Poèmes antiques, Leconte de Lisle
Publié le 05/04/2013
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Les Poèmes antiques paraissent en 1852. Ils comptent 31 poèmes, dont certains avaient déjà été publiés dans le journal fouriériste La Phalange. L'édition de 1874 contient 54 poèmes. Dans la préface des Poèmes antiques, Leconte de Lisle prône l'impersonnalité : « le thème personnel et ses variations trop répétées ont épuisé l'attention. ( ... ) Il y a dans l'aveu public des angoisses du coeur et de ses voluptés non moins amères une vanité et une profanation gratuites «.
«
Alkmène couche ses deux enfants, Héraklès et
lphiklès, demandant
à la déesse Nuit de protéger
leur sommeil
Les Dieux dormaient, rêvant l'odeur des sacrifices;
Mais, veillant seule, Héra, féconde en artifices,
Suscita deux dragons écaillés, deux serpents
Horribles,
aux replis azurés et rampants,
Qui devaient étouffer, messagers de sa haine,
Dans son berceau guerrier /'Enfant de la Thébaine.
Ils franchissent le seuil
et son double pilier,
Et dardent leur œil glauque au fond du bouclier.
Iphiklès, en sursaut, à l'aspect des deux bêtes,
De la langue qui siffle et des dents toutes prêtes,
Tremble,
et son jeune cœur se glace, et, pâlissant,
Dans sa terreur soudaine il jette un cri perçant,
Se débat, et veut fuir le danger qui le presse ;
Mais Héraklès, debout, dans ses langes se dresse,
S'attache
aux deux serpents, rive à leurs cous visqueux
Ses doigts divins, et fait, en jouant avec eux,
« Transporté de joie,
aux clartés de la
lune,
il emporte
sa proie ••.
,.
Leurs globes élargis sous l'étreinte subite
Jaillir comme une braise au-delà de l'orbite.
Ils fouettent en vain l'air, musculeux
et gonflés ;
L'enfant sacré les tient, les secoue étranglés,
Et rit en les voyant, pleins de rage et de bave,
Se tordre tout autour du bouclier concave.
Puis il les jette morts le long des marbres blancs,
Et croise pour dormir ses petits bras sanglants.
Dans ce poème s'exprime la contemplation devant
la nature, parfaite et mystérieuse
« Sur le seuil éclatant du palais arrêté .•• ,.
Midi, Roi des étés, épandu sur la plaine,
Pacifiques enfants de la Terre sacrée,
Tombe en nappes d'argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait.
L'air flamboie et brûle sans haleine;
La Terre est assoupie en sa robe de feu.
Ils
épuisent sans
peur la coupe du Soleil.
Parfois comme un soupir de leur âme brûlante,
Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux,
Une ondulation majestueuse
et lente,
L'étendue est immense et les
champs n'ont point d'ombre,
Et la source est tarie où buvaient les troupeaux ; S'éveille, et va mourir à l 'horiwn poudreux.
La lointaine forêt, dont la lisière est sombre,
Dort là-bas, immobile, en un
pesant repos.
Non loin, quelques bœufs blancs, couchés parmi les herbes,
Bavent avec lenteur
sur leurs fanons épais,
Seuls, les grands mûris, tels
qu'une mer dorée,
Se déroulent au loin, dédaigneux du sommeil ;
Et suivent de leurs yeux languissants et superbes
Le songe intérieur qu'ils n'achèvent jamais.
,
NOTES DE L'EDITEUR
Leconte de Lisle fut le chef de l'école
formaliste du Parnasse, courant
del' Art
pour
l' Art, qui réunissait les poètes
Banville, Hérédia, Coppée, Mendès et
Sully
Prudhomme autour de quatre idées
essentielles, très présentes dans le recueil
des
Poèmes antiques :
«le poète doit recourir à l'impersonnalité et
lutter contre les excès du Moi.
- il doit traduire une mystique de la beauté en
lui vouant un véritable culte et
en
négligeant tout le contingent et l'artificiel.
- refusant la facilité et l'approximation, il
doit avoir le culte du travail parfait.
- il doit se méfier de tout engagement et
tout considérer avec distance et
hauteur.»
A propos de Leconte de Lisle, Baudelaire
écrit
(La Revue fantaisiste, août 1861):
« Sa langue est toujours noble, décidée,
forte, sans notes criardes, sans fausses
pudeurs ; son vocabulaire, très étendu ; ses
1 dessin de Cazals, B.N.
/ Rogcr-Viollet 2, 3, 4, 5 gravures de Maurice Ray, B.N.
/ Sipa Jcono
Lagarde et Michard, Bordas
accouplements de mots sont toujours
distingués et cadrent nettement avec la
nature de son esprit.
Il
joue du rythme
avec ampleur et certitude, et son instrument
a le ton doux mais large et profond de
l'alto.
Ses rimes, exactes sans trop de
coquetterie, remplissent la condition de
beauté voulue et répondent régulièrement
à
cet amour contradictoire et mystérieux de
l'esprit humain pour la surprise
et la
symétrie.
»
LECONTE DE LISLE 02.
»
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