument.
Ja
mais il ne s
'es t senti
aussi solide, et ses ap
préhensions de la veille
se sont envo lées comme
un mauvais rêve ; pour
l'instant, il ne song e
qu
'à assu re r la pro
gression de son ami.
Leurs deux vies sont so
lidement
liées par cette
corde qui les rend soli
dair es des mêmes dan
ge r
s.
Arthaud , 1971
« La terrasse se casse bruta lement sur le vide.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR
C'est Eugène Rob e, directeur de La
Dépêche algérienne , qui demande à Frison
Ro che
d'écrire en 1940 une série d 'articles
exaltant le courage, la volonté, afin
de
réve iller la jeunesse française abattue par
politique à me s écr its.
Les jeunes en
ava ie nt , comme on dit, ras-le-bol de la
politique et d es politicien s qu '
ils rendaient
respon sables de notr e désastre .
M .
Eugène
Rob e avait raison , je leur parlerai s de la
montagne, de ses dangers, de ses efforts feront-elles
sourire
; mais pour celui-ci ,
l
'écriture n'est pas une fin en so i.
Tout au
plus est-elle l' in str ument de ses mythe s
privilégiés : fascination
pour le s diverses
" racines " ethniques de
l '
homme , recherche
d'une liberté et d 'une pureté primitives,
la défaite.
Frison-Roche écrit dans ses
m émoire s, intitul és
Le Versant du soleil :
«Je réfl échis longu ement.
Dans la
conjoncture du
mom ent, il me se mbl ait
indi spen sable
de ne pas donner un e couleur
et de ses joie s.
» R.
Fri son-R oche,
Flammarion, 1981.
L'
écr ivain, é pri s de nat ure , célé br era
celle-ci dans tous ses ouvrage s : « Sans
dout e certa ine s pages de Frison-Roche
1 Rogcr-Vio llet 2.
3.
4.
5 illu stration s de Jean-Pau l Co/bus.
Flammarion.
1981
que seule garan tit la natur e sauvage,
com munion , par la contemplation obsédante
de la montagne et des étoiles, de l'homme
avec le cosmos.
» J.-P .
Damour ,
Dictionnaire des littératures de lan gue
française,
Bord as, 1987 .
FRISON- ROC HE 02.
»
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