POÉSIE (1946-1967). Anthologie poétique de Philippe Jaccottet (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
Publié le 07/11/2018
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POÉSIE (1946-1967). Anthologie poétique de Philippe Jaccottet (Suisse, né en 1925), publiée à Paris chez Gallimard en 1971. Elle comprend des extraits de l'Effraie (Gallimard, 1954), l'Ignorant (Gallimard, 1958), Airs (Gallimard, 1967), auxquels s'ajoutent Leçons (Lausanne, Payot, 1969).
\"L'effacement soit ma façon de resplendir\" : de son premier recueil important aux textes de réflexion poétique en prose (Paysages avec figures absentes, 1970; Éléments d'un songe, 1961) la voix de Philippe jaccottet vise une justesse qui dise dans sa fragilité la beauté entr'aperçue à la surface du monde. La discrétion de l'écriture suisse romande se mêle ici à la fréquentation de nombre d'auteurs majeurs (Rilke, Hôlderlin, Musil, G6ngora) que jaccottet a traduits, alimentant sa réflexion aux deux sources d'un classicisme qui fournit la clarté de la phrase poétique, et d'un romantisme hanté par la recherche de l'\"absolu épars\", disséminé dans les plis de la lumière. Préservant discrètement les formes traditionnelles des strophes, mètres et rimes, l'Effraie déjà travaillait à en estomper les effets, pour conserver leur grâce musicale mais en les allégeant de toute inutile - voire dangereuse -splendeur. Car le travail de la poésie se comprend dans cette œuvre comme une permanente pesée (figurée par l'image récurrente de la balance) tentant d'équilibrer l'amour du monde et l'horreur de disparaître. L'attention aux plus infimes phénomènes, aux \"mille épines de la pluie\" comme aux moments d'une transparence insaisissable ( \"Mais comment dire / cette chose qui est trop pure pour la voix ?\") se double donc d'une méfiance : si les poètes sont les \"zélés serviteurs du visible éloigné\", la restitution du monde passe par un déni du pouvoir de la langue, de sa disposition à figer ce qui nous illumine, à construire des édifices d'images magnifiques mais inhabitables. \"Prière entre la nuit et le jour\", \"dite dans la crainte\", comme l'indique le premier texte de l'Ignorant, \"combat inégal\" des signes infimes que le monde adresse et de la fin, de la
«
mort
et de la souffrance, la poés ie est
donc affaire de mesure : elle décrit les
distances (ce qui nous sépare du
monde et ce qui soudainement nous
en approche, nous permet d'« habiter >>
la terre), mais doit pour s'accomplir se
défier de tout enthousiasme, conserver
dans sa voix même le caractère éphé
mère et comme dérisoire de la beauté
qui l'aiman te.
Pour « parler avec la
voix du jour >>, « seule demeure l'igno
ra nce.
Ni la mort, 1 ni le rire ».
Ainsi
la transparence se dira-t-elle dans une
« buée >> sonore, et tous les moyens sty
listiques d'une écriture remarquable
ment accomplie se réfugieront-ils dans
une apparence de prose, qui supprime
les maj uscules en début de vers, étouffe
les allitérations, conquiert une légèreté
poreuse au jour : « Tel est le monde .
1
Nous ne le voyons pas très longtemps :
ju ste assez 1 pour en garder ce qui scin
tille et va s'éteindre .
>> Dans la poésie
contemp oraine et ce qu'il faudrait
appeler le > peuvent
« réparer l'espace >>.
> dans Airs ne peut être que « ce
peu de chose », «incertaine qu'elle
dure >>, qui chanterait « avec la voix la
plus pure 1 les distances de la terre »,
Dès l'Ign orant, la légèreté poétique
s' accomplira alors par une disparition
prog ressive des formes héritées en
alternant de brèves compositions et
des « notes >>, qui prendront avec Airs
la grâce légère du haïku ( « Monde né
d'une déchirure 1 apparu pour être fu
mée ! 1 Néanmoins la lampe allumée 1
sur l'intermina ble lecture »).
Lecteur
des > du réel, arpenteur « entre
pierre et songerie >> du presque rien de
lumière qu'il nous arrive de rencontrer,
le poète ne doit >.
La restitution n'est
cependant pas un simple >),
hésitant encore, dans son finale, à faire
de « l'in visible habitant l'inv isible »
davantage qu'un « modèle de patience
et de sourire 1 tel le soleil dans notre
dos encore 1 qui éclaire la table, et la
page, et les raisins >>..
»
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