POÉSIES GOLIARDIQUES
Publié le 03/10/2018
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dans les violentes diatribes des Goliards contre la Curie romaine, insatiable, vorace, et contre le clergé catholique, dissolu et mondain, il a vu une anticipation des thèmes anti-catholiques les plus répandus chez les Réformés. Ainsi, le chant défroqué des Goliards était-il offert aux Protestants à titre d’édification. Des huguenots avant la lettre, que les Goliards ?
Quoiqu’il en soit, notons que les « clercs vagabonds » étaient considérés comme insoumis, formant une secte révolutionnaire et dangereuse, frisant l’hérésie, rebelles à l’ordre et à la discipline de l’Église ; et à maintes reprises, les papes du xiiie siècle fulminèrent l’interdit contre eux. D’après les délibérations des Conciles, et selon les écrivains religieux de ce même siècle, ils semblent former une classe à part, un groupe cohérent, une secte. « Nous avons décidé », décrètent les Pères du Concile de Rome de 1231, que les clercs ribauds, notamment ceux qui se prétendent de la famille de golias, seront tondus et rasés à la diligence des évêques, archidiacres, officiers et doyens afin qu’il ne demeure sur eux nulle trace de la tonsure religieuse : et que ceci s’accomplisse sans scandale, ni péril ». Les termes sont à peu près identiques dans les actes du Concile de Château-Gontier (1231). Les mots «De familia Goliae » semblent bien se référer à une « secte », voire à une espèce d’ « ordre ». C’est d’ailleurs à titre de membres d’une secte que les Goliards sont considérés dans les « actes » du Concile de Salzbourg, de la fin du xiiie siècle. Ces mêmes textes rangent les
• clercs vagabonds », non seulement dans la catégorie des pires débauchés, mais bien mieux, au rang des bandits : bandits dangereux, canailles ne reculant devant aucun crime afin de se procurer les moyens de vivre largement :
l’académisme majestueux du temps. C’est la création, consciente et raisonnée, de nouvelles formes d’art, plus libres, plus alertes, plus vraies. En d’autres termes, la poésie latine du xne siècle, qui fut appelée « goliardique », est l’expression d'un grand mouvement littéraire de renouveau qui, peut-on dire, vient doubler celui des troubadours. Mais ces poètes latinisants du xiie siècle paraissent cependant moins audacieux que les provençaux du xie et du xiie : en effet, ces derniers, tout en utilisant avec habileté les divers modes traditionnels, ont osé se libérer du latin, langue de rigueur dans toute œuvre littéraire; les Goliards, eux, lui sont restés fidèles, quoique leur latin soit devenu plus alerte, plus souple, plus moderne que celui qu’employaient les écrivains du temps de Charlemagne ou de celui d’Othon. Il est impossible d’entendre complètement la poésie goliardique si l’on n’approfondit pas la question du renouveau culturel et artistique qui marqua les xie et xiie siècles ; il faut rejeter catégoriquement la position prise par les critiques protestants ou romantiques; il faut cesser de penser, d’une part. que l’esprit anticlérical de cette littérature en soit la tendance dominante et, d’autre part, que l’élément populaire soit forcément le trait distinctif de la poésie goliardique. La satire anticléricale ne constitue que l’un des thèmes de leur poésie, et n’en est pas le plus nouveau. Quant au style de celle-ci, il est indiscutablement littéraire.
«
ndique
clairement quelles sont les tendances qui
ont frappé l'éditeur : dans les violentes diatribes
des Goliards contre la Curie romaine, insatiable,
vorace, et contre le clergé catholique, dissolu et
mondain, il a vu une anticipation des thèmes
anti-catholiques les plus répandus chez les Réfor
més.
Ainsi, le • chant défroqué l) des Goliards
était-il offert aux Protestants à titre d'édification.
Des huguenots avant la lettre, que les Goliards ?
Quoiqu'il en soit, notons que les u clercs
vagabonds » étaient considérés comme insoumis,
formant une secte révolutionnaire et dangereuse,
frisant l'hérésie, rebelles à l'ordre et à la discipline
de l'ÉgJise ; et à maintes reprises, les papes du
xrne siècle fulminèrent l'interdit contre eux.
D'après les délibérations des Conciles, et selon
les écrivains religieux de ce même siècle, ils
semblent former une classe à part, un groupe
cohérent, une secte.
• Nous avons décidé )'• décrè
tent les Pères du Concile de Rome de 1231,
• que les clercs ribauds, notamment ceux qui se
prétendent de la famille de golias, seront
tondus et rasés à la diligence des évêques,
archidiacres, officiers et doyens afin qu'il ne
demeure sur eux nulle trace de la tonsure reli
gieuse : et que ceci s'accomplisse sans scandale,
ni péril ».
Les termes sont à peu près identiques
dans les • actes » du Concile de Château-Gontier
(1231).
Les mots «De familia Goliae » semblent
bien se référer à une « secte n, voire à une espèce
d' ' ordre �.
C'est d'ailleurs à titre de membres
d'une secte que les Goliards sont considérés dans
les ' actes » du Concile de Salzbourg, de la fin
du XIII" siècJe.
Ces mêmes textes rangent les
• clercs vagabonds n, non seulement dans la catégo
rie des pires débauchés, mais bien mieux, au rang
des bandits : bandits dangereux, canailles ne
reculant devant aucun crime afin de se procurer
les moyens de vivre largement : 11 Ils s'en vont
nus en public, dorment dans les fournils, fré
quentent les tripots, les mauvais lieux, les courti
sanes, se nourrissent par le crime, emploient
la violence contre les monastères, les églises,
les clercs "· Parfois encore, on les qualifie
de « bouffons ,., de 11 jongleurs "• c'est-à-dire
d'aventuriers et de fieffés libertins.
Ce dernier
point de vue, prouvé par d'authentiques docu
ments, a été l'objet d'une interprétation en faveur
au xrxe siècle : J es GoJiards ont été considérés
comme de pauvres· étudiants, des clercs défroques
qui gagnaient leur subsistance en exécutant tours
et jongleries devant les hautes classes du clergé :
de même qu'il y avait eu des jongieurs laïques
qui faisaient le divertissement des cours seigneu
riales et chantaient des poèmes en langue vul- gaire,
il y aurait eu des jongleurs-clercs rimant
des chants en latin pour les grands dignitaires
de l'Église.
Cette interprétation se fonde aussi
sur une étymologie qui a été proposée pour le
mot • Goliard " ; il dériverait de «gosier» (« gula »)
et aurait un sens péjoratif.
Les Goliards seraient
donc des « gloutons , : gloutons avides des plaisirs
procurés par la bonne chère en général, mais
avides aussi de tous les plaisirs qu'offre le monde,
tels étaient en effet ces clercs-ménestrels- qui
réjouissaient les cours et Jes assemblées ecclésias
tiques.
On a proposé une autre étymologie :
Goliard proviendrait de Goliath, le géant de la
Bible, que tua David.
Ce nom aurait été ainsi
synonyme de rebeue, d'ennemi de Dieu : on y
aurait vu le symbole de l'esprit diabolique, semeur
de désordres et de troubles.
D'autres commen
tateurs, tout en retenant cette étymologie, ont vu
en Goliath l'incarnation de la force brutale, mais
généreuse, qui tendait à purifier l'Église, à la
débarrasser de ses hontes , de ses souillures, et qui
fustigeait la corruption, les infamies et les innom
brables faiblesses dont témoignait le clergé.
Cette
étymologie rejoignait surtout le point de vue
protestant et anticlérical.
En fait, il est vraisem
blable que les deux acceptions se soient peu à
peu confondues : dans le Goliard, le Moyen Age
a dû voir à la fois le « glouton » et le disciple de
Goliath, c'est-à-dire l'insoumis, le violent.
De là
cette expression que l'on trouve dans les actes
synodaux : «de familia Golire », C'est d'ailleurs à
un certain Golias, symbole de tout un monde,
que sont attribués, dans nombre de recueils, les
poèmes goliardiques les plus violemment sati
riques et anticléricaux.
La critique du xrxe siècle a cru identifier ce
Go lias légendaire, maître et modèle des Go liards
avec Abélard, l'hérétique, celui que saint Bernard,
dans son rude langage, appelait le « nouveau
Goliath "· En réalité, Abélard n'a rien à voir avec
tout ceci.
Nous connaissons aujourd'hui les noms
exacts des auteurs qui composèrent les poèmes
attribués à ce fameux Golias.
Il s'agit de poètes
fort connus au xne siècle ; quelques-uns sont
célèbres encore pour d'autres raisons et occupent
une place marquante dans la littérature de ce
siècle ; citons notamment : Hugues, primat d'Or
léans ; l' Archipoète de Cologne ; Gautier de
Châtillon, l'auteur de l'Alexandréide (v.
Alexandre),
Serian de \\ïlton, Philippe le Chancelier.
Ces
auteurs ont été, avec les troubadours provençaux,
les premiers poètes du monde moderne.
I ..
eurs
œuvres, hien que toujours rattachées très étroi
tement à la tradition de la scholastique classique,
représentent presque une insurrection contre
D'un manuscrit des Carmina burana (1225).
Bibl.
d'Étal, :1-funich.
l'académisme
majestueux du temps.
(''est la
création, consciente et raisonnée, de nouvelles
formes d'art, plus libres, plus alertes, plm; vraies.
En d'autres termes, la poésie latine du xne siècle,
qui fut appelée « goliardique ", est l'expression
d'un grand mouvement littéraire de renouveau
qui, peut-on dire, vient doubler celui des trou
badours.
Mais ces poètes latinisants du xne siède
paraissent cependant moins audacieux que les
provençaux du xre et du xne : en effet, ces
derniers, tout en utilisant avec habileté les divers
modes traditionnels, ont osé se libérer du lat:ln,
langue de rigueur dans toute œuvre littéraire ;
les Goliards, eux, lui sont restés fidèles, quoique
leur latin soit devenu plus alerte, plus souple,
plus moderne que celui qu'employaient les écri
vains du temps de Charlemagne ou de celui
d'Othon.
Il est impossible d'entendre complè
tement la poésie goliardique si l'on n'approfondit
pas la question du renouveau culturel et artis
tique qui marqua les xie et xue siècles ; il faut
rejeter catégoriquement la poRition prise par les
critiques protestants ou romantiques; il faut
cesser de penser, d'une part.
que l'esprit anti
clérical de cette littérature en soit la tendance
dominante et, d'autre part, aue l'élément popu
laire soit forcément le trait dif:tinctif de la poésie
gol iardique.
La satire anticléricale ne constitue
que l'un des thèmes de leur poésie, et n'en est
pas le plus nouveau.
Quant au style de celle-ci,
il est indiscutablement littéraire.
Il est même
malaisé de découvrir la véritable essence des
poèmes qui nous ont été conservés dans les
divers recueils si l'on se contente, comme l'ont
fait les critiques du xrxe siècle, de les attribuer
à un monde naissant : celui des « clercs-errants "•
qui fréquentaient tour à tour les Universités
fondées au xne siècle.
I�a poésie goliardique doit
être reclassée dans son cadre naturel : la tradition
littéraire de la scolastique médiévale ; et si elle
révèle un profond renouveau de cette même
tradition, elle ne manifeste aucune tendance inso
lite et délibérément révolutionnaire.
Elle a 1m
être portée de ville en ville, d'université en uni
versité, par des clercs vagabonds, mais elle n'est
pas leur œuvre.
La paternité en revient à de grandR
érudits du monde de l'enseignement ; ils emploient
certes des expressions nouvelles, mais procèdent
étroitement de la tradition littéraire de la scolas·
tique.
Du reste, les recueils goliardiques que nous
avons cités ne sont pas chose inédite dans
1 'histoire de la littérature médiévale et se ratta
che nt, au contraire, à une très ancienne coutume.
A l'époque qui précéda celle dont nous nous
occupons, c'est-à-dire au xre siècle, il existait
déjà un recueil de poèmes semblables (le manuscrit
se trouve à la Bibliothèque dt Cambridge).
Bien
q u' il soit dû à un copiste anglo-saxon, une grande
partie des pièceR qu'il renferme est d'origine
rhénane.
Il s'agit de 49 poèmes rythmés, e:n
forme de séquences, mais dont le sujet
est
parfois
profane.
Il en est qui sont accompagnés de
« neumes » pour la notation musicale.
Parmi ces
49 pièces, certaines sont empruntées à des
auteurs classiques.
à Stace, à Virgile, à Horace :
d'autres sont de petites compositions narratives
où l'on retrouve l'esprit et le style des Fabliaux (*).
Celles qui n'ont pas un motif religieux ont géné
ralement l'amour pour thème.
Deux d'entre elles,
composées par des Véronais du xe siècle, sont
très connues : 0 adrnirabile Veneris idolurn et
Jam rlulci.s amica venito.
J ..
e recueil de Cambridge,
à son tour, ressemble, tant par sa forme que par
son contenu, à d'autres manuscrits plus anciens.
Le plus antique de tous est celui de Raint-Gall,
(lu vnre siècle, puis viennent tous ceux comprffs
entre le vnre et le xre siècles, réunis dans les
grands centres culturels de l'Occident, à Vérone,
Fulda, Saint-Martial de Limoges, Trèves, Bamher!�.
B existe, entre ces divers livres, certaines ana.
logies que nous n'avons pas à recenser ici.
Disons
seulement que quelques poèmes ne se trouvent
parfois que dans un seul recueil, étant sans doute
fruits d'un terroir, tandis que d'autres sont repris
dans plusieurs ; ces derniers révèlent de la sorte
les communications existant entre les divers
centres, ou mieux, la similitude profonrle des
milieux où circulait cette littérature : milieux:
intellectuels que dominait une culture classique.
Il semble même que les recueils aient été-destinéR
à grouper des textes issus des universités : d'abord.,
des exercices de clercs parfaitement réussis et
jugés dignes d'être conservés et transmis comme
exemples pour les classes futures, comme sujets
de lectures, de dissertations ; puis, sans doute
aussi, des extraits de textes empruntés à des
maîtres illustres, érudits en pleine rnaturité
d'esprit, véritables poètes parfois; ces extraits
étaient recueillis pour intéresser les amateurs de
poésie et pour servir de modèles aux «apprentis»
afin qu'ils puissent polir leur style.
Exercices
d'élèves et modèles transmis par les maîtres, tels
étaient donc.
à l'origine, les textes « plaisants •.
»
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