POÉSIES d'Arthur Rimbaud (résumé & analyse)

POÉSIES

Arthur Rimbaud. Poèmes, 1891.

L’œuvre en vers de Rimbaud parut, du vivant de l’auteur, dans diverses revues, et ne fut réunie une première fois qu’à son insu, quelque temps avant sa mort. Elle ne constitue donc pas un ensemble cohérent et concerté, mais, à condition de la compléter par d’autres textes (et notamment les deux fameuses lettres à Izambard et Paul Demeny), elle permet de suivre le cheminement qui, de ruptures en ruptures, a conduit en quelques années le poète à repousser les limites de la poésie jusqu’à des confins inexplorés. La plupart des textes de Poésies obéissent ainsi à un ordre chronologique, permettant de suivre les étapes d’un parcours fulgurant. Les premiers essais de composition sont encore influencés par Hugo, Banville et la technique parnassienne; mais l’ordre discursif y est déjà perturbé par des «visions» toutes personnelles et des accents de révolte (« Sensation », « Soleil et Chair», «Le Forgeron», «Les Effarés»). Viennent ensuite les violentes satires de l’hiver 1870-1871, où la veine réaliste ou ironique alterne avec des épanchements lyriques («Le Buffet», « Les Assis », « Le Dormeur du val », « Ma Bohème », « Roman »). La tourmente des événements extérieurs et du vagabondage intérieur engendre une nouvelle floraison de poèmes, qui s’acharnent à détruire les mirages de la poésie traditionnelle et à saisir de nouvelles sensations («Mes Petites Amoureuses», «Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs ») : période que clôt le chant somptueux du «Bateau ivre» (été 1871). L’expérience de la voyance et l’influence de Verlaine conduisent enfin au groupe des poèmes de 1872, où la liberté de composition et la souplesse de la versification, mêlées à une qualité visionnaire qui confine à l’hallucination («Éternité», «Mémoire»), annoncent Les Illuminations*.

♦ L’œuvre de Rimbaud (1854-1891) est si totale, si intimement liée à sa propre vie qu’il est difficile de dissocier les Poésies des textes qui en ont soit accompagné, soit suivi la rédaction: les Lettres, Les Illuminations, ou Une saison en enfer*. Non que les événements de la vie du poète fournissent une quelconque -clef» susceptible d’éclairer une œuvre dont la part d’obscurité est inhérente à sa beauté; mais la poésie de Rimbaud doit sa valeur profonde, et l’attrait qu elle exerce sur l’imagination, avant tout au fait qu’elle est une poésie vécue. Rompant avec les principes mêmes du lyrisme romantique, Rimbaud fait de la poésie non une expression de l’expérience vécue, mais l’objet même de cette expérience: pratique illustrée dans la fameuse Lettre du voyant (à Paul Demeny, 15 mai 1871) qui en expose la théorie : « Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. »

♦ Avec l’expérience baudelairienne, qui a agi sur Rimbaud comme un révélateur de l’essence de la poésie («Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu»), l’aventure rimbaldienne marque un tournant essentiel dans la révolution poétique du xix* siècle. Aux «formes vieilles», dans lesquelles la poésie se trouvait enfermée, malgré le renouvellement des thèmes et des matériaux, Rimbaud substitue la recherche éperdue, mais délibérée, de V inconnu, d’un langage radicalement nouveau : quête dont Mallarmé poursuivra l’achèvement, jusqu’aux limites ultimes de la page blanche.